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Les Noirs, les Blancs et l’économie aux USA : l’implacable constat des chiffres
Depuis la mort, le 9 août 2014, d’un jeune Noir non armé, Michael Brown, la ville de Ferguson (Missouri), ville de 21.000 habitants majoritairement afro-américains, est secouée par des émeutes. L’occasion de revenir en quelques chiffres sur la situation économique et sociale de la communauté noire américaine.
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«‘‘En quoi un homme profite-t-il de s’asseoir à la table d’un restaurant où tout un chacun, Noir ou Blanc, a le droit d’accéder, s’il n’a pas les moyens de se payer un repas’’, aurait demandé le Dr King», déclarait le 28 août 2013 le président des Etats-Unis, Barack Obama, dans un discours prononcé à l’occasion des 50 ans de la fameuse allocution de Martin Luther King («I have a dream»). Autrement dit, commente The Atlantic, qui a relevé la phrase (citée par Slate), «sans l’égalité des chances économiques, l’égalité juridique ne peut rien faire».
En clair, nombre d’inégalités socio-économiques entre Noirs et Blancs perdurent de nos jours. Certaines se sont même aggravées depuis l’époque de Luther King. Aux dires d’une enquête du Pew Research Center, là encore citée par Slate, «le fossé économique (…) que l’on constatait il y a un demi-siècle existe toujours aujourd’hui. En ce qui concerne le revenu et la richesse des ménages, les disparités se sont élargies». En dollars, le fossé des revenus entre les deux communautés s’est creusé, passant de 19.000 dollars à la fin des années 60 à près de 27.000 dollars de nos jours.
Pour le chômage, le taux d’inactivité des Afro-Américains (12,6% en juillet 2013) est quasiment deux fois supérieur à celui de toute la population des Etats-Unis. Alors même que l’écart entre l’espérance de vie des communautés noire et blanche a eu tendance à se resserrer : en 50 ans, il est passé de sept à quatre ans.
Dans ce contexte, les Noirs forment le bataillon le plus imposant des Américains vivant sous le seuil de pauvreté (27,6%) alors qu'ils ne représentent que 13% de la population. En 2010, «les hommes noirs risquaient au moins six fois plus que les hommes blancs de se retrouver en prison», constate le Pew. En 1960, cette probabilité n’était «que» de cinq fois plus…
«Les statistiques relatives à l’application de la peine de mort indiquent que la race, notamment de la victime, reste un facteur important dans l’application de la peine de mort aux États-Unis. Le risque d’être condamné à mort est quatre fois plus grand lorsque la victime est blanche que lorsqu’elle est noire, et jusqu’à 11 fois plus grand quand l’auteur du crime est un Noir et la victime blanche», constate Amnesty International.
Stéréotypes inconscients
«Les discriminations contre les Afro-Américains restent très répandues», affirmait en 2013 à l’AFP Heather McGhee, vice-présidente de Demos, un groupe de réflexion sur l'égalité, installé à Washington. Pour autant, leur situation n’en a pas moins progressé en un demi-siècle. Près de 50 ans après la fin de la ségrégation, un Afro-Américain, Barack Obama, dirige la Maison Blanche, et l'accès des Noirs américains à l'éducation a connu «d'immenses progrès», souligne-t-elle. Ils sont ainsi désormais 86% à avoir été au collège, contre 38% en 1963, et 20% à occuper les bancs de l'université contre 5% un demi-siècle auparavant, rappelle-t-elle.
Selon les experts, les stéréotypes négatifs associés aux Noirs restent, comme ailleurs en Occident, prégnants aux Etats-Unis. Mais ils ont désormais changé de forme. «Les préjugés sont devenus inconscients. C'est devenu rare de dire explicitement que vous ne voulez pas embaucher un Noir. Mais nous savons combien les stéréotypes agissent sur les personnes qui prennent des décisions», assure Mme McGhee, elle-même Afro-Américaine. «Quand c'est inconscient, c'est bien plus difficile à combattre», déplore-t-elle.
Les statistiques par minorités permettent toutefois d'«éclairer le débat public» aux Etats-Unis et de sensibiliser, bon gré mal gré, le monde du travail aux discriminations, souligne Ioana Marinescu, professeur à l'Université de Chicago. Les entreprises en contrat avec l'Etat fédéral sont ainsi tenues de mettre en œuvre des mesures de «discrimination positive» et de favoriser l'avancement des minorités, sans toutefois recourir à de quelconques quotas. Et l'ensemble des entreprises américaines de plus de 100 salariés doivent publier chaque année un rapport recensant l'ethnie ou le sexe de ses employés.
Pour autant, le mal pourrait être plus pernicieux, avance la sociologue Nancy DiTomaso, enseignante dans l'école de commerce Rutgers de Newark, près de New York. «Une majorité de gens décrochent un emploi parce que quelqu'un les a aidés en leur donnant des informations, en usant de leur influence par des recommandations du type: ‘‘C'est un ami, occupe-toi de lui’’, ou tout simplement en leur trouvant un poste», expliquait-elle en 2013.
Selon la chercheuse, l'importance de ces «connections» et des «réseaux» dans le monde professionnel désavantage grandement les Afro-Américains. «La dynamique n'est pas que les Blancs discriminent les Noirs, c'est que les Blancs aident d'autres Blancs», souligne-t-elle.
En clair, nombre d’inégalités socio-économiques entre Noirs et Blancs perdurent de nos jours. Certaines se sont même aggravées depuis l’époque de Luther King. Aux dires d’une enquête du Pew Research Center, là encore citée par Slate, «le fossé économique (…) que l’on constatait il y a un demi-siècle existe toujours aujourd’hui. En ce qui concerne le revenu et la richesse des ménages, les disparités se sont élargies». En dollars, le fossé des revenus entre les deux communautés s’est creusé, passant de 19.000 dollars à la fin des années 60 à près de 27.000 dollars de nos jours.
Pour le chômage, le taux d’inactivité des Afro-Américains (12,6% en juillet 2013) est quasiment deux fois supérieur à celui de toute la population des Etats-Unis. Alors même que l’écart entre l’espérance de vie des communautés noire et blanche a eu tendance à se resserrer : en 50 ans, il est passé de sept à quatre ans.
Dans ce contexte, les Noirs forment le bataillon le plus imposant des Américains vivant sous le seuil de pauvreté (27,6%) alors qu'ils ne représentent que 13% de la population. En 2010, «les hommes noirs risquaient au moins six fois plus que les hommes blancs de se retrouver en prison», constate le Pew. En 1960, cette probabilité n’était «que» de cinq fois plus…
«Les statistiques relatives à l’application de la peine de mort indiquent que la race, notamment de la victime, reste un facteur important dans l’application de la peine de mort aux États-Unis. Le risque d’être condamné à mort est quatre fois plus grand lorsque la victime est blanche que lorsqu’elle est noire, et jusqu’à 11 fois plus grand quand l’auteur du crime est un Noir et la victime blanche», constate Amnesty International.
Stéréotypes inconscients
«Les discriminations contre les Afro-Américains restent très répandues», affirmait en 2013 à l’AFP Heather McGhee, vice-présidente de Demos, un groupe de réflexion sur l'égalité, installé à Washington. Pour autant, leur situation n’en a pas moins progressé en un demi-siècle. Près de 50 ans après la fin de la ségrégation, un Afro-Américain, Barack Obama, dirige la Maison Blanche, et l'accès des Noirs américains à l'éducation a connu «d'immenses progrès», souligne-t-elle. Ils sont ainsi désormais 86% à avoir été au collège, contre 38% en 1963, et 20% à occuper les bancs de l'université contre 5% un demi-siècle auparavant, rappelle-t-elle.
Selon les experts, les stéréotypes négatifs associés aux Noirs restent, comme ailleurs en Occident, prégnants aux Etats-Unis. Mais ils ont désormais changé de forme. «Les préjugés sont devenus inconscients. C'est devenu rare de dire explicitement que vous ne voulez pas embaucher un Noir. Mais nous savons combien les stéréotypes agissent sur les personnes qui prennent des décisions», assure Mme McGhee, elle-même Afro-Américaine. «Quand c'est inconscient, c'est bien plus difficile à combattre», déplore-t-elle.
Les statistiques par minorités permettent toutefois d'«éclairer le débat public» aux Etats-Unis et de sensibiliser, bon gré mal gré, le monde du travail aux discriminations, souligne Ioana Marinescu, professeur à l'Université de Chicago. Les entreprises en contrat avec l'Etat fédéral sont ainsi tenues de mettre en œuvre des mesures de «discrimination positive» et de favoriser l'avancement des minorités, sans toutefois recourir à de quelconques quotas. Et l'ensemble des entreprises américaines de plus de 100 salariés doivent publier chaque année un rapport recensant l'ethnie ou le sexe de ses employés.
Pour autant, le mal pourrait être plus pernicieux, avance la sociologue Nancy DiTomaso, enseignante dans l'école de commerce Rutgers de Newark, près de New York. «Une majorité de gens décrochent un emploi parce que quelqu'un les a aidés en leur donnant des informations, en usant de leur influence par des recommandations du type: ‘‘C'est un ami, occupe-toi de lui’’, ou tout simplement en leur trouvant un poste», expliquait-elle en 2013.
Selon la chercheuse, l'importance de ces «connections» et des «réseaux» dans le monde professionnel désavantage grandement les Afro-Américains. «La dynamique n'est pas que les Blancs discriminent les Noirs, c'est que les Blancs aident d'autres Blancs», souligne-t-elle.
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