La justice chilienne autorise l'extradition de Fujimori au Pérou
La Cour Suprême du Chili a autorisé vendredi à l'unanimité l'extradition de l'ex-président péruvien Alberto Fujimori vers le Pérou - où il doit être transféré dans quelques heures - pour corruption et violation des droits de l'Homme durant son régime autoritaire (1990-2000).
"L'extradition a été accordée", a annoncé Alberto Chaigneau, le président de la deuxième chambre de la Cour, dont la décision est définitive et met fin à une longue péripétie judiciaire.
M. Fujimori sera transféré dans "quelques heures" au Pérou, a annoncé à Santiago un responsable de la police, René Castellon.
L'ancien homme fort du Pérou voyagera par avion jusqu'au poste frontière de Chaculluta (2.000 km au nord de Santiago, non loin du désert d'Atacama), pour être remis aux autorités péruviennes. De là, le détenu ira à la ville péruvienne de Tacna (1.000 km au sud de Lima) où il devrait à nouveau prendre un avion jusqu'à la capitale.
Agé de 69 ans, l'ex-président, en résidence surveillée dans un quartier luxueux de Santiago, ne tentera aucun recours pour retarder l'extradition, selon sa défense. "Nous allons respecter la décision de la justice chilienne", a déclaré son avocat, Gabriel Zaliasnik.
La députée Keiko Fujimori, fille de M. Fujimori, a appelé ses partisans à l'accueillir à l'aéroport de Lima.
M. Fujimori a confié par téléphone à une radio de Lima qu'il pensait bien être extradé mais pour seulement quatre dossiers et a assuré qu'il était "certain de s'en sortir avec honneur".
Le Pérou a promis que l'ancien chef d'Etat bénéficierait d'un "procès juste", par la voix de son ministre des Affaires étrangères José Garcia Belaunde.
"L'étape suivante est de l'amener à Lima et lui offrir les garanties d'un procès juste", a-t-il déclaré à la radio péruvienne CPN.
En première instance, le 11 juillet dernier, la demande d'extradition avait été rejetée par le juge chilien Orlando Alvarez, réputé conservateur, une décision contre laquelle l'Etat péruvien avait fait appel.
Au Pérou, le verdict final a été salué par les organisations des droits de l'Homme et les familles des disparus ou tués durant le régime autoritaire de M. Fujimori.
Human Rights Watch a qualifié ce jugement de "précédent important pour d'autres pays, soulignant que "c'est la première fois qu'un tribunal ordonne l'extradition d'un ancien chef d'Etat vers son pays d'origine afin d'être jugé pour de graves violations des droits de l'Homme".
Amnesty international a estimé de Londres qu'il s'agissait d' "un pas très important pour les milliers de victimes de son régime autoritaire".
Le procès devrait commencer tout de suite et durer au minimum trois mois selon le procureur péruvien mais les avocats de l'ancien président à Lima estiment que celui-ci s'étalera sur deux années.
L'ancien dirigeant, qui avait démissionné sur fond de scandale avant de se réfugier pendant cinq ans au Japon dont il possède aussi la nationalité, avait été arrêté au Chili lors de son arrivée inopinée en novembre 2005.
La justice péruvienne le réclame pour de graves violations des droits de l'Homme dont le massacre en 1991 de 15 habitants d'un quartier à Lima, ainsi que l'assassinat, l'année suivante, de neuf étudiants et d'un professeur de l'Université de la Cantuta, dans la banlieue de la capitale, par un escadron de la mort composé de militaires, ainsi que pour des affaires de corruption.
Il risque dix ans de prison pour corruption et trente ans pour les violations des droits de l'Homme. Toutefois, comme il est âgé de 69 ans, il pourrait ne passer que dix mois en prison puisque au Pérou, les détenus de plus de 70 ans peuvent rester à leur domicile.
Bloqué au Chili et redoutant une extradition, M. Fujimori s'était présenté, sans succès, au sénat japonais sous l'étiquette du Nouveau parti du peuple japonais, groupe dissident du parti libéral démocrate (PLD).
Son retour au Pérou va embarrasser l'actuel président Alan Garcia qui a besoin du soutien des 13 députés "fujimoristes" pour obtenir la majorité au parlement.
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