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Plans d'investissements de Joe Biden : le président américain "doit arbitrer entre les deux factions du Parti démocrate", selon Corentin Sellin

La Chambre des représentants des Etats-Unis doit se prononcer vendredi sur deux plans d'investissements de 3 000 milliards de dollars, portés par le président Joe Biden. Celui-ci doit cependant faire face à des divisions au sein de son camp démocrate.

Article rédigé par franceinfo
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Le président des Etats-Unis Joe Biden commente les chiffres du chômage à la Maison blanche, vendredi 5 octobre. (SARAH SILBIGER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

La Chambre des représentants des Etats-Unis va-t-elle voter les plans d'investissements porté par le président Joe Biden ? Les élus américains doivent se prononcer vendredi 5 novembre sur ces deux projets mais le président est confronté à une division au sein de son camp. Joe Biden "doit arbitrer entre les deux factions du Parti démocrate" qui se livrent "à un jeu de dupes", a ainsi affirmé sur franceinfo Corentin Sellin, professeur agrégé d'Histoire et spécialiste des États-Unis. Grâce à ces dépenses, Joe Biden promet de transformer les Etats-Unis.

Selon Corentin Sellin, les démocrates s'étaient "réunis très provisoirement contre Donald Trump" mais, à présent, "ils retrouvent la division qui existe depuis longtemps". Il faut donc à Joe Biden "impérativement une réalisation législative", sans quoi les élections de mi-mandat seront une "catastrophe pour les démocrates", estime l'historien.

franceinfo : Pourquoi le processus législatif de ces plans a-t-il pris autant de temps ?

Corentin Sellin : Ce qui coince, c'est une sorte de marché à passer au sein du Parti démocrate entre les modérés et les progressistes. Les modérés veulent absolument que le compromis sur le plan d'infrastructures, qui a déjà reçu l'aval du Sénat, passe à la Chambre parce que rénover les routes et les ponts, c'est très populaire. De plus, les modérés sont contents d'avoir obtenu au Sénat l'accord de quelques sénateurs républicains. Les progressistes, eux, sont surtout intéressés par le second plan, le Build Back Better, c'est-à-dire un grand plan de dépenses sociales et climatiques pour accélérer la transition énergétique des Etats-Unis. [Il doit encore être validé par le Sénat.] Les modérés du Parti démocrate sont beaucoup moins enthousiastes concernant ce plan parce ce que cela coûte très cher. Depuis cet été, il y a donc une sorte de jeu de dupes entre les deux factions du Parti démocrate. Les progressistes ne veulent pas voter à la Chambre le compromis infrastructures, qui est déjà passé au Sénat, tant que les modérés, ne s'engagent pas, aussi bien à la Chambre qu'au Sénat, à voter pour le Build Back Better. Joe Biden se retrouve donc à devoir arbitrer cette lutte entre factions au sein du Parti démocrate.

Le Parti démocrate a-t-il déjà été divisé ?

Oui, il est divisé de cette sorte depuis au moins une décennie. On l'avait vu en particulier avec les deux candidatures présidentielles de Bernie Sanders, le sénateur indépendant socialiste-démocrate du Vermont, qui a ressuscité la gauche progressiste du Parti démocrate. Lors des primaires démocrates, en 2016 contre Clinton et en 2020 contre Joe Biden, on va bien vu que cette gauche avait repris des couleurs autour de la révolution écologique, du retour de l'Etat et de la nécessité de l'investissement public. Le problème, c'est que cette minorité n'a pas du tout le même rapport au capitalisme que la majorité des démocrates qui sont, eux, sur une ligne sociale libérale, qu'incarne d'ailleurs parfaitement Joe Biden. Le parti était très divisé. Il s'est réuni très provisoirement contre Donald Trump car ils voulaient s'en débarrasser. Cependant, quand on en vient au gouvernement et aux projets économiques, on retrouve la division qui existe depuis longtemps.

Est-ce la cuisante défaite aux élections locales en Virginie qui a remobilisé le camp démocrate ?

Absolument. Il faut impérativement que les démocrates remplissent la besace de Joe Biden. Les électeurs démocrates ne sont pas venus en Virginie ou au New Jersey mardi parce que les promesses, pour l'instant, ne sont pas tenues. Il n'y a rien de réalisé. Il y a en plus cet affichage des négociations parlementaires auxquelles l'Américain de tous les jours ne comprend pas grand-chose. Il faut sortir de ces négociations qui durent des mois et perdent des électeurs mais, encore aujourd'hui, ce n'est pas certain que la Chambre des représentants puisse voter parce que les majorités de Biden à la Chambre et au Sénat sont extrêmement minces, voire inexistantes.

Quelle est la suite pour Joe Biden ? Ses promesses, sa présidence, son programme, sont-ils en danger puisqu'impossibles à réaliser pour l'instant ?

Oui. C'est vraiment la leçon. Il faut rappeler que l'on est à un an des élections de mi-mandat, qui renouvelleront l'intégralité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat en novembre 2022. Pour l'instant, Joe Biden est très mal parti pour ces élections. Il est devenu impopulaire cet été. Il lui faut impérativement une réalisation législative, que ses projets voient enfin le jour. Le problème, c'est que, pour l'instant, il n'arrive pas encore à réconcilier les démocrates autour de projets économiques communs. De là tient beaucoup la suite de sa présidence. S'il réussit, on peut envisager une embellie, d'autant plus que le chômage baisse. En revanchee, s'il n'arrive pas à faire passer ses projets, là, on va vers la catastrophe pour les démocrates lors des élections de mi-mandat de l'année prochaine.

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