Cet article date de plus de quatre ans.

"Tout à coup, j'ai vu des flammes dans mon jardin" : en Californie, le combat des pompiers et des habitants face aux incendies

L'incendie qui a démarré jeudi dans le comté de Sonoma, à une centaine de kilomètres au nord de San Francisco, avait brûlé plus de 30 000 hectares lundi soir.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les pompiers combattent le "Kincade Fire" dans le vignoble de Soda Rock, à Healdsburg (Californie, Etats-Unis), le 27 octobre 2019. (JOSH EDELSON / AFP)

"Vous ne pouvez pas lutter contre ce feu. S'il vous plaît, évacuez." Le shérif du comté de Sonoma a lourdement insisté, dimanche 27 octobre, sur la gravité de l'incendie qui menaçait 80 000 bâtiments dans cette région située à une centaine de kilomètres au nord de San Francisco (Etats-Unis). Depuis près d'une semaine, le "Kincade Fire" fait rage dans le nord de la Californie, attisé par des vents secs et violents. Les flammes ont déjà englouti plus de 30 000 hectares, selon le dernier bilan du service des pompiers de l'Etat, publié lundi soir. L'incendie n'est maîtrisé qu'à 15%.

Face à la progression rapide du brasier, qui a doublé de superficie sur la seule journée de dimanche, 180 000 personnes ont été évacuées par les autorités. "Du jamais vu" dans l'histoire du comté de Sonoma, selon le shérif. Au moins deux hôpitaux ont évacué leurs patients vers d'autres établissements et un centre d'hébergement, qui s'est trouvé dans la zone d'évacuation, a dû fermer.

VIDEO. De violents incendies ravagent la Californie
VIDEO. De violents incendies ravagent la Californie VIDEO. De violents incendies ravagent la Californie (FRANCEINFO)

A Geyserville, des familles sont parties dans la précipitation, surprises par l'arrivée soudaine des flammes, raconte le Los Angeles Times (en anglais). Madonna Tavares et son mari ont été réveillés par des coups sur leur porte à 5h30 du matin. Dehors, une fumée noire rend l'air irrespirable et le propriétaire s'époumone : "Sortez !" Madonna Tavares tâtonne dans le noir pour trouver ses affaires et ses deux chiens. PG&E, le fournisseur d'électricité californien, a coupé préventivement le courant dans de nombreux foyers, dont le sien. Au total, 2 millions de personnes ont été privées d'électricité durant le week-end.

Des pompiers bloqués au cœur du brasier

Relativement préservés lors des précédents incendies de ces dernières années, plusieurs vignobles du comté de Sonoma sont partis en fumée. Des journalistes et des photographes ont filmé le principal bâtiment de la Soda Rock Winery, vieux de 150 ans, transformé en brasier géant, à Healdsburg. 

Pour les 4 300 pompiers mobilisés contre le "Kincade Fire", la lutte contre les flammes s'avère particulièrement difficile. "Ils sont sur le terrain pendant 24 heures d'affilée et doivent faire face à des vents changeants, sur un terrain montagneux", explique à franceinfo Chris Harvey, du service de pompiers californiens Cal Fire. 

Ils doivent lutter contre la fatigue, se méfier des chutes d'arbres fragilisés par les flammes et des feux situés au-dessus d'eux sur un terrain escarpé. Ils peuvent se retrouver tout à coup encerclés, à cause des flammèches qui se déplacent très vite

Chris Harvey, du service de pompiers californiens Cal Fire

à franceinfo

Bryan Farrell et ses coéquipiers se sont ainsi trouvés bloqués dans leur camion sur une route près de Healdsburg, dans la nuit de samedi à dimanche. "C'était fou", raconte le pompier, formé à ce type de situation d'urgence, au East Bay Times (en anglais). Il sent la fumée et l'odeur du plastique qui brûle, quelque part sur le véhicule (pourtant adapté aux fortes chaleurs). Il lui faut patienter 20 minutes avant que le feu perde en intensité et que le camion puisse repartir.

Rester pour protéger sa maison

Le "Kincade Fire" n'est pas le seul brasier qui ravage la Californie. Lundi, le gouverneur a déclaré l'état d'urgence dans l'ensemble de l'Etat, affecté par une quinzaine d'incendies, selon le décompte du Los Angeles Times (en anglais)Plusieurs sévissaient près de Los Angeles, dans le sud de l'Etat. Le "Tick Fire", qui était contrôlé à 70% lundi matin, a dévoré plus de 4 000 hectares en quatre jours et forcé l'évacuation de plus de 40 000 personnes au plus fort de l'incendie.

"Vendredi vers 14 heures, j'ai vu une fumée noire s'élever derrière la colline. Je n'ai pas paniqué, car nous avons l'habitude d'avoir des incendies à cette période en Californie", raconte Jim Greenis, qui habite près de Santa Clarita, à franceinfo. Un voisin vient l'avertir que les autorités ont ordonné l'évacuation. Le manager de 40 ans et sa femme préparent leurs bagages, embarquent les documents importants dans le coffre de la voiture.

Le Californien a un générateur pour faire face aux coupures d'électricité et préfère rester chez lui tant que sa vie n'est pas menacée. "Je savais qu'en cas de danger on pouvait partir en 30 secondes, alors on a préféré attendre la dernière minute, se remémore-t-il. Je crois que j'aurais été beaucoup plus inquiet si j'avais été à cinq kilomètres de chez moi, sans savoir si ma maison était encore debout."

"J'ai passé la nuit à surveiller la colline"

Soudain, la progression du feu s'accélère. Jim Greenis aperçoit les flammes sur le haut de la colline, derrière sa maison. "Il y avait énormément de vent. Le feu a dévalé la colline et a pris dans le jardin de mon voisin. Tout d'un coup, j'ai vu des flammes au fond de mon jardin, derrière la barrière." 

Je sentais la chaleur des flammes mais, le pire, c'était la fumée qui me prenait à la gorge.

Jim Greenis

à franceinfo

Jim Greenis se saisit de son tuyau d'arrosage et de son portable. Tout en essayant de ralentir la progression des flammes, il filme la situation. L'incendie menace deux côtés de la maison. Les pompiers arrivent rapidement sur place et l'aident à protéger son habitation. "Ils ont d'abord éteint le feu dans le jardin de mon voisin, puis dans le mien." Un hélicoptère de Cal Fire lâche de l'eau sur la colline derrière la maison du Californien, éteignant complètement le foyer. "J'ai passé la nuit à surveiller la colline, pour vérifier que le feu ne reprenait pas." 

Seule la clôture du jardin, fragilisée, devra être remplacée. "Sur le coup, je n'ai pas eu peur, assure Jim Greenis . C'était plutôt un moment surréaliste, je n'arrêtais pas de crier : 'Non mais c'est une blague ! Il se passe quoi là ?' Mais tout s'est bien terminé." Tous n'ont pas eu la chance de Jim Greenis. Le "Kincade Fire" a détruit plus de 120 bâtiments en six jours et en menace 80 000 autres. Le "Tick Fire" a dévasté une trentaine d'habitations.

"Ces feux géants sont la nouvelle norme"

Et la vague d'incendies n'est toujours pas terminée. Un nouveau feu s'est déclaré dans les quartiers chics de Los Angeles, lundi 28 octobre au petit matin. Baptisé "Getty Fire" (à cause de sa proximité avec le célèbre musée Getty), il a consumé plus de 250 hectares en quelques heures, forçant l'évacuation de milliers d'habitants. Parmi eux, le basketteur star des Lakers, LeBron James, et l'acteur Arnold Schwarzenegger, qui ont quitté leur domicile en pleine nuit. Dans leur fuite, d'autres habitants ont filmé le brasier le long de l'autoroute 405, qui a dû être fermée en raison des flammes.

La saison des incendies fait régulièrement des ravages en Californie. Début novembre 2018, le "Camp Fire" avait détruit la petite ville de Paradise, dans le nord de l'Etat, faisant 86 morts et plusieurs dizaines de milliers de déplacés. "Nous continuons de recruter et de former des pompiers chaque année, pour toujours être prêts à répondre aux incendies, précise Chris Harvey, de Cal Fire. Désormais, ces feux géants qui se succèdent chaque automne sont la nouvelle norme."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.