Guerre en Ukraine : cinq questions sur le vote attendu du Congrès américain sur l'aide à Kiev

Dans un élan bipartisan entre démocrates et républicains, les élus de la Chambre des représentants doivent voter samedi une enveloppe d'aide très attendue de 61 milliards d'euros.
Article rédigé par franceinfo
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Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, devant le Congrès américain, le 21 décembre 2022. (JIM WATSON / AFP)

L'Ukraine et ses alliés ont le regard rivé sur le Congrès américain. Après des mois de tergiversations, la Chambre des représentants, à majorité républicaine, pourrait enfin parvenir à un accord, samedi 20 avril, sur un grand plan d'aide de 61 milliards d'euros pour l'Ukraine, soutenu par des élus des deux bords. Ils voteront en même temps sur une aide à Taïwan et sur une possible interdiction de l'application TikTok attachée à cette proposition de loi. Les parlementaires doivent se prononcer à partir de 13 heures (19 heures à Paris) sur cette enveloppe réclamée depuis des mois par le président Joe Biden. Si toutes les mesures sont adoptées, elles seront examinées par le Sénat dans la foulée. Franceinfo répond à cinq questions sur ce vote.

Que contient le texte de l'accord ?

Le plan de la Chambre des représentants est découpé en quatre parties et contient une enveloppe d'aides de 95 milliards de dollars (environ 89 milliards d'euros), avec, en premier lieu, un package de 61 milliards de dollars pour l'Ukraine (57 milliards d'euros). Cette enveloppe comprend principalement une assistance militaire et économique, mais il autorise aussi le président Joe Biden à confisquer et à vendre des actifs russes pour qu'ils servent à financer la reconstruction de l'Ukraine. Cette idée fait son chemin auprès d'autres pays du G7.

L'accord prévoit également une aide de 26 milliards de dollars pour Israël (dont 13 milliards d'assistance militaire), en guerre avec le Hamas, souligne le New York Times. Ces fonds serviront notamment à renforcer le bouclier antimissile de l'allié historique des Etats-Unis, le "Dôme de fer". Plus de 9 milliards de dollars sont par ailleurs prévus pour "répondre au besoin urgent d'aide humanitaire à Gaza et à d'autres populations vulnérables dans le monde", selon un résumé du texte consulté par l'AFP.

Comme Joe Biden l'avait réclamé, cette proposition de loi consacre par ailleurs 8 milliards de dollars pour tenir tête à la Chine sur le plan militaire en investissant dans les sous-marins, et venir en aide à Taïwan. Elle prévoit aussi l'interdiction de TikTok aux Etats-Unis, à moins que le réseau social ne coupe ses liens avec sa maison mère ByteDance, et plus largement avec la Chine. La plateforme de vidéos est accusée de permettre à Pékin d'espionner et de manipuler ses 170 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis. L'administration Biden s'est dite "très favorable" à toutes ces mesures.

Pourquoi arrive-t-il maintenant ?

L'administration Biden cherche à obtenir une nouvelle enveloppe d'aide à l'Ukraine depuis des mois, mais elle butait jusque-là sur un refus net des conservateurs. Dévoilés mercredi, les nouveaux textes sont donc le fruit de mois de tractations intenses, marquées par des visites du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Washington et des pressions d'alliés à travers le monde.

Les Etats-Unis sont le principal soutien militaire de Kiev, mais le Congrès n'a pas adopté de plan de soutien pour son allié depuis près d'un an et demi, principalement en raison de querelles partisanes. Les républicains, pressés par Donald Trump, sont de plus en plus réticents à financer un conflit qui s'enlise. En pleine année électorale, la question s'est transformée en un duel à distance entre les deux candidats à la présidentielle.

Après des mois de tergiversations, le chef républicain de la Chambre, Mike Johnson, a fini par apporter son soutien à une enveloppe de 61 milliards de dollars pour l'Ukraine. "Pour le dire franchement : je préfère envoyer des munitions à l'Ukraine qu'envoyer nos garçons se battre", a-t-il plaidé, non sans une certaine émotion, lors d'une conférence de presse.

"Une partie de l'électorat modéré des républicains ne comprendrait pas que les républicains, par leur blocage politique, puisse contribuer à la chute de l'Ukraine", a analysé sur franceinfo Jean-Claude Beaujour, avocat en droit international et spécialiste des Etats-Unis.

Quelles sont les chances pour le texte d'aboutir ?

Un premier vote vendredi a permis de prendre la température à la Chambre des représentants. En apportant leurs voix dans un rare élan bipartisan, les démocrates ont permis au plan de Mike Johnson d'être examiné samedi avec l'organisation de votes séparés sur chaque texte. Le vote de cette étape procédurale a recueilli 316 voix pour et 94 contre, avec des républicains et des démocrates dans les deux camps.

Les républicains disposent d'une courte majorité à la Chambre, avec 219 représentants conservateurs contre 212 pour les démocrates. En cas d'adoption du projet de loi par la Chambre, la promulgation pourrait n'être qu'une question de jours. Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, a promis que ses parlementaires "agiraient rapidement" après le vote à la Chambre. Et Joe Biden a déjà annoncé qu'il signerait le texte "immédiatement pour envoyer un message au monde".

Quelles peuvent être les conséquences pour Kiev sur le front ?

L'adoption de cette enveloppe permettrait de rassurer les alliés des Etats-Unis et les soutiens de l'Ukraine. Dans un contexte de grande difficulté pour l'armée de Kiev sur le terrain, la porte-parole du président démocrate, Karine Jean-Pierre, a souligné que le flux d'aide américaine à l'Ukraine reprendrait "immédiatement" après l'adoption de ce texte par les deux chambres du Congrès.

De son côté, Kiev s'impatiente. "Nous ne pouvons plus attendre que des décisions soient prises. Je vous demande de prendre en considération nos demandes le plus rapidement possible", a encore lancé vendredi Volodymyr Zelensky, selon des propos rapportés par ses services. Il réclame notamment au moins sept systèmes antiaériens Patriot supplémentaires, deux jours après une frappe russe particulièrement meurtrière qui a fait 18 morts mercredi à Tchernihiv. "Tant que la Russie a l'avantage dans les airs et peut s'appuyer sur la terreur menée par les drones et les roquettes, nos capacités au sol sont malheureusement limitées", a reconnu le président ukrainien.

Donald Trump pourrait-il revenir sur ce financement s'il était élu en novembre ?

Sans s'opposer directement à cette nouvelle aide, l'ancien président a estimé ces derniers jours sur son réseau social Truth Social que les Etats-Unis devaient "arrêter de donner de l'argent sans espérer être remboursés". Il en a appelé une nouvelle fois aux Européens, qu'il accuse de ne pas dépenser assez pour leur défense. Pour autant, les textes présentés à la Chambre prévoient d'ouvrir des crédits supplémentaires pour l'exercice budgétaire se terminant le 30 septembre. Dès lors, la prochaine élection présidentielle de novembre prochain et le possible retour du milliardaire conservateur ne pourront pas entraver ce plan d'aide.

En revanche, le projet de loi fracture actuellement le camp républicain rend incertain l'avenir du "speaker" Mike Johnson à son poste. Des élus conservateurs ont promis de tout faire pour destituer le chef des républicains. Mike Johnson a plongé le parti "dans le chaos en servant les démocrates et en adoptant l'ordre du jour de Biden", a déclaré l'élue Marjorie Taylor Greene. Le prédécesseur de Mike Johnson, Kevin McCarthy, avait déjà été démis l'an dernier, alors que l'aile trumpiste l'accusait d'un "accord secret" avec les démocrates sur l'Ukraine.

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