Fusion dans les télécoms européennes pour lutter contre les Chinois
Nokia et Alcatel-Lucent sont tombés d’accord pour que le groupe finlandais lance une OPA sur la société franco-américaine. Une fusion qui accentue la concentration dans le milieu des équipementiers télécoms dans un marché de plus en plus mondialisé. Un marché sur lequel les Chinois sont particulièrement offensifs.
«Ce rapprochement entre Nokia et Alcatel Lucent va permettre de créer le grand champion européen, à la fois des équipements et des technologies sur le téléphone mobile et le fixe avec le meilleur de la technologie de Nokia et d'Alcatel», s’est félicité le ministre français de l’Economie, Emmanuel Macron. «Ce grand champion, c'est celui qui pourra précisément concurrencer Huawei et les (autres, NDLR) grands champions chinois», a-t-il ajouté vantant l'idée d'un «Airbus» des télécoms européen...
Avec cette fusion, le marché des équipements pour les télécommunications voit son nombre de fournisseurs réduit à trois-quatre groupes principaux, avec donc le futur Nokia, le suédois Ericsson, et le chinois Huawei (et accessoirement un autre chinois, ZTE). Sans compter l'américain Cisco, plus spécialisé dans les réseaux Internet.
Résultat, la hiérarchie mondiale du secteur évolue en faveur de l'Europe : le nouveau groupe Nokia, issu de l’absorption d’Alcatel-Lucent, devrait peser aussi lourd que l’autre groupe européen, Ericsson, soit environ 17% du marché mondial des infrastructures pour réseaux fixes et mobiles (Alcatel et Nokia pesait environ 8% chacun). Face à eux, le géant chinois, Huawei, pèse à peu près autant (16%). Derrière, on trouve le second Chinois, ZTE.
Une concentration continue
Le mariage Nokia-Alcatel Lucent n’est pas le premier du genre. Si la concentration chez les opérateurs de télécoms fait souvent la Une, il ne faut pas oublier que chez les équipementiers, le mouvement ne date pas d’hier. «En 1999, Lucent avait sonné le coup d’envoi de la recomposition du marché en s’offrant Ascend Communications pour 21 milliards de dollars. Depuis, seules deux autres opérations d’envergure se sont déroulées. D’abord, en 2006, le français Alcatel s’est marié à l’américain Lucent, avant de racheter dans la foulée les activités 3G du canadien Nortel» rappellent Les Echos.
Nokia, pour sa part, avait avalé le secteur infrastructures réseau de Siemens. Plus connu pour ses téléphones, la marque finlandaise avait du changer de stratégie en revandant ce secteur à Microsoft après avoir raté le virage des smartphones. Aujourd'hui, dans les réseaux, Nokia est bien présent en Europe. Alcatel-Lucent est implanté dans le monde (22% de son chiffre d'affaires se fait en Europe, France y compris, et 41% aux Etats-Unis).
L’arrivée des Chinois
Ce phénomène de concentration doit beaucoup à la concurrence chinoise qui pèse sur les prix, obligeant les autres sociétés à améliorer leur offre. Huawei et ZTE pratiqueraient des prix inférieurs de 18% à ceux des fabricants européens, selon un document cité par Reuters.
Aujourd'hui, Huawei représenterait 25% du marché européen. Preuve de sa progression, il n'en représentait que 2,5% en 2006.
Huawei serait aujourd’hui le N°1 mondial du secteur. «Dans le mobile, la part de marché d'un groupe fusionné Nokia-Alcatel grimperait de 18% à 29%, dépassant ou égalant celle de Huawei et talonnant celle d'Ericsson. Mais dans la 4G, le nouveau groupe réduirait l'écart mais resterait à 26% des contrats loin derrière Huawei (36%) et Ericsson (33%) selon le cabinet Ovum», cité par La Tribune.
Huawei, fondé par un ancien ingénieur de l'armée chinoise, avait vu ses projets d’investissements dans des infrastructures aux Etats-Unis pour des raisons de sécurité. Washington affirmait craindre que ses équipements soient utilisés pour de l'espionnage. Une forme de protectionnisme pratiquée par d'autres pays... mais par un curieux retournement, ce sont les Américains qui ont été accusés d'avoir espionné le constructeur chinois, selon des documents issus des révélations d'Edward Snowden. Outre les équipements télécoms, Huawei est le troisième fabricant mondial de smartphones. L’entreprise chinoise affiche des résultats record. Chiffre d’affaires en hausse de 24%, bénéfices de 30%.
Sa croissance, Huawei doit sa croissance à la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) avec un chiffre en hausse de 20% sur un an. La progression en Chine est encore plus nette, avec une hausse sur un an de 31,5%. L’autre entreprise chinoise, ZTE, espère pour 2014 un croissance de 8% de son chiffre d’affaires et un bénéfice quasi doublé.
Les importations d'équipements pour réseaux de téléphonie mobile dans l'UE s'élèvent à un milliard d'euros par an et représentent une rude concurrence pour Ericsson, Nokia et Alcatel-Lucent. En fusionnant, le finlandais et le franco-américain «entendent créer un leader des technologies innovantes dans les réseaux et les services pour un monde connecté IP». Alors que la concentration chez les opérateurs n'a pas encore commencé au niveau européen (chaque réseau reste national), celui des équipementiers est désormais quasi totalement mondialisé. Comme les réseaux.
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