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Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne: 2014, l'année du salaire minimum

Lors de son discours sur l'Etat de l'Union le 28 janvier 2014, Barack Obama a défendu l'idée d'une hausse de près de 40% du salaire minimum américain. Le président américain entend par cette mesure faire reculer les inégalités. Il rejoint d'autres pays, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne, qui veulent soit augmenter leur salaire minimum, soit le créer.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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La campagne d'Obama pour l'augmentation du salaire minimum aux USA.  (DR)

Le président américain entend remonter le salaire minimum américain. Faute de majorité au Congrès, il ne peut le faire que pour les employés fédéraux. Pourtant, avant les élections de mi-mandat, il répond à un souhait des Américains. Selon l’Organisation internationale du travail, les Etats-Unis accusent un certain retard par rapport aux autres pays industrialisés. En 2010, le salaire minimum américain représentait seulement 38,8% du salaire médian dans le pays, contre 46,1% en Grande-Bretagne et 60,1% en France. L’opinion américaine semble, elle, prête à franchir le pas. Selon un sondage réalisé en juillet 2013, 80% des Américains interrogés se déclaraient en faveur d’une augmentation du salaire minimum à 10,10 dollars.


Salaire minimum depuis 1938
Aux Etats-Unis, la notion de salaire minimum existe depuis 1938. Elle a été décidée à l'époque du New Deal de Roosevelt, sous le nom de «wages and hours act». La loi fixe donc un salaire minimum, mais chaque Etat, voire chaque ville, peut en fixer un supérieur à celui de l'Etat fédéral (en France, le salaire minimum n'a été instauré qu'en 1950). Depuis 2009, ce salaire minimum est inchangé à 7,25 dollars.

Aux Etats-Unis, les conflits se sont multipliés autour des bas salaires. «Le salaire minimum fédéral est de 7,25 dollars avant les taxes, mais les dérogations sont nombreuses. En Géorgie et dans le Minnesota, par exemple, le salaire horaire atteint à peine 5 dollars. Et c’est légal pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 500.000 dollars. Dans ces conditions, survivre devient compliqué. Alexis, qui vit en Alabama, cumule deux emplois, et cela ne suffit pas : "J’ai du prendre un 2e travail, et maintenant, je cherche un 3e travail parce que je ne gagne pas assez"», racontait un reportage de RFI.

Du fait de son niveau assez bas, le salaire minimum américain apparaît plus comme un filet de protection minimaliste que comme une base de rémunération. Selon des données de l'IFRAP (pas très récentes, il est vrai), à peine 1,5% des salaires seraient au minimum contre quelque 16,8% en France.

Le président américain FD Roosevelt signe en 1935 la loi instituant la sécurité sociale. En 1938, il créé le salaire minimum. (ANN RONAN PICTURE LIBRARY / PHOTO12)

Royaume-Uni et Allemagne
La question du salaire minimum ne touche pas que les Etats-Unis. Même le gouvernement conservateur britannique a remis la question sur le tapis. La surprise est venue du ministre du Budget. George Obsorne s'est dit favorable à une augmentation de près de 11% du salaire horaire mininum ─ de 6,31 livres à 7 livres par heure (de 7,6 à 8,4 euros) ─  pour le rétablir à son niveau précédant la récession. «Quand je regarde l'économie britannique, je constate qu'elle est en pleine expansion, des emplois sont créés (...) et je pense que le Royaume-Uni peut se permettre une augmentation du salaire minimum au-dessus de l'inflation», a déclaré le ministre début janvier. Une telle augmentation du salaire minimum permettrait de «s'assurer que nous avons une reprise pour tous et que le travail paie toujours», a-t-il  ajouté.

En Allemagne, le SPD (sociaux-démocrates allemands) avait mis comme condition pour faire un gouvernement d'union avec la CDU-CSU d'Angela Merkel la création d'un salaire minimum, inexistant à l'échelle nationale. La principale économie d'Europe aura donc son salaire minimum avec derrière l'idée de limiter l'ampleur des inégalités et relancer la consommation intérieure. 

Le vice-chancelier Sigmar Gabriel (SPD) et la chancelière Angela Merkel (CDU) au Bundestag. Accord pour la création d'un salaire minimum en Allemagne.  (MAURIZIO GAMBARINI/DPA/AFP)

Le constat des inégalités
Ce renouveau du salaire minimum s'inscrit dans une période qui a vu s'accroître les inégalités. «Elles se sont accrues depuis le début de la crise financière en 2008. Aux Etats-Unis, le taux de pauvreté est plus élevé qu’il ne l’a été depuis cinquante ans. Et les neuf dixièmes de l’augmentation de la richesse sont allés à 1% des Américains», notait Dominique Seux sur France Inter.

Les chiffres sont redoutables. «Il n'y a pas de crise pour les plus riches. Selon les meilleures estimations, pour la première fois dans l'Histoire, en 2012, les 10% d'Américains les plus fortunés ont probablement accaparé plus de la moitié des revenus du pays et ce n'est qu'en 1928, en 2006 et en 2007 que les 1% les plus riches ont accaparé plus de 22% du revenu comme cela a été le cas en 2012. Le revenu des 10% des Américains les plus riches est supérieur de 67% à ce qu'il était il y a 20 ans, tandis que celui des 1% les plus riches a plus que doublé», précisait un article des Echos.

En Allemagne, Peter Hartz, l'homme des réformes de Schroeder, qui conseillerait aujourd'hui Hollande, avait préconisé lui aussi la création d'un salaire minimum, afin de limiter les inégalités. «Dès 2002, la commission que je présidais avait d'ailleurs recommandé un minimum horaire de 7,50 euros, qui permette d'assurer un revenu minimum digne», rappelait-il au Point. Ce sera chose faite.

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