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Etats-Unis : ce que l'on sait de la fuite supposée de documents "hautement sensibles" qui embarrasse le Pentagone

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le logo du Pentagone affiché à Arlington (Etats-Unis), le 28 janvier 2021. (YASIN OZTURK / ANADOLU AGENCY)
Des photographies de documents attribués au renseignement américain ont circulé sur différentes plateformes, comme la messagerie Telegram ou encore le réseau social Twitter. Le Pentagone n'a pour l'heure communiqué aucune information sur l'origine de cette fuite supposée.

Des photos siglées "top secret" ou encore des plans militaires... Le New York Times a révélé, vendredi 7 avril, la fuite présumée de documents ultra-confidentiels du gouvernement américain. Parmi ces fichiers à l'origine douteuse, on retrouve aussi des calendriers supposés de livraisons d'armes à l'Ukraine ou la liste des besoins du pays en matière de véhicules militaires. "Cela ressemble à une diffusion non autorisée de contenu sensible", a commenté Chris Meagher, le secrétaire adjoint à la Défense, lors d'un point-presse (en anglais), sans toutefois confirmer l'authenticité des documents. Que retrouve-t-on dans ces photographies ? Où sont-elles apparues et faut-il les prendre au sérieux ? Franceinfo fait le point sur cette fuite qui perturbe la Défense américaine et ses partenaires internationaux.

D'où viennent ces documents ?

D'après le New York Times, les premières publications sensibles ont été signalées le 5 avril dernier, après des partages sur des canaux de la messagerie chiffrée Telegram. Mais le site Bellingcat, spécialisé dans l'enquête en "open source", affirme que ces photos volées avaient d'abord été publiées sur des forums en ligne dédiés au jeu vidéo Minecraft. "Elles se sont ensuite répandues sur d'autres sites tels que le forum de discussion 4Chan avant d'apparaître sur Telegram et Twitter au cours des derniers jours", précise Bellingcat (en anglais). La nouvelle est rapidement arrivée aux oreilles du secrétaire américain à la Défense, Lloyd J. Austin, "informé dans la matinée du 6 avril", selon son adjoint. Depuis, le Pentagone a multiplié les réunions d'urgence et s'est vu obligé d'informer les comités sur la sécurité du Congrès américain. Le président Joe Biden a également été informé "en fin de semaine dernière", a déclaré son porte-parole John Kirby.

Que contiennent-ils ?

Le contenu de la fuite a de quoi embarrasser le gouvernement américain. On y trouve un point sur l'état du conflit en Ukraine début mars ou sur la situation sur des fronts spécifiques comme Bakhmout, ou encore les cruciales défenses antiaériennes de Kiev. Ont aussi été publiés de supposés comptes-rendus sur les méthodes d'espionnage des Etats-Unis, y compris envers ses alliés proches comme la Corée du Sud ou Israël, rapporte le Guardian (en anglais).

Les documents avancent par ailleurs l'existence d'une production secrète de missiles en Egypte au profit de la Russie, ou encore de "discussions" entre des fabricants d'armes en Turquie et les mercenaires du groupe russe Wagner ce qui n'a pour l'heure fait l'objet d'aucune vérification indépendante. L'AFP annonce avoir consulté certains documents siglés "secret" ou "top secret", sans pouvoir confirmer leur authenticité.

Sont-ils crédibles ?

A en croire les analystes qui se sont penchés sur ces documents, le contenu des diapositives photographiées doit être pris avec des pincettes. Certaines images datées de janvier à mars 2023 semblent avoir été "grossièrement retouchées", souligne Bellingcat, notamment pour exagérer les pertes humaines du côté de l'armée ukrainienne.

En l'absence de confirmation ou d'infirmation ferme de la part du Pentagone, la fuite supposée a semé le trouble sur la scène internationale. Et forcé de nombreux pays à réagir. A commencer par la Corée du Sud, dont la présidence a qualifié d'"absurde et faux" les soupçons d'espionnage américain. "Un système dans le bureau du président (...) empêche toute écoute", a assuré l'équipe de Yoon Seok-you, cité par l'agence Yonhap, vantant "l'étanchéité" de sa sécurité. Accusée de n'avoir pas voulu vendre certaines armes aux Etats-Unis de peur que celles-ci ne finissent en Ukraine, Séoul a également démenti, contestant l'authenticité des documents.

Côté russe, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a rejeté mardi matin sur Telegram les informations selon lesquelles l'Egypte prévoyait de fournir secrètement à la Russie jusqu'à 40 000 missiles. "Cela ressemble à un nouveau canard [terme employé par le Kremlin pour désigner les fausses nouvelles], comme il y en a beaucoup ces jours-ci. C'est ainsi que nous devrions traiter de telles informations", a-t-il réagi.

Qui peut être à l'origine de cette fuite ?

Le Pentagone n'a pour l'heure communiqué aucune information sur le ou les auteurs de cette fuite supposée. Plusieurs investigations internes ont été lancées, ainsi qu'une "enquête criminelle" ouverte par le ministère américain de la Justice, comme l'a révélé lundi le secrétariat à la Défense. Un groupe de travail transversal a par ailleurs été créé, chargé "d'examiner la véracité des documents photographiés qui circulent" et "d'évaluer les implications pour la sécurité nationale", a-t-il expliqué. 

Interrogé sur l'origine de cette fuite, le Pentagone botte pour l'instant en touche, évoquant "des documents utilisés par une variété de personnes et de services au sein du département de la Défense pour informer leur travail et au-delà du département de la Défense (...) pour nous aider à faire notre travail", comme l'a expliqué Chris Meagher, qui n'exclut pas que d'autres documents présentés comme des fichiers "top secrets" puissent faire surface dans les prochains jours.

En attendant les résultats de ces enquêtes, le secrétaire d'Etat adjoint à la Défense a mis en garde quiconque tenterait de republier ces photographies ou d'en partager de nouvelles. "La divulgation de documents sensibles peut avoir des conséquences considérables, non seulement pour notre sécurité nationale, mais aussi pour la vie de certaines personnes", a-t-il assuré.

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