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Etats-Unis : 80% des aliments sont OGM et rien ne l’indique sur les étiquettes

C’était dans les tuyaux, mais depuis le 19 novembre 2015, c’est fait : les autorités sanitaires américaines ont autorisé à la consommation un saumon génétiquement modifié. S’il s’agit du premier animal transgénique à arriver dans les assiettes des Américains, ce n’est pour autant pas le premier OGM à passer du producteur au consommateur, sans que ce dernier n’en soit prévenu…
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Filets de saumon américain (Lucas Jackson/Reuters)

La décision de l'Agence fédérale des médicaments et de l'alimentation (FDA) de déclarer un saumon transgénique «propre à la consommation» survient après des années de controverse sur ce que les écologistes appellent déjà le Frankenfish (en réalité, il a été nommé AquAdvantage). Il s’agit d’une variété de saumon de l'Atlantique auquel on a injecté un gène de saumon chinook du Pacifique afin qu'il atteigne sa taille adulte au bout de 16 à 18 mois, au lieu de 30 pour un saumon de l'Atlantique.
 
Pour donner son feu vert, la FDA s’est appuyée «sur la base d'une analyse complète des éléments scientifiques» fournis par AquaBounty Technologies, la société qui a conçu ce poisson. Elle a jugé qu'il était «aussi nourrissant que les autres saumons de l'Atlantique non transgéniques et qu'il n'y avait pas de différences biologiques notables entre ce poisson et les autres saumons d'élevage de l'Atlantique.»
 
Et c’est là où le bât blesse, puisque cette conclusion rend son étiquetage facultatif. Selon la loi américaine, il n'est requis que lorsqu'il y a «une différence matérielle – tel qu'un profil nutritionnel différent – entre le produit transgénique et le produit naturel similaire». Ce qui n’a donc pas été établi par la FDA.

 
L’étiquetage des OGM au cœur du débat
Prôné par les consommateurs (fin 2013, 93% des Américains étaient favorables à l'étiquetage des OGM, indiquait un sondage du New York Times) et honni par les industries agroalimentaires, l’étiquetage des OGM a alimenté le débat aux USA. Alors même que des OGM sont contenus dans 80% des aliments.
 
En février 2015, 29 sociétés, dont la puissante Grocery Manufacturers Association (lobby de l’agro-alimentaire et de l’agro-chimique outre-Atlantique), ont lancé une offensive anti-étiquetage.
 
Interrogé par l’AFP à cette époque, Andrew Kimbrell, directeur du Center for Food Safety, un groupe de défense des consommateurs, indiquait que ces multinationales avaient dépensé près de 70 millions de dollars rien qu’en Californie et dans l'Oregon pour faire échouer des projets de lois rendant obligatoire l'étiquetage.
 
Un travail qui a porté ses fruits. Fin juillet 2015, une loi a donné raison aux industries agroalimentaires: tant que les OGM ne posent pas de risque à la consommation, les produits en contenant n’auront pas d’obligation à être étiquetés.
 
Les OGM fleurissent aux Etats-Unis
Il y a une bonne vingtaine d’années que les OGM sont apparus dans les champs américains. A tel point que 90% des surfaces plantées le sont avec du soja, du maïs, du colza ou des betteraves transgéniques. Les Echos précisent même «qu’ils constituent désormais la quasi-intégralité des cultures de maïs (88%), de coton (90%) et de soja (94%)».
 
2014 a d’ailleurs été une année record en terme d’augmentation des surfaces agricoles dédiés aux OGM aux Etats-Unis : 73,1 millions d'hectares, en hausse de 4% par rapport à 2013, soja en tête.

Tomates cultivées en Virginie (Etats-Unis). (AFP PHOTO / PAUL J. RICHARDS)
 
Les Américains veulent dorénavant savoir ce qu’ils mangent
Longtemps, les Américains n’ont pas vu de problèmes à consommer des organismes génétiquement modifiés. Il en va différemment aujourd’hui. «Plus que jamais, les gens veulent de la qualité» et «davantage d'informations», avait indiqué fin mai 2015 à l’AFP Brian Niccol, le directeur général de Taco Bell.
 
Une tendance qui gagne du terrain depuis deux ans environ, parallèlement aux nouvelles préoccupations de millions de consommateurs. Et plus seulement celles des classes moyennes et supérieures, qui peuvent payer plus cher des produits bio ou locaux.
 
Signe des temps, certains géants de l’agroalimentaire amorcent quelques timides changements tout en précisant qu’il ne s’agit en aucun cas d’un problème de sécurité alimentaire. Ainsi, General Mills propose une marque de céréales pour le petit-déjeuner précisée sans OGM. Pour ses autres produits céréaliers, la multinationale de préciser toutefois que «l'utilisation généralisée d'OGM dans les cultures telles que le maïs, le soja ou le sucre de betterave rendrait le passage à des ingrédients sans OGM difficile pour ne pas dire impossible»…

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