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Attentat de New York : "Ces attaques, malheureusement, vont se poursuivre"

Pour le politologue et spécialiste du jihadisme Abdelasiem El Difraoui, "s'il n'en porte pas la marque" l'attentat perpétré à Manhattan "porte en tout cas la marque des émules de Daesh".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des véhicules de police et des ambulances près près des lieux de l'attentat qui a touché Manhattan, le 31 octobre 2017.  (MAXPPP)

Huit personnes ont été tuées, mardi 31 octobre dans un quartier sud de Manhattan, à New York. Le chauffeur d'une camionnette, identifié comme un citoyen ouzbek, a fauché mardi des cyclistes et des passants.

Pour le politologue et spécialiste du jihadisme Abdelasiem El Difraoui, ce type d'attaque va "se poursuivre". Il souligne aussi que l'Ouzbékistan "n'est pas une nouvelle filière jihadiste". Selon le spécialiste, "il y a des mouvements jihadistes en Ouzbékistan qui se sont globalisés depuis les années 1980-1990".

franceinfo : Cet attentat vous semble porter la marque de Daesh ? Est-ce que le groupe revendique rapidement d'habitude ?

Abdelasiem El Difraoui : S'il n'en porte pas la marque, il porte en tout cas la marque des émules de Daesh. Ces électrons relativement libres qui, dans des petits groupes, sans avoir forcément un lien direct avec Daesh, organisent selon le souhait de Daesh, des attaques un peu partout dans le monde. Comme par exemple Nice, ou Stockholm, des attaques auxquelles le pseudo "État islamique" avait appelé depuis des années, dans tous ses organes de propagande : "Tuez les infidèles, partout où vous les trouvez". D'habitude ils revendiquent rapidement. Mais récemment les organismes de propagande semblent désorganisés. Ils ont revendiqué, pour la première fois, des attaques qu'ils n'ont pas commises. Ils se sont greffés sur des choses, ils n'ont pas revendiqué des attaques, ou très tardivement. Ils sont encore capables de communiquer, ils possèdent une technologie de communication très moderne, mais la communication semble désorganisée à ce stade.

On fait face aujourd'hui à un attentat "low-cost", préparé avec peu de moyens, avec un homme qui passe seul à l'attaque ?

C'est peut-être le nouveau schéma des attaques, c'est ce que le groupe État islamique souhaite : faire des attaques très low-cost, partout dans le monde, qui sont très déstabilisantes. Spécialement dans un climat de polarisation, qu'on constate aujourd'hui aux États-Unis, à savoir un président américain qui essaie de faire un blocus contre les musulmans. Ces attaques, malheureusement, vont se poursuivre et restent redoutables et auront des conséquences sociétales.

L'assaillant est un Ouzbek, immigré légalement aux États-Unis. L'Ouzbékistan est une nouvelle filière de recrutement de terroristes ?

Ce n'est pas une nouvelle filière. Il y a des mouvements jihadistes en Ouzbékistan qui se sont globalisés depuis les années 1980-1990. Notamment le Mouvement islamique d'Ouzbékistan, qui a été allié des talibans en Afghanistan, d'Al-Qaïda. On a vu des Ouzbeks impliqués, plus récemment, dans les attaques à Stockholm. En Turquie aussi : les Ouzbeks sont turcophones, ils peuvent se fondre dans la population turque... Donc ce n'est pas un phénomène récent. C'est un phénomène qu'on ne regarde pas assez, parce que l'Asie centrale nous semble loin.

Ce jihadisme bouge sur la carte du monde ? Quand on le combat en Syrie et en Irak, il réapparaît ailleurs ?

C'est exactement cela. Les victoires militaires contre des jihadistes, la mort de Ben Laden, la chute de Raqqa, la destruction probable du pseudo califat, c'est juste une partie de la lutte. Le jihadisme doit être combattu partout dans le monde, idéologiquement, il faut s'attaquer à ses racines socio-économiques dans le monde musulman... Cela démontre clairement que le tout-répressif et la lutte militaire, en soi, ne suffit pas. Là, on a un président américain qui a pratiquement donné carte blanche à des dictatures arabes ou autres pour éradiquer le jihadisme, et qui se retrouve confronté, malgré des mesures polarisantes et répressives, à des attaques sur son propre territoire. On est dans un combat de longue haleine.

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