Turquie : ce que l'on sait de la tentative de coup d'Etat militaire
L'armée turque a essayé vendredi de prendre le pouvoir par la force en Turquie. Le président Recep Tayyip Erdogan promet "une riposte très forte".
Un groupe de putschistes a affirmé avoir pris le pouvoir en Turquie, entraînant des affrontements qui ont fait 60 morts et des blessés à Istanbul et Ankara dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 juillet. Le gouvernement a rapidement démenti : la situation est "largement sous contrôle", a assuré le Premier ministre turc Binali Yildirim, tandis qu'un porte-parole du service de renseignements évoquait un "retour à la normale".
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Mais la situation dans ce grand pays de 80 millions d'habitants, membre clé de l'Otan, reste des plus confuses samedi matin. Plusieurs heures après l'annonce de la tentative de coup d'Etat, les violentes explosions et les tirs toujours audibles à Ankara et Istanbul faisaient douter d'une complète reprise en main de la situation par le pouvoir. Voici ce que l'on sait de la situation.
Une situation "largement sous contrôle" mais des tirs et des explosions à Ankara et Istanbul
Le Parlement, autour duquel des chars ont été déployés, a été bombardé dans la capitale Ankara, et au moins 17 policiers ont été tués, a annoncé l'agence pro gouvernementale Anadolu, tandis qu'à Istanbul des soldats ont ouvert le feu sur la foule. Des avions de chasse F-16 ont abattu un hélicoptère des insurgés, selon la télévision turque, après qu'un couvre-feu et la loi martiale ont été instaurés par les putschistes.
Néanmoins, la tentative de coup d'Etat "idiote" menée par un groupe de militaires est "vouée à l'échec et largement sous contrôle", a prédit samedi vers 2 heures du matin (heure de Paris) le Premier ministre turc Binali Yildirim à la télévision.
Deux heures environ après l'annonce du coup d'Etat par un groupe de putschistes, le président Recep Tayyip Erdogan a pris la parole à la télévision, s'exprimant depuis un endroit non précisé, avec un portable via FaceTime. A 3h30 heure française, Erdogan a affirmé qu'il ne connaissait pas encore quel était son sort.
Une violente explosion aux causes indéterminées a été entendue à Ankara, tandis que des chasseurs et hélicoptères survolaient la capitale de manière incessante.
Un avion a largué tôt samedi une bombe près du palais présidentiel à Ankara, et des avions de chasse F-16 ont bombardé des chars de rebelles aux abords du palais présidentiel. Peu après, une soixantaine de soldats rebelles qui avaient investi dans la nuit l'un des ponts suspendus enjambant le Bosphore se sont rendus, en direct à la télévision, aux forces de sécurité à Istanbul. Des coups de feu sporadiques étaient toujours audibles au petit matin dans plusieurs quartiers d'Ankara et d'Istanbul
Erdogan accueilli dans la nuit à l'aéroport d'Istanbul
Le président Erdogan, qui était "dans un lieu sûr", selon une source présidentielle, a atterri à Istanbul très tôt samedi, vers 3 heures du matin, accueilli par plusieurs dizaines de personnes. Le chef de l'Etat islamo-conservateur a dénoncé un "soulèvement d'une minorité au sein de l'armée" et appelé les Turcs à descendre dans les rues pour résister à la tentative de coup d'Etat. L'homme fort de la Turquie, s'exprimant par téléphone sur la chaîne d'information CNN-Türk, a dit qu'il "ne pense absolument pas que ces putschistes réussiront" et a promis "une riposte très forte".
Les relations du président Erdogan avec l'armée avaient été compliquées au début de ses mandats de chef de gouvernement, car il avait réduit l'influence des militaires sur la vie politique. Puis elles semblaient avoir trouvé une forme d'équilibre. "C'est un soulèvement dans lequel l'Etat parallèle a également une part", a affirmé Erdogan, en référence au prédicateur Fetullah Gulen, son ennemi juré, en exil aux Etats-Unis. Le mouvement de ce dernier a néanmoins condamné "toute intervention armée" et fustigé les commentaires "irresponsables" du pouvoir turc.
Des putschistes contre la "dégradation de l'ordre public"
La chaîne publique turque de télévision a diffusé peu avant minuit (23 heures, heure de Paris) un communiqué émanant des "forces armées turques", faisant état de la proclamation de la loi martiale et d'un couvre-feu sur l'ensemble du territoire national. "Nous ne permettrons pas que l'ordre public soit dégradé en Turquie (…) Un couvre-feu est imposé sur le pays jusqu'à nouvel ordre", a indiqué un communiqué signé par le "conseil de la paix dans le pays", qui dit avoir "pris le contrôle dans le pays". Le Premier ministre Binali Yildirim a averti ceux impliqués dans cette action "illégale" qu'ils payeraient "le prix le plus élevé".
Arrestations en nombre et reprise du pouvoir
Après cette tentative de putsch, 754 militaires ont été arrêtés, indique l'agence progouvernementale Anadolu. De plus, cinq généraux et 29 colonels ont été démis de leurs fonctions sur ordre du ministre de l'Intérieur Efkan Ala.
Après que son Premier ministre Binali Yildirim a assuré que tout était "largement sous contrôle", le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré samedi avant l'aube qu'il "y a en Turquie un gouvernement et un président élus par le peuple" et que "si Dieu le veut, nous allons surmonter cette épreuve". Il a prédit l'échec de la rébellion et assurant qu'il continuerait à assumer ses fonctions "jusqu'à la fin". "Ceux qui sont descendus avec des chars seront capturés car ces chars ne leur appartiennent pas", a ajouté le président.
Le Premier ministre Yildirim a ordonné samedi à l'armée d'abattre les avions et les hélicoptères se trouvant aux mains des militaires putschistes. Il a averti ceux impliqués dans cette action "illégale" qu'ils payeraient "le prix le plus élevé".
La communauté internationale inquiète
Le président américain Barack Obama a appelé à soutenir le gouvernement turc "démocratiquement élu", "faire preuve de retenue et éviter violence ou bain de sang". La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini a également exhorté à la "retenue" et au "respect des institutions démocratiques". Son homologue russe Sergueï Lavrov, dont le pays vient de se réconcilier avec la Turquie, a demandé d'éviter "tout affrontement meurtrier", jugeant que "les problèmes de la Turquie doivent être résolus dans le respect de la Constitution".
En Iran, voisin de la Turquie, le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a exprimé sa "grande inquiétude".
De son côté, Paris "appelle à éviter toute violence et à respecter l’ordre démocratique". Et le ministère des Affaires étrangères incite " les Français actuellement présents en Turquie à ne pas sortir".
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