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Quatre mois après Taksim, sévère rapport d'Amnesty International sur la Turquie

«Les autorités turques ont commis de très nombreuses violations des droits humains»… Amnesty ne mâche pas ses mots vis-à-vis de la Turquie à propos de la répression des manifestations de mai-juin 2013 à Istanbul, autour du parc Gezi et de la place Taksim. Des manifestations qui avaient gagné tout le pays.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Manifestants turcs en juin 2013, après l'intervention de la police pour évacuer le parc Gezi. (GURCAN OZTURK/AFP)
Amnesty a publié le 2 octobre un rapport sévère sur la façon dont le gouvernement Erdogan a réprimé les manifestations qui avaient éclaté en Turquie à la suite de l’intervention de la police à Istanbul, pour évacuer les occupants du parc Gezi sirué au cœur d'Istanbul.

On se souvient que la décision du gouvernement d'évacuer le parc Gezi,  le 30 mai 2013, dans le but de réaliser un projet immobilier, avait provoqué une vague inédite de manifestations contre le gouvernement islamo-conservateur. Cette sorte de mai 68 turc avait duré plusieurs semaines et gagné tout le pays.
 


Au moins trois morts
A propos de la répression de ces manifestations, le rapport d’Amnesty International décrit comment «les tirs de balles réelles, de gaz lacrymogène, de canon à eau, de balles en caoutchouc ainsi que les coups ont fait plus de 8.000 blessés», là où les manifestations avaient lieu. Amnesty pointe notamment «la mort d’au moins trois manifestants liée à l’utilisation d’une force excessive de la part de la police». L'Union des médecins de Turquie a dénombré six morts lors des manifestations, dont un policier et un manifestant décédé durant des heurts en septembre, ainsi que plus de 8.000 blessés, un nombre considéré comme «un minimum», selon l'auteur du rapport, Andrew Gardner, spécialiste de la Turquie à Amnesty International.

De façon plus générale, «le droit de se réunir pacifiquement a été systématiquement bafoué et les violations du droit à la vie, à la liberté et à ne pas être torturé et maltraité ont été nombreuses», a estimé M.Gardner.

Derrière la froideur des accusations, le rapport complet (en anglais) regorge de témoignages de victimes. Des femmes mettant en cause des agressions sexuelles par des policiers, des journalistes d’Al Jazeera racontant comment ils ont été frappés… La vidéo faite par Amnesty (voir ci dessous) est d'ailleurs saisissante.


La repression continue
Outre les faits de violence policière, l’organisation internationale rapporte que «les personnes ayant organisé les manifestations ou y ayant participé ont été vilipendées et violentées et font maintenant l’objet de poursuites injustes ou disproportionnées. Les personnes ayant aidé des manifestants ou diffusé des informations sur les manifestations – médecins, avocats, journalistes et même des commerçants – ont été menacées et harcelées».

Le rapport montre que la situation n’est toujours pas revenue à la normale. «Des centaines de personnes sont menacées de poursuites en justice simplement pour avoir participé aux manifestations, en l'absence de tout élément attestant qu'elles aient pris part à des actes violents. Un grand nombre de personnes accusées d’avoir organisé les manifestations font l’objet d’une instruction en vertu de la loi antiterroriste», précise l’organisation.
 
L’organisation de défense des droits de l’Homme demande que «les gouvernements et les fournisseurs de matériel antiémeute à interdire immédiatement les exportations ou les transferts vers la Turquie. Cette interdiction devrait concerner notamment le gaz lacrymogène et le gaz poivre, ainsi que les balles en caoutchouc et autres projectiles à impact cinétique», jusqu’à ce qu'Ankara «autorise l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur les allégations d’usage arbitraire ou excessif de la force». 

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