La Turquie prise dans la spirale terroriste
Le kamikaze qui s'est fait exploser sur l'avenue Istiklal, une artère fréquentée chaque jour par des centaines de milliers de personnes, était un Turc né en 1992, Mehmet Öztürk, a affirmé le ministre de l'Intérieur Efkan Ala. «Il a des liens avec l'organisation terroriste Daech (acronyme arabe de l'EI)», mais ne «figurait pas dans notre liste de personnes recherchées», a-t-il indiqué.
Cinq suspects ont également été arrêtés dans le cadre de l'enquête, a-t-il ajouté. Selon l'agence de presse Dogan, le père et le frère de l'auteur de l'attentat, originaire de la ville de Gaziantep (sud), ont été placés en garde à vue. Ce dernier aurait été identifié grâce à ses analyses génétiques.
Selon le dernier bilan turc, trois Israéliens, dont deux ayant également la nationalité américaine, et un Iranien ont trouvé la mort. 39 autres personnes, dont 24 étrangers, ont été blessées par la déflagration. Au lendemain de l'attaque, Israël a recommandé à ses ressortissants de ne plus se rendre en Turquie «au vu de l'aggravation de l'intensité des attentats (...) dans des sites touristiques et des secteurs très fréquentés (...), et par crainte de nouveaux attentats», selon son bureau de lutte contre le terrorisme.
Entre EI et groupes kurdes
La Turquie vit en état d'alerte permanente depuis qu’à partir de 2015, une série inédite d'attentats meurtriers, attribués par le gouvernement à l'EI, ont frappé les deux plus grandes villes, Istanbul et la capitale Ankara. Le 10 octobre, deux kamikazes avaient tué 103 personnes à Ankara en se faisant exploser au milieu d'une foule de partisans de la cause kurde réunie devant la gare centrale. Une attaque présentée comme la plus meurtrière de l’histoire turque. Par la suite, le 12 janvier, un autre kamikaze avait tué 12 touristes allemands près de la Mosquée bleue à Istanbul.
Longtemps soupçonnées par leurs alliés de l’OTAN de complaisance avec les groupes les plus radicaux qui combattent le régime syrien, les autorités turques ont rejoint à l’été 2015 la coalition anti-djihadiste menée par les Occidentaux. Elles ont par ailleurs multiplié les arrestations dans les milieux proches de l'EI.
Dans le même temps, le pays est secoué depuis des mois par la reprise du conflit kurde.
Le 13 mars, une attaque suicide à la voiture piégée a fait 35 morts et plus de 120 blessés dans le centre de la capitale. Une attaque revendiquée par un groupe radical et dissident du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK). Cette organisation a annoncé d'autres opérations à venir contre l'Etat turc. Motif : venger la mort de dizaines de civils lors des opérations des forces de sécurité en cours contre la rébellion dans les villes du sud-est du pays, à majorité kurde. Le groupe a assuré qu’il viserait des sites fréquentés par des visiteurs étrangers.
Chute de l’activité touristique
Cette vague de violences, ainsi que la brouille diplomatique entre Ankara et Moscou autour de la crise syrienne, ont causé une baisse des réservations touristiques en Turquie. La chute atteint ainsi 28% depuis le début de 2016, selon le journal suisse Le Temps. Les Allemands représentent le premier contingent de visiteurs étrangers, devant les Russes.
«Après la destruction de l’un de ses avions de combat par l’armée (turque), Moscou a notamment interdit à ses agences de voyages de vendre des séjours en Turquie. Des mesures qui ont signifié une baisse de 18% des arrivées en provenance de Russie, selon les chiffres officiels», précise le quotidien helvétique.
L'attaque de l'avenue Istiklal a provoqué un nouveau choc dans le pays. La célèbre avenue est restée anormalement peu fréquentée le 20 mars, tout comme l'emblématique place Taksim toute proche.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan est désormais mis en cause par ses détracteurs, qui lui reprochent l'incapacité des services de sécurité face à cette vague d'attentats. Embarrassé, il a évoqué la supposée complaisance des Européens pour la rébellion kurde. Et ce alors que son gouvernement négocie avec l’UE à propos des migrants…
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