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L'attentat d'Istanbul porte un coup fatal au tourisme turc déjà mal en point

«Aéroports et vols vides, rues commerçantes désertes, taxis délaissés, hôtels fermés.» C’est ainsi qu’un journal turc décrivait les lieux touristiques du pays il y a quelques semaines. C’était avant l’attentat sanglant d’Istanbul du 28 juin 2016. Cette attaque qui a visé la principale porte d’entrée du pays devrait être fatale à l’industrie touristique du pays pour cette saison. Un coup dur.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min

Le tourisme représente environ 4% du PIB du pays (quelque 30 milliards de chiffre d’affaires par an). La Turquie accueillait en effet quelque 31 millions de touristes par an. Un chiffre aujourd'hui en chute libre en raison du contexte géopolitique du pays: guerre dans les zones kurdes, proximité de la Syrie et attentats à répétition.

Jamais les chiffres n’ont été aussi mauvais pour le tourisme en Turquie. Et ces chiffres ne tiennent pas compte de l’attentat de l’aéroport Atatürk d’Istanbul qui a clairement visé la principale porte d’entrée du pays (quelque 60 millions de passagers par an).

«Les stations touristiques populaires sont quasi vides»
Un article du 22 juin du journal turc Hurriyet parlait déjà de complexes touristiques vides. «Le secteur du tourisme fait face à l'une de ses pires années en raison de problèmes diplomatiques avec la Russie et l'augmentation des problèmes de sécurité. Toutes les stations touristiques populaires sont quasi vides, frappant non seulement les hôtels mais aussi les restaurants et les commerces», écrivait le quotidien. 

La coupole géante de Sainte-Sophie à Istanbul. Le monument le plus visité de la ville. (ANTOINE LORGNIER/AFP)

Au cours des quatre premiers mois de l’année, le nombre de visiteurs étrangers a baissé de 16,5% par rapport à la même période de 2015, selon les chiffres officiels. En avril, la chute a été record avec un recul de 28%. Chiffre le plus bas depuis…1999. En mai, la situation était encore pire avec une chute de 35%... Après l’attentat du 12 janvier, le croisiériste MSC avait suspendu ses escales en Turquie «jusqu'à nouvel ordre». Quant à TUI AG, le géant allemand des vacances, il a indiqué souffrir d'un effondrement de 40% des réservations pour l'été en Turquie.
 
«Le tourisme est une cible majeure»
Il faut dire que les attentats se sont multipliés. Certains visant expressément les voyageurs étrangers. Le 12 janvier 2016, 12 touristes allemands étaient fauchés dans un attentat-suicide dans la zone ultra-visitée de Sultanahmet, dans le vieil Istanbul. L’attaque, attribuée à l’EI, a été perpétrée à deux pas de la basilique Sainte-Sophie et de la Mosquée bleue, joyaux du patrimoine culturel et architectural de Turquie et hauts lieux touristiques. Le 19 mars, quatre touristes étrangers – trois Israéliens et un Iranien – étaient tués par un kamikaze, de nouveau apparemment par l’EI, sur l’avenue la plus célèbre et la plus animée d’Istanbul, Istiklal.

A ces attentats, il faut ajouter les bombes mises par des dissidents du PKK (combattants kurdes) qui, s’ils visent plutôt les forces de police ou l’armée, entretiennent un climat peu propice au tourisme. «Nous conseillons aux touristes étrangers et turcs de ne pas aller dans les zones touristiques en Turquie», écrivaient les TAK dissidents du PKK, «Nous ne serons pas responsables de ceux qui mourront dans les attaques qui viseront ces sites». Avant d’ajouter que «le tourisme (...) est une cible majeure». Ces derniers avaient d’ailleurs revendiqué une attaque en décembre 2015 contre l'aéroport Sabiha Gökçen d'Istanbul.
 
L'exemple de Sousse en Tunisie
Enfin, la brouille diplomatique entre Moscou et Ankara, suite notamment à la destruction d’un chasseur-bombardier russe par les Turcs, a provoqué le retrait de l’importante clientèle russe qui a l’habitude de fréquenter le pays. «Le nombre de Russes venant à Antalya a baissé de 96%», précise Hurriyet. Seule note d'espoir pour les spots touristiques turcs – de la vieille Istanbul aux côtes ensoleillées d'Antalya, de Bodrum ou de Marmaris –, le président Poutine a annoncé, au lendemain de l'attentat de l'aéroport et des excuses officielles d'Ankara, la levée des restrictions «liées au tourisme».

Les Français n’étaient pas les derniers à éviter la Turquie. «A la fin mai, (la France) était en chute de 77% dans les prises de commandes pour l’été 2016 par rapport à l’été dernier à la même époque», rapportait Tour Hebdo avant l'attentat de l'aéroport.


Le coup est donc sévère pour l’industrie touristique turque. Elle pourrait aussi l’être pour la compagnie aérienne Turkish Airlines, en plein boom, dont les vols transitent par l’aéroport d’Istanbul. Cette compagnie est en effet devenu très rapidement un acteur important du voyage aérien (nombre de passagers multiplié par 6 en 20 ans, 233 destinations). Un succès qui s’explique par la position de son hub, Istanbul, «entre tous les continents», selon son PDG. 
 
Et tous ces chiffres décrivaient une situation valable avant l’attentat d’Istanbul du 28 juin, à la veille de l’été et de la pleine saison. Une date qui n’est pas sans rappeler celle de l’attaque contre la plage de Sousse du 26 juin 2015 qui acheva la saison touristique de la Tunisie. 

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