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Trafic de drogues dans les quartiers, menace terroriste : François Molins revient sur ses sept années à la tête du parquet de Paris

L'ancien procureur du parquet de Paris, désormais procureur général à la Cour de cassation, était l'invité de France Inter mardi. 

Article rédigé par franceinfo, France Inter - Édité par Thomas Pontillon
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Temps de lecture : 4min
François Molins, ex-procureur du parquet de Paris et désormais procureur général à la Cour de cassation, était l'invité de France Inter mardi 30 octobre.  (ANNE AUDIGIER / FRANCE-INTER)

"On a peut-être trop privilégié la culture du chiffre et des quantités saisies" dans les affaires de trafic de drogues, a estimé François Molins, procureur général à la Cour de cassation, mardi 30 octobre sur France Inter. L’ancien procureur de Paris a assuré qu’il s’agit d’une "préoccupation majeure" mais qu’il faut "reconquérir des territoires" et pour cela "adapter la lutte contre les trafics de stupéfiants en adaptant le travail de la police et de la justice à l’évolution des formes de trafics" qui ne sont pas les mêmes qu'il y a dix ans.

"Il n'y a pas de quartiers où la police n'allait pas"

Pour François Molins, la lutte contre le trafic de drogues n’est pas dans une "impasse", mais il faut "peut-être redéployer l’action des services répressifs" pour qu’ils sortent "d’un système dans lequel l’information est cloisonnée". "Il faut peut-être davantage travailler ensemble, savoir dépasser les frontières territoriales, savoir mieux se coordonner" notamment au niveau national, pour "mieux s’attaquer au spectre haut de la criminalité organisée", a poursuivi le procureur général à la Cour de cassation.

"J’ai travaillé plus de cinq ans en Seine-Saint-Denis, il n’y avait pas de quartiers dans lesquels la police n’allait pas. En revanche, il est certain qu’il y a des quartiers dans lesquels ont été instaurées des formes de caïdat, à la tête de trafics très importants de stupéfiants, parfois avec des connexions avec l’islamisme radical", poursuit François Molins au micro de France Inter. Selon lui, des quartiers de "certaines banlieues sont restés à l’écart des violences urbaines, parce qu’on voyait bien qu’il fallait protéger des trafics, qu’il fallait continuer à faire prospérer", notamment dans quatre ou cinq quartiers de Seine-Saint-Denis que le magistrat n’a pas souhaité citer.

La menace terroriste "a changé"

Selon l'ancien procureur de Paris, la menace "a changé", elle est "plus durable, plus diffuse", juge-t-il. "D’abord, on assiste au tarissement des filières irako-syriennes, il n’y a plus de départs pour la Syrie. Il n’y a plus que deux poches dans la moyenne vallée de l’Euphrate et dans la région d’Idlib. La menace exogène, donc le risque d’action extérieure existe toujours mais il est plus réduit qu’en 2015", explique François Molins. 

"La menace aujourd’hui est surtout endogène avec une menace qui est plus durable, plus diffuse et qui est différente dans la mesure où le risque c’est de voir passer à l’acte de façon isolée des individus radicalisés qui vont être inspirés par la propagande mortifère de Daech. Cette propagande continue d'exister et de fonctionner et ça peut inciter d’autres individus à passer à l’acte", poursuit le magistrat. "On n'est jamais à l’écart d’un risque de survenance d’une action isolée", ajoute, prudent, François Molins.

La situation des "revenants" est "un autre problème"

L'ex-procureur de Paris évoque également la question des "revenants". "On en a judiciarisé 232. En principe toute personne qui revient de Syrie va être judiciarisée dès lors que l’examen de sa situation par les services de renseignements va permettre d’objectiver des éléments d’association de malfaiteurs terroristes", poursuit-il.

Pour ceux qui sont en prison et qui vont sortir, "c'est un autre problème" et même "un des enjeux majeurs des prochaines années". "Toute personne qui a subi sa peine a vocation à sortir de prison. C’est un problème qui nécessite un travail d’organisation pour s’assurer que chaque sortant est pris en compte soit dans le cadre d’un suivi judiciaire s’il a des obligations à respecter sur le plan judiciaire, soit par des services de renseignements", explique-t-il. "L’essentiel étant qu’il n’y ait pas de trous dans les mailles du filet", conclut le procureur général à la Cour de cassation.

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