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Syrie: après des raids aériens, Moscou ménage Israël au détriment du Hezbollah

L’aviation israélienne a effectué cette semaine deux frappes près de Damas contre des cibles stratégiques du Hezbollah. Des tirs de missiles demeurés sans réaction tant de la part des forces du régime que de la part de son protecteur moscovite. En Israël, on y voit une attitude bienveillante du Kremlin à l’égard de l’Etat hébreu au détriment de la milice chiite libanaise pro-iranienne.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Un F16 israélien décollant de la base aérienne Ramat David, dans la vallée de Jezreel, au sud du port de Haïfa, le 28 juin 2016. (JACK GUEZ/AFP)

Une nouvelle fois, l’aviation israélienne a effectué, le 30 novembre 2016 à l’aube, un raid contre deux objectifs stratégiques à l’ouest de la capitale syrienne.
 
Des journalistes de l’AFP ont rapporté avoir entendu dans la nuit de puissantes explosions et la télévision d’Etat syrienne a confirmé que l’armée de l’air israélienne avait tiré des missiles contre la région de Sabboura depuis l’espace aérien libanais, «sans faire de victimes».

Un convoi d'armes sophistiquées à destination du Hezbollah
Comme à son habitude lors de telles incursions en territoire syrien, l’Etat hébreu n’a ni confirmé ni infirmé l’information, mais une télévision israélienne a fourni quelques détails concernant les cibles de ces frappes.
 
L’une, croit savoir I24 News, était un arsenal de la quatrième division armée syrienne, une unité d’élite commandée par Maher al-Assad, le frère du président. L’autre était probablement un convoi engagé dans un transfert d’armement sophistiqué vers la frontière libanaise à destination du Hezbollah.
 
Le fait que l’itinéraire choisi pour ce transfert soit la voie rapide reliant Damas à Beyrouth indique, selon I24, qu’il s’agissait d’une cargaison «particulièrement importante, à savoir de longs missiles sol-sol», à précision améliorée que l’aviation israélienne s’efforce de détruire chaque fois qu’elle le juge nécessaire.
 
En Israël, on soupçonne même Damas d’être derrière ces transferts clandestins de missiles, russes notamment, de type SA-400 et SA-300 capables de frapper un avion survolant le Liban ou Israël, car Moscou a jusque là empêché que ses missiles tombent aux mains de la milice chiite libanaise pro-iranienne.

Ni Damas, ni Moscou n'ont réagi aux frappes 
Pourtant, comme lors de précédentes frappes du même genre, ces deux dernières contre le territoire syrien n’ont entraîné aucune réaction. Ni de la part des forces du régime ni de la part de son grand protecteur moscovite.
 
Concernant l’attitude de Damas, l’explication est fournie par la télévision du Parti de dieu. «Il est plus facile pour l’ennemi sioniste d’opérer en Syrie, dont l’armée est occupée par les batailles contre les terroristes, au lieu de frapper des cibles du Hezbollah au Liban, ce qui pourrait engendrer une riposte plus ferme», estime Al Manar.
 
Quant au silence de la Russie, qui  bénéficie en Syrie, selon la presse israélienne, de tous les moyens de surveillance pour repérer tous les mouvements d’appareils israéliens «avant même leur décollage», il s’explique par ses propres intérêts stratégiques dans la région.
 
Selon Yossi Melman, spécialiste des questions du renseignement au Maariv, cité par Arabi 21, «les Russes ne bougeront pas le petit doigt contre Israël pour défendre les alliés du régime d’Assad, et en premier lieu le Hezbollah». Plus encore, «l’objectif de ces raids pour Israël est de s’assurer que le renforcement de la présence militaire russe en Syrie n’entamera en rien sa marge de liberté d'action en Syrie quand il le jugera nécessaire.»

Le «consentement tacite» de Moscou 
Pour Amir Bohbot, autre commentateur militaire, cité également par Arabi 21, l’absence de réaction russe constitue un «consentement tacite» à cibler le Parti de Dieu en Syrie, malgré les efforts qu’il déploie pour maintenir le régime d’Assad.
 
Pour lui, c’est également «un signe qu’il y a des limites à l’alliance de la Russie avec l’Iran, et qu’elle n’est pas prête à mettre en péril ses relations avec Israël pour assurer la pérennité de cette alliance.»
 
Enfin, à en croire une source proche des services de sécurité russes, citée par le Yedioth Ahronot, la situation reste en effet très ambiguë.
 
«Quelle réaction officielle et directe russe pourrions-nous attendre?, s’interrogeait-elle. Si on dit qu’Israël a coordonné ses raids avec nous, nous serions obligés de présenter des explications à nos alliés au sein du Hezbollah. Et si nous déplorions l’absence de coordination, il nous faudrait expliquer comment se fait-il qu’Israël intervienne sur le territoire syrien sans nous en aviser.»

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