Radio al-Kul : la libre parole des exilés syriens
Dans un petit studio d'un immeuble d'Istanbul, deux journalistes mettent la dernière main au journal du jour. Vingt minutes enregistrées et largement consacrées aux raids meurtriers de l'aviation de Bachar-al-Assad sur des quartiers rebelles de la ville d'Alep.
Le présentateur, Mohammed al-Barodi, lance un correspondant local via skype. Celui-ci commence à décrire les scènes de bombardements. Mais très vite, la ligne est coupée. Les problèmes techniques font parti des nombreux défis contre lesquels doivent se battre les douze pionniers de Radio al-Kul. «La radio pour tous» en arabe. Selon Obai Sukar, le directeur des programmes, «c'est un vrai problème. Souvent, on attend des coups de fils mais personne n'appelle. Il faut dire que ça n'est pas si facile, il y a souvent des pannes d'électricité et d'internet en Syrie.»
Les quatre heures d'émissions quotidiennes relèvent souvent du tour de force. Une fois enregistrés à Istanbul, les programmes sont stockés sur une plateforme puis téléchargés par des techniciens chargés de les diffuser, via de petits émetteurs clandestins déployés dans sept régions du pays. C'est la guerre qui rythme le calendrier des émissions. «S'il n'y a pas de bombardements, on peut enclencher les émetteurs. Mais s'il y a le moindre risque, on dit à nos hommes d'arrêter. Leur vie est plus importante», explique Obai Sukar.
Ahmed Zacharya est un journaliste heureux. Avant le début de la rébellion, il travaillait à Homs sous la censure de l'Etat. En Turquie, il s'est largement affranchi. «A l'intérieur, on n' a aucune liberté d'action. Par contre, quand on travaille à l'étranger, on peut se faire entendre des Syriens assiégés de façon plus efficace.»
Mais cette liberté de ton n'est toutefois pas sans riques. Slava anime les ondes de Radio al-Kul sous un nom d'emprunt. Ancienne présentatrice de la télévision nationale syrienne, elle a toujours peur des représailles, notamment contre les membres de sa famille restés en Syrie. «Je prends beaucoup de risques même si j'évite de parler politique.» Mais elle reconnaît que sa libre parole n'a pas de prix : «Jamais je n'aurais imaginé me retrouver dans la position de pouvoir dire la vérité sur le régime et ce qu'il a fait à son peuple.»
Subventionnée par des ONG américaines et européennes, le jeune média, créé en avril 2013, reste proche de la Coalition de l'opposition en exil. Mais la radio défend son indépendance financière et éditoriale. Radio al-Kul refuse l'étiquette de radio «rebelle».
Al-Kul espère dès janvier 2014 émettre en direct et surtout élargir son cercle d'auditeurs. Pour l'instant, il ne dépasse pas 100.000 personnes par jour.
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