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Les interrogations d'Israël face au conflit en Syrie

Israël a une frontière commune avec ce qui reste de la Syrie. Officiellement, Israël n'intervient pas dans cette guerre civile à ses frontières, affirmant ne remplir que son devoir humanitaire en soignant des blessés syriens. Mais la présence de groupes islamistes et d'ennemis plus traditionnels de l'Etat hébreu dans la région suscite des inquiétudes en Israël.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Char et soldats israéliens sur le Golan (JALAA MAREY / AFP)
Plus de 2.000 Syriens ont été traités dans les hôpitaux israéliens depuis 2013, selon l'armée israélienne. Soupçonné d'avoir soigné parmi ces derniers des membres des groupes djihadistes Etat islamique (EI) et du Front Al-Nosra, l'armée refuse de confirmer. C'est quasiment la seule véritable intervention israélienne dans le conflit syrien.

Les soins prodigués aux rebelles ne sont que l'un des exemples d'une politique de l'Etat hébreu veillant à préserver ses intérêts, par la diplomatie ou par la force, sans être aspiré dans le conflit de l'autre côté de la ligne de démarcation. Avant le début de la guerre en Syrie, «Israël, pour moi, c'était l'ennemi», dit Malek, dans cet hôpital de Safed (nord d'Israël), sa chambre gardée par quatre soldats israéliens. «Plus maintenant», ajoute-t-il, 

Syrie: disparition d'un ennemi d'Israël
La guerre en Syrie supprime, en théorie, un ennemi officiel d'Israël. «La menace représentée par l'Etat syrien pour Israël a disparu, et cela fait partie des bonnes nouvelles», dit Itamar Yaar, un ancien chef-adjoint du Conseil de sécurité nationale. L'Etat hébreu et la Syrie restent officiellement en état de guerre. Ce dernier a annexé unilatéralement en 1981 la partie du plateau du Golan qu'il a prise à la Syrie en 1967.

En même temps, Israël connaît bien le régime syrien et le domine militairement depuis longtemps. Depuis la guerre de Kippour en 1973, la Syrie n'a jamais vraiment menacé l'Etat hébreu et tous les incidents -aériens notamment- ont toujours tourné facilement à l'avantage d'Israël. En revanche, en cas de changement de régime à Damas, ce serait un saut dans l'inconnu.

Mais pour l'instant les groupes djihadistes n'ont jamais menacé Israël. «Les groupes plus importants – le Front Al-Nosra et les Brigades des martyrs de Yarmouk – qui contrôlent les zones entourant la frontière syrienne, ont peu d’intérêt à attaquer Israël à ce stade», a affirmé un officier du commandement du nord de l’armée israélienne.

Combats dans le Golan 
La guerre civile a amené les combats au pied de la ligne de démarcation, jusqu'alors relativement calme. Le territoire israélien n'a pas subi d'attaques réelles sur son sol. En revanche, il semble qu'Israël a bien mené des raids contre les forces soutenant le régime syrien. L'Etat hébreu aurait tué six membres du Hezbollah ainsi qu'un général iranien en janvier 2015, ou encore Samir Kantar, une figure du Hezbollah, près de Damas en décembre. Ces raids auraient aussi visé des convois d'armes destinés au mouvement libanais.

La menace du Hezbollah
L'engagement du Hezbollah (le puissant parti chiite libanais) en Syrie représente une aubaine et une menace pour Israël, estiment les analystes.  Aubaine car le Hezbollah se concentre sur la Syrie et aurait perdu des centaines d'hommes. Menace car Israël s'inquiète que ce mouvement, encore plus aguerri, se soit constitué désormais en véritable armée et ne se procure de nouvelles armes. En attendant, Israël n'est pas un objectif pour le mouvement chiite tout occupé par sa lutte contre les djihadistes.

Benyamin Netanyahu et Vladimir Poutine en 2015 (Michael Klimentyev / RIA Novosti)

Crainte sur l'attitude de Moscou
Israël et la Russie se sont, semble-t-il, parfaitement coordonnés avant le début de l'intervention militaire de Moscou en Syrie. «En septembre dernier, le premier ministre israélien avait rencontré Vladimir Poutine à Moscou et ils avaient déjà discuté du conflit syrien. A la mi-octobre, les militaires des deux pays se sont entendus pour coordonner les frappes aériennes en Syrie», rappelle le média russe Sputniknews .

Si l'intervention militaire russe ne semble pas du tout avoir inquiété Israël, le retrait surprise de l'armée russe susciterait, elle, des interrogations. Le chef d'état-major israélien Gadi Eisenkot a dû reconnaître que les Israéliens n'avaient pas vu venir le désengagement russe et cherchaient à comprendre. «Le cessez-le-feu rendra beaucoup plus difficile des interventions israéliennes en Syrie pour empêcher des transferts d’armes au profit du Hezbollah, car Israël sera accusé de rompre le cessez-le-feu censé durer et risquera des tensions avec Moscou», s'interroge un journal israélien.

Le président israélien Reuven Rivlin en visite à Moscou le 17 mars a annoncé que le président Poutine devait rencontrer prochainement Benyamin Netanyahu. Pour Israël, pas question que «l'Iran ou le Hezbollah se retranchent sur le Golan». 

Alors que les frontières extérieures d'Israël sont finalement extrèmement calmes dans une région en pleine décompostion, les incidents dans les territoires occupés continuent quotidiennement. Deux Palestiniens ont gravement blessé au couteau une Israélienne le 17 mars 2016 près d'un ensemble de colonies en Cisjordanie occupée avant d'être abattus par les forces israéliennes. La guerre des «couteaux» a déjà coûté la vie à 96 Palestiniens, 28 Israéliens, deux Américains, un Erythréen et un Soudanais depuis le 1er octobre, selon le décompte de l'AFP.

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