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Irak: 1000 Syriens vivent sous la coupe de Daech dans un camp de l'ONU

Le camp d'al-Obaïdi héberge un millier de réfugiés syriens dans la province d’Anbar, au nord-est de l’Irak. Paradoxe : cette structure créée par l’ONU en juin 2013 dépend du bon vouloir des djihadistes de Daech – lesquels ont pris le contrôle de la région un an plus tard –, mais reçoit encore des vivres et des médicaments financés par l’organisation internationale.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Fuyant la violence en Syrie, ces réfugiés sont accueillis dans une école de la ville frontalière irakienne d'al-Qaïm, le 25 juillet 2012. ( AFP PHOTO / AZHAR Shallal)

Les combattants du groupe Etat islamique qui contrôlent la région depuis juillet 2014 font régner la loi dans ce camp, situé à une trentaine de kilomètres de la frontière syrienne en territoire irakien, près d'al-Qaïm. Avant cette date, des milliers de réfugiés ont transité par cette ville frontalière. Mais le millier de personnes encore présentes à al-Obaïdi n'ont eu ni le temps ni la possibilité de fuir la poussée djihadiste.
 
A leur arrivée, après la prise de Mossoul, les membres de Daech ont clairement indiqué que les ONG irakiennes pouvaient y continuer leur travail à condition que les réfugiés respectent strictement la charia (femmes voilées, alcool, tabac et accès à internet prohibés) et que tous les logos de l'ONU soient retirés, précise la Fondation Thomson Reuters. Les équipes du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) ont quitté le camp.
 
Aujourd’hui, les vivres et les médicaments financés par l'ONU sont livrés à deux ONG locales – la Société médicale irakienne de secours et de développement et l'Organisation humanitaire irakienne du salut (la première s'occupe de la clinique, la seconde y assure la sécurité) – qui les acheminent dans le camp.

«Nous savons juste que ce qui est fourni arrive bien sur place», raconte à Géopolis Bruno Geddo, représentant en Irak du HCR, qui doit faire confiance aux acteurs locaux, sachant que sur le terrain, la situation n'est pas claire.
 
Des aides au compte-gouttes
La présence djihadiste et l’intensification des combats dans la zone ont considérablement compliqué les livraisons d’aide humanitaire à al-Obaïdi. En février 2015, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a cessé ses distributions. Le HCR a pris le relais et fait acheminer, via les ONG irakiennes, deux miches de pain par semaine pour chaque réfugié.
 
Outre l’alimentaire, le HCR alloue aussi «une trentaine de dollars par mois aux réfugiés, même si cette somme peut varier», indique Bruno Geddo. Les médicaments ne sont plus distribués que deux fois par an.
 
Une vie en coupe réglée
«La vie dans le camp d'al-Obaïdi est meilleure qu'à l'extérieur», a confié un employé d'un des groupes humanitaires irakiens à la Fondation Thomson Reuters. «Au moins, nous y bénéficions de services de base, comme l'eau ou l'électricité huit heures par jour.» 

«La clinique a soigné quelque 368 patients en octobre 2015 et une école qui emploie une trentaine d'enseignants scolarise 146 élèves le matin et 136 l'après-midi», selon le représentant du HCR.

Pourtant, peu après leur arrivée, les membres de Daech, qui inspectent le camp au moins une fois par mois, ont exécuté trois hommes et deux femmes accusés d'être des espions. Ils ont aussi tué un travailleur humanitaire. 

Un cordon ombilical avec les réfugiés 
A la question de savoir pourquoi l'ONG continue à acheminer de l'aide dans de telles conditions, Bruno Geddo développe: «Certes, les deux ONG sur place doivent faire profil bas. Mais l'aide humanitaire doit être guidée par le besoin des réfugiés. Elle doit être neutre et indépendante. Si on ne peut plus livrer certaines choses, on fournit un service malgré tout. Même si la situation n'est pas idéale, les ONG locales représentent un cordon ombilical entre le HCR et les réfugiés. Si des aides peuvent être détournées, c'est à une échelle raisonnable. Il y a toutefois une ligne rouge à ne pas dépasser. Si l'occupant exige des taxes et prélève une grosse partie de l'aide humanitaire, alors il faut trouver une autre manière de fonctionner. Dans le cas d'al-Obaïdi, les conditions ont été acceptables. Il est vrai que plusieurs personnes ont été exécutées, mais si le HCR était parti, un millier de personnes auraient alors été mises en danger. Ailleurs, Daech exécute des centaines de personnes par jour.»

Des précédents dans le monde
La situation particulière d’al-Obaïdi dérange. Eva Svoboda, chercheuse à l'Overseas Development Institute, centre britannique d'études et de réflexion spécialisé dans les questions de développement et d'aide humanitaire, souligne que le cas de figure s'est déjà présenté en Afghanistan et en Somalie. En Somalie, les shebabs détournaient beaucoup d'aide humanitaire. Ce qui posait de manière plus aiguë la question de la présence et du contrôle sur le terrain, précise M.Geddo.
 
Concernant le refus de l'Unicef et de l'International Rescue Committee, qui envoient également de l'aide humanitaire à al-Obaïdi, de dévoiler l’acheminement de leurs moyens d’assistance, Eva Svoboda explique que leur silence est en partie lié à la contradiction entre le droit humanitaire – qui affirme la nécessité de fournir une aide aux civils en temps de conflit – et les règles de lutte contre le terrorisme. En effet, le fait que Daech soit considéré comme une organisation terroriste peut exposer à des sanctions toute organisation fournissant de l'aide en territoire sous son contrôle ou négociant avec eux. Les ONG sont prises au piège de la quadrature du cercle…

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