Cet article date de plus de huit ans.
En Syrie, la guerre favorise la polygamie
La polygamie, déjà autorisée en Syrie avant la guerre, augmente depuis plusieurs années. La raison: elle permet notamment aux veuves d’être protégées, dans un pays qui compte de moins en moins d’hommes.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Avant 2010, à Damas, les unions polygames ne représentaient que 5% des mariages enregistrés, contre 30% en 2015.
Comment peut-on expliquer un tel phénomène? D’abord en raison des nombreux morts dus à la guerre, souvent des hommes. Les femmes perdent leur mari et se retrouvent seule à la tête d’une famille. Cela, sans avoir de revenus assurés. Ensuite, le chômage et la pauvreté poussent ces veuves à accepter des mariages où elles ne sont que deuxième ou troisième épouse.
Mais la misère économique n’est pas la seule raison à cette situation. Pour certaines, se marier à un homme qui l’est déjà permet de sauvegarder un honneur en danger. Dans beaucoup de régions de ce pays ravagé par le conflit, le nombre d’hommes est plus faible que celui des femmes. Ainsi, Mohammad, 41 ans, a pris sa cousine Maha, de dix ans plus jeune que lui, comme seconde épouse. Cité par l’AFP, il explique qu’avec quatre amis, il a «décidé de prendre comme seconde épouse des femmes dont les maris étaient morts, pour protéger leur réputation».
Un vieux débat au Moyen-Orient
En 2005, une journaliste égyptienne demandait l’instauration de la polygamie en Egypte. Affirmant «être très prise par son travail et peu encline aux rythmes de la vie de famille», elle estimait que «la polygamie permet aux femmes de se garder un espace de liberté». Et fondait l’association «Tayssir».
Un avis partagé à l’époque par Afaf Al-Sayyd qui se disait militante des droits des femmes: «Le droit à la polygamie est un droit pour les femmes autant que pour les hommes. La polygamie est une solution contre l’immoralité et l’adultère qui dominent dans les sociétés occidentales.» Ces prises de position avaient mis en émoi les associations de défenses de droits de l’Homme arguant d’un recul de la société.
Mais nombreux sont encore les pays du Moyen-Orient et d’Afrique à autoriser la polygamie. En Syrie, la pratique est très encadrée. Un homme peut épouser jusqu’à quatre femmes à condition de les traiter équitablement. De plus, le mari doit pouvoir payer des maisons séparées aux épouses.
Que dit l’islam?
Les exemples de polygamie dans les religions du Livre existent, que ce soit dans le judaïsme ou le christianisme. On en trouve aussi des exemples dans l’islam: le prophète Mahomet aurait eu des dizaines de concubines et plusieurs épouses.
Catherine Golliau, journaliste au Point et co-auteure de l’ouvrage Judaïsme, Christianisme, Islam : les textes fondateurs commentés nuance l’utilisation de la pratique. «Dans les faits, toutefois, la pratique de la polygamie en islam sera limitée, ne concernant que 5% à 10% des communautés, généralement dans les milieux très aisés et citadins, ou religieusement conservateurs. Les femmes d'un milieu social élevé pouvaient parfois exiger par contrat d'être libérées du lien conjugal si leurs époux souhaitaient une co-épouse, ce qui équivalait à garantir un régime monogame.»
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.