Séisme de L'Aquila : un verdict qui suscite un tollé chez les scientifiques
"Je ne vois pas les conditions pour travailler avec
sérénité ",a déclaré mardi Luciano Mainai. Le physicien a annoncé qu'il
démissionnait de son poste de président de la Commission italienne des grands
risques. L'objet de son ire : la condamnation lundi à six ans de prison ferme
de ses sept collègues accusés d'avoir donné des "informations inexactes,
incomplètes et contradictoires " sur des secousses de faible
intensité, ressenties des semaines, voire des mois avant le séisme meurtrier de
L'Aquila qui avait fait 309 morts en 2009. Avec, en outre, 9 millions d'euros
de dommages et intérêts à payer aux familles des 29 victimes.
Une condamnation "absurde " et "dangereuse "
Symbolique, cette démission s'inscrit dans le tourbillon
général qui a saisi la communauté scientifique internationale après la décision
de la justice italienne. Aux Etats-Unis, on juge la condamnation "absurde ", "dangereuse ". "Dans une décision qui provoque une onde de
choc dans la communauté de géophysique aux Etats-Unis, un tribunal italien a
condamné six scientifiques à six ans de prison pour ne pas avoir prédit un
séisme, ce qui est absurde et dangereux ", a écrit ainsi dans un
communiqué l'influente ONG américaine, Union of Concerned Scientists.
Des
années de recherche menées par d'éminents sismologues aux Etats-Unis
montrent
qu'il n'existe pas de méthode scientifique reconnue permettant de
prédire un
tremblement de terre imminent
Au risque de décourager l'effort scientifique ?
Avant la condamnation, l'Association américaine pour la
promotion de la science, la plus
grande organisation scientifique mondiale, avait déjà souligné que "des
années de recherche menées par d'éminents sismologues aux Etats-Unis montrent
qu'il n'existe pas de méthode scientifique reconnue permettant de prédire un
tremblement de terre imminent ". Surtout, l'association s'est inquiété que la menace de cette condamnation, alors même que les sismologues
appliquaient des méthodes scientifiques reconnues, ne décourage l'effort
scientifique et empêche "le libre échange des idées ", "indispensable
au progrès scientifique ".
Même tollé en Europe
Leurs confrères européens ne disent pas autre chose : "Sans aller jusqu'à soutenir un
éventuel principe l'irresponsabilité des scientifiques, il faut bien garder en tête que le scientifique établit son raisonnement
en fonction de l'état des connaissances à un moment donné. On ne peut donc pas
lui tenir grief du fait que ces connaissances soient limitées, s'il a bien mobilisé
toutes celles qui sont à sa disposition ", explique ainsi le Pr Alain
Carpentier, président de l'Académie des sciences.
Il poursuit : "En l'espèce, les meilleurs
spécialistes savent qu'il est impossible de prévoir un séisme majeur, et que
les petites secousses n'en sont pas forcément un signe avant-coureur. La mise
en cause des géologues italiens me paraît donc être un précédent très
dangereux ."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.