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Victimes, niveau de radiation, évacuations... Ces zones d'ombre qui persistent après l'explosion nucléaire dans une base russe

L'accident nuclĂ©aire qui s'est produit le 8 aoĂ»t sur la base de missiles de Nionoksa, dans le Grand Nord russe, a fait au moins cinq morts et trois blessĂ©s. Mais de nombreux mystères entourent encore l'explosion. 

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France Télévisions
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La base militaire de Nionoksa, dans la rĂ©gion d'Arkhangelsk (Russie), le 9 novembre 2011.  (AFP)

"Des accidents arrivent, malheureusement. Ce sont des tragĂ©dies. Mais dans ce cas particulier, il est important de se souvenir des hĂ©ros qui ont perdu leur vie dans cet accident." C'est avec ces mots, relayĂ©s par CNN (en anglais), que le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a rĂ©agi, mardi 13 aoĂ»t, Ă  l'explosion survenue jeudi sur une base d'essais de missiles, dans le Grand Nord russe

L'accident Ă  caractère nuclĂ©aire, qui a eu lieu au large de la base militaire de Nionoksa, dans la rĂ©gion d’Arkhangelsk, a tuĂ© au moins cinq hommes, ingĂ©nieurs de l'agence nuclĂ©aire russe Rosatom. D'après cette dernière, ils travaillaient sur "de nouveaux armements", et fournissaient ingĂ©nierie et soutien technique pour "la source d'Ă©nergie isotopique" du moteur d'un missile. Mais les informations dĂ©voilĂ©es au sujet de l'accident restent partielles, voire contredites au fil des jours. Franceinfo fait le point sur les mystères entourant encore cette explosion. 

Les circonstances de l'explosion

Ce qui a d'abord Ă©tĂ© annoncĂ©. Peu après l'accident, le ministère de la DĂ©fense russe a Ă©voquĂ© un simple "incendie", survenu lors de l'explosion d'un "moteur-fusĂ©e Ă  ergols liquides [des substances fournissant de l'Ă©nergie]", en phase de test. Aucune mention du caractère nuclĂ©aire de l'explosion n'a Ă©tĂ© faite le 8 aoĂ»t, jour de l'accident. 

Ce que l'on sait depuis. Au fil du week-end, soit deux jours après l'explosion, l'agence nuclĂ©aire russe Rosatom a progressivement reconnu qu'il s'agissait bien d'une explosion Ă  caractère nuclĂ©aire. Rosatom a Ă©voquĂ© samedi un problème "dans une source d'Ă©nergie isotope, pour un moteur-fusĂ©e Ă  ergols liquides". Les isotopes sont des atomes ayant "le mĂŞme nombre d'Ă©lectrons (...) mais un nombre diffĂ©rent de neutrons", prĂ©cise l'Institut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (IRSN). Certains ont des propriĂ©tĂ©s radioactives.

Des scientifiques russes ont ensuite prĂ©cisĂ©, dimanche, que l'explosion Ă©tait liĂ©e Ă  un "petit rĂ©acteur nuclĂ©aire", relate le New York Times (article en anglais). Mais les portes-paroles de Rosatom ont refusĂ© le terme de "rĂ©acteur" et ont prĂ©fĂ©rĂ© parler de "batterie nuclĂ©aire" Ă  l'origine du drame, prĂ©cise CBS News (article en anglais). Ce n'est que lundi que les autoritĂ©s russes sont revenues sur leurs premières dĂ©clarations. Quatre jours après l'explosion, elles ont dĂ©clarĂ© que l'accident avait un lien avec des tests de "nouveaux armements"

Les victimes

Ce qui a d'abord Ă©tĂ© annoncĂ©. Le ministère de la DĂ©fense a, dans un premier temps, Ă©voquĂ© la mort de deux personnes dans l'accident. "Six reprĂ©sentants du ministère de la DĂ©fense et du fabricant ont Ă©tĂ© blessĂ©s, plus ou moins grièvement, sur place", a dĂ©clarĂ© le ministère, citĂ© par l'agence de presse russe Tass (en anglais)"Deux spĂ©cialistes sont morts de leurs blessures. L'ensemble des victimes ont Ă©tĂ© transportĂ©es vers un hĂ´pital et prises en charge", a prĂ©cisĂ© le ministère jeudi. 

Ce que l'on sait depuis. Ce ne sont pas deux, mais cinq personnes qui sont mortes dans l'explosion à caractère nucléaire. L'agence Rosatom, qui employait ces victimes, l'a annoncé au cours du week-end, ajoutant que trois autres de ses employés avaient été blessés dans l'accident, relate le Los Angeles Times (article en anglais). Elles ont été victimes de brûlures, d'après l'agence nucléaire russe. Les victimes travaillaient pour le centre nucléaire fédéral russe, géré par Rosatom, précise CBS News. Ces ingénieurs étaient des experts "d'élite", qui avaient déjà mené des tests dans "des conditions extrêmement difficiles", a déclaré Valentin Kostyukov, de l'agence Rosatom.

Selon ce dernier, citĂ© par la BBC (article en anglais) les victimes sont Alexei Vyushin, spĂ©cialiste en logiciels, Yevgeny Korotayev, ingĂ©nieur en Ă©lectrique, Vyacheslav Lipshev, Ă  la tĂŞte de cette Ă©quipe menant les tests, Sergei Pichugin, ingĂ©nieur, et Vladislav Yanovsky, l'un des directeurs de ce dĂ©partement de tests scientifiques. Mais la liste des victimes pourrait encore s'allonger. D'après le Washington Post (article en anglais), citant le site Dvina Today, dix membres du personnel mĂ©dical ayant soignĂ© les blessĂ©s de l'explosion ont eux aussi Ă©tĂ© envoyĂ©s Ă  Moscou, afin d'ĂŞtre Ă  leur tour pris en charge. 

Le type de missile impliqué

Ce qui a d'abord Ă©tĂ© annoncĂ©. Evoquant des "nouveaux armements" impliquĂ©s dans l'explosion – après avoir simplement parlĂ© d'un "moteur-fusĂ©e Ă  ergols liquides" – les autoritĂ©s russes n'ont pas souhaitĂ© donner davantage d'Ă©lĂ©ments sur le type de missile testĂ© lors du drame. L'agence nuclĂ©aire russe Rosatom s'est contentĂ©e d'assurer vouloir "continuer le travail sur les nouveaux types d’armes, qui sera, dans tous les cas, poursuivi jusqu’au bout". 

Ce que l'on sait depuis. Plusieurs experts russes et amĂ©ricains estiment que l'explosion a eu lieu lors de tests du 9M730 "Bourevestnik", selon la BBC (en anglais). Il s'agit d'un missile de croisière, Ă  longue portĂ©e et Ă  propulsion nuclĂ©aire, que la Russie cherche Ă  mettre au point. Dans un tweet, le prĂ©sident amĂ©ricain, Donald Trump, a affirmĂ© lundi en avoir "appris beaucoup sur l'explosion d'un missile dĂ©fectueux en Russie". Sans donner plus de prĂ©cisions, il a simplement ajoutĂ© que les Etats-Unis ont "une technologie similaire, mais plus avancĂ©e"

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, n'a pas confirmĂ© mardi qu'il s'agissait bien du "Bourevestnik" – nommĂ© "SSC-X-9 Skyfall" par l'Otan. La BBC Ă©voque les noms de deux autres missiles pouvant avoir Ă©tĂ© testĂ©s lors de l'accident : il s'agit du missile Zircon, un missile de croisière hypersonique, et de PosĂ©idon, un drone sous-marin de longue portĂ©e.

Les niveaux de radiation enregistrés

Ce qui a d'abord Ă©tĂ© annoncĂ©. Peu après l'Ă©vocation d'un simple "incendie" après l'explosion d'un "moteur-fusĂ©e Ă  ergols liquides" en phase de test, le ministère de la DĂ©fense s'est voulu rassurant, affirmant qu'il n'y avait eu aucune "contamination radioactive" enregistrĂ©e autour de la base de Nionoksa. 

Ce que l'on sait depuis. Cette version des faits a Ă©tĂ© rapidement contredite par les autoritĂ©s locales de la ville de Severodvinsk, situĂ©e Ă  quelque 30 kilomètres de la base de Nionoksa. Selon le New York Times (en anglais), un agent en charge de la protection civile a affirmĂ© avoir vu des pics de radiation sur deux compteurs. Plusieurs mĂ©dias russes ont Ă  leur tour Ă©voquĂ© des niveaux de radiation atteignant jusqu'Ă  200 fois les niveaux rĂ©guliers. Le quotidien amĂ©ricain affirme que ces informations ont rapidement Ă©tĂ© retirĂ©es du site de la ville de Severodvinsk – pour des raisons encore inconnues. 

Mardi, les services mĂ©tĂ©orologiques de Russie ont annoncĂ© avoir observĂ© des taux de radiations jusqu'Ă  16 fois supĂ©rieurs Ă  la normale, selon l'agence de presse russe Tass. Jeudi, peu après l'explosion, "six des huit capteurs de Severodvinsk ont enregistrĂ© des dĂ©passements de la puissance des doses de radiation de quatre Ă  seize fois supĂ©rieure Ă  celle habituelle", ont annoncĂ© les services mĂ©tĂ©orologiques dans un communiquĂ©. Un taux de radioactivitĂ© de 1,78 microsievert par heure a notamment Ă©tĂ© relevĂ©, contre une limite rĂ©glementaire de 0,6 microsievert/heure en Russie. Pour l'institut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire français (IRSN), les populations doivent ĂŞtre mises Ă  l'abri dès 10 000 microsieverts reçus. 

Les services mĂ©tĂ©orologiques russes ont prĂ©cisĂ© que ces niveaux de radioactivitĂ© observĂ©s Ă  Severodvinsk avaient rapidement baissĂ©, puis Ă©taient revenus Ă  la normale. De son cĂ´tĂ©, l'ONG Greenpeace a relevĂ© des radiations vingt fois supĂ©rieures Ă  la moyenne dans les environs de Nionoksa.

Les évacuations

Ce qui a d'abord Ă©tĂ© annoncĂ©. InterrogĂ© sur d'Ă©ventuels plans d'Ă©vacuation après l'incident de jeudi, le gouverneur de la rĂ©gion d'Arkhangelsk, a bottĂ© en touche, assurant qu'il n'y avait Ă  ce stade aucun besoin d'Ă©vacuer des habitants, rapporte l'agence russe Tass. 

Ce que l'on sait depuis. Des militaires russes ont informĂ© les habitants d'un petit village proche de la base de Nionoksa, oĂą a eu lieu l'explosion, qu'ils devraient quitter les lieux mercredi matin, et ce pour une durĂ©e de deux heures, a rapportĂ© le Washington Post (article en anglais) mardi. Un train avait Ă©tĂ© prĂ©vu Ă  cet effet, pour ce qui a Ă©tĂ© qualifiĂ© de simple "mesure de routine" par le gouverneur de la rĂ©gion d'Arkhangelsk. Un porte-parole de l'armĂ©e est finalement revenu sur cette annonce mardi soir, poursuit le Washington Post. L'Ă©vacuation des habitants du village a finalement Ă©tĂ© annulĂ©e. Pour quelles raisons ? Une nouvelle fois, le mystère reste entier. 

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