Cet article date de plus de six ans.

"Il nous a rendu le sentiment que le monde respecte la Russie" : les électeurs de Poutine n'ont pas eu besoin d'une campagne pour faire leur choix

Sauf énorme surprise, Vladimir Poutine sera le prochain président russe, qui votent dimanche. Au pouvoir depuis dix-huit, il n'a pas eu à affronter de réel concurrent au terme d'une campagne atone. 

Article rédigé par Pierrick Bonno
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des t-shirts à l'effigie de Vladimir Poutine, à Moscou. (ALEXANDER NEMENOV / AFP)

Dans une galerie d’art en banlieue de Moscou, des photos, des peintures et mêmes des pièces de haute couture à l'effigie de Vladimir Poutine recouvrent les murs. Le lieu appartient à Cet ("le réseau", en russe), un mouvement de jeunesse financé par le Kremlin. Yulia est artiste peintre. A 25 ans, elle n’a quasiment connu qu’un seul président. Elle vend ses toiles 500 euros pièce, le salaire mensuel moyen dans le pays. Tous les Russes ne peuvent pas se permettre d’acheter les œuvres de Yulia, et pourtant, ça marche. "Je ne peux vous montrer qu'une seule toile de Poutine, les autres, je les ai vendues, s'amuse Yulia. Les Russes adorent les images de leur président, ils adorent les représentations de Poutine." Gleb, lui, est créateur de bijou. Il fabrique des bagues où la pierre est à l'effigie de Vladimir Poutine. Il en a vendu des dizaines ces derniers mois.

Gleb, créateur de bijoux, et Yulia, artiste peintre, à Moscou, en mars 2018. (PIERRICK BONNO / RADIO FRANCE)

Deux meetings, aucun débat

La fierté nationale et la grandeur de la Russie : voilà les thèmes principaux de cette campagne qui n'a pas vraiment eu lieu. Dimanche, 110 millions de Russes éliront leur président de la République. Sauf énorme surprise, Vladimir Poutine sera réélu pour un quatrième mandat. Il n'a mené que deux meetings et n'a participé à aucun débat. Pour Vassili, ingénieur de 60 ans, il n’y a qu’à regarder le bilan du président russe pour faire son choix dimanche. Quitte à oublier que le pays est plongé dans la crise depuis 2014. "Ces dix-huit dernières années, le niveau de vie a augmenté, se réjouit-il. À Moscou, par exemple, il n'y a avait pas toutes ces infrastructures avant Poutine. Ça s'est amélioré, c'est le jour et la nuit ! Et puis d'un point de vue psychologique, Vladimir Poutine nous a rendu le sentiment que le monde respecte la Russie. Enfin !" 

Vassili, 60 ans, électeur de Poutine, à Mouscou, en mars 2018. (PIERRICK BONNO / RADIO FRANCE)

La crise diplomatique avec Grande-Bretagne n'a rien changé dans le regard des partisans de Poutine. Les menaces de sanctions de l'Europe non plus. Pour la plupart des pro-Poutine, l’empoisonnement de cet espion russe à Londres est un complot de l’Occident. "Si la Grande-Bretagne connaît la composition de ce poison secret, c'est qu'elle en a des échantillons. Cela veut dire qu'ils peuvent le produire. Je suis en scientifique, moi, pointe Vassili, l'ingénieur. C'est peut-être la Grande-Bretagne elle-même qui a empoisonné cet espion !" Le sexagénaire reprend ainsi les thèses martelées par les médias russes depuis le début de la semaine : cette histoire d’empoisonnement est un coup-monté pour perturber l’élection.

La presse et l'opposition muselés

Si Vladimir Poutine est aussi populaire en Russie c’est d’abord parce que la quasi-totalité des télévisions, radios et journaux sont aux mains du Kremlin. "La propagande est partout dans ce pays, déplore Killil Martinov, le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, l’un des rares journaux indépendants. 99% des médias sont contrôlés par le Kremlin. Il y a quinze ans, l'État a pris le contrôle de toutes les chaînes de télévision, raconte encore le journaliste et il y a cinq ans il a fait la même chose avec la presse écrite, puis avec internet. Les réseaux sociaux étaient encore des espaces libres, ils ne le sont plus." 

Killil Martinov, rédacteur en chef du journal russe d'opposition "Novaïa Gazeta". Derrière lui, les portraits de journalistes assassinés. (PIERRICK BONNO / RADIO FRANCE)

Et les candidatures à la présidentielle non plus ne sont pas vraiment libre. Face à lui dimanche, Vladimir Poutine aura sept candidats, tous préalablement autorisés par le Kremlin à se présenter. Aucun n’est en mesure d’éviter la réélection du président sortant. Le principal opposant, Alexeï Navalny, ne fait pas partie de la liste. Sa candidature a été interdite en raison d’une condamnation judiciaire, qu'il conteste. Les rassemblements de ses partisans sont également interdits et l’opposition est muselée en Russie. Difficile dans ces conditions de se revendiquer anti-Poutine.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.