Cet article date de plus de quatre ans.

Hospitalisation de l'opposant russe Alexeï Navalny : "Il y a une très longue tradition d'empoisonnement" en Russie, affirme l'historienne Galia Ackerman

L'entourage d'Alexeï Navalny, opposant numéro 1 au président russe Vladimir Poutine, dénonce un empoisonnement après son hospitalisation en urgence. Pour la spécialiste de la Russie Galia Ackerman, Alexeï Navalny paye "ses activités politiques".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'opposant russe Alexei Navalny le 16 janvier 2018. (MLADEN ANTONOV / AFP)

"Il y a une très longue tradition d'empoisonnement" en Russie, affirme jeudi 20 août sur franceinfo Galia Ackerman, historienne, spécialiste de la Russie et de l’espace post-soviétique, alors que l'opposant russe Alexeï Navalny est en réanimation à l'hôpital en Sibérie, et que son entourage dénonce un empoisonnement "intentionnel" lors d'un voyage en avion entre la Sibérie et Moscou.

franceinfo : L'empoisonnement délibéré est-il une piste plausible ?

Galia Ackerman : J'ai l'impression d'avoir déjà vécu ça, parce qu'en 2004 la célèbre journaliste Anna Politkovskaïa a été empoisonnée exactement dans les mêmes circonstances. Elle a pris l'avion pour se rendre à Beslan, où avait lieu une grande prise d'otages dans une école, par des terroristes tchétchènes, et elle voulait assurer la médiation avec les preneurs d'otages. Elle n'a jamais pu arriver à bon port, parce que dans l'avion, elle a pris du thé, et s'est retrouvée dans le coma. L'avion a atterri en urgence à Rostov, elle a été hospitalisée et a été très gravement malade. Navalny a déjà subi une tentative d'empoisonnement, et nous connaissons aussi des tentatives d'empoisonnement ou des empoisonnements qui ont réussi.

Comment expliquer cette nouvelle tentative d'empoisonnement ?

En Union soviétique, sous Lénine, on a créé un laboratoire spécialisé dans les poisons, qui servait justement à empoisonner pour éliminer les adversaires politiques, quand le meurtre direct par balles était plus problématique. Il y a une très longue tradition d'empoisonnement. Il existe 5 000 poisons différents, et la difficulté consiste toujours à identifier le poison. On nous fait miroiter que Navalny prenait des substances qui pouvaient avoir des effets toxiques, c'est-à-dire qu'il se droguait, ce qui est absolument faux.

Il n'est pas sûr qu'on trouve, si Navalny survit, avec quoi exactement il a été empoisonné.

Galia Ackerman, historienne

à franceinfo

Que paye Alexeï Navalny aujourd'hui ?

Ce sont sûrement ses activités politiques. C'est l'opposant numéro 1, le plus crédible, celui qui a un réseau dans le pays entier, qui a fait des vidéos extrêmement élaborées, qui ont pu démontrer la corruption dans les échelons supérieurs du pouvoir, y compris l'ancien premier ministre Medvedev, y compris Vladimir Poutine. Il appelle systématiquement à ne pas voter pour les candidats du pouvoir. Donc peut-être que l'occasion s'est présentée. C'est un très grave avertissement, peut-être est-ce un moyen d'intimidation.

Le Kremlin a souhaité un prompt rétablissement et a proposé son aide. Les autorités russes craignent-elles pour leur image ?

Les autorités russes ont l'habitude de nier leur participation à tel ou tel méfait. Les exemples sont légion. Bien sûr ils lui ont souhaité un prompt rétablissement, mais cela ne veut pas dire qu'à un niveau quelconque, des structures d'Etat russes n'aient pas pu participer à une tentative d'empoisonnement.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.