Cet article date de plus de dix ans.
La stratégie de Poutine en Ukraine
Le président russe, Vladimir Poutine, affirme que son pays «n’impose rien à personne», alors que le Kremlin est accusé d’avoir contraint l’Ukraine à renoncer à son accord d’association avec l’UE. Quel est le rôle de la Russie dans la crise ukrainienne ? Et qu’en est-il de l’attitude de Moscou vis-à-vis des anciennes républiques de l'URSS ? La réponse de Marie Mendras, professeure à Sciences Po.
Publié
Temps de lecture : 5min
Comment interpréter le rôle de la Russie dans l’affaire ukrainienne ?
La position de Vladimir Poutine est très claire. A ses yeux, les pays pris en sandwichs entre la Russie et l’UE, la Russie et l’OTAN ne doivent pas pouvoir évoluer. L’Ukraine, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie doivent rester dans la position dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui. Ils ne doivent intégrer aucune organisation multilatérale dont Moscou n’est pas déjà membre. En interdisant qu’ils se rapprochent de l’Ouest, Vladimir Poutine les empêche de devenir des Etats de droit.
Depuis la guerre en Géorgie en 2008, c’est une règle non écrite et pesante. Cette guerre a d’ailleurs été faite pour l’affirmer, alors que la Géorgie parlait d’intégrer l’OTAN.
Même s’il n’a pas pu les empêcher de mener des discussions avec l’UE, Poutine mène la même politique avec les six pays du Partenariat oriental, lancé par l’Union européenne : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine. En septembre, l’Arménie a ainsi été contrainte de renoncer à un traité de libre-échange avec Bruxelles.
Faut-il y voir la tradition du glacis soviétique qui maintenait autour de l’URSS une série d’Etats satellites pour se protéger face à l’Occident?
La situation actuelle est différente car la Russie n’a pas les moyens de reconquérir des territoires. Le Kremlin veut empêcher ses anciennes possessions de passer de l’autre côté. Si cela se produisait, la Russie risquerait de se retrouver plus isolée, plus vulnérable, de moins en moins compétitive et attractive. Pour Poutine, c’est l’avenir de son régime qui se joue. Il s’agit donc de fragiliser la souveraineté politique et économique des six pays concernés, et non d’en faire de nouveau des provinces de la Russie.
Pour Moscou, l’Ukraine, qui a une population de 46 millions d’habitants, est le plus gros morceau du Partenariat oriental. Si ce pays devient un Etat de droit, la Russie risque d’être de plus en plus exposée comme Etat non démocratique. Au moment de la Révolution orange en 2004, le président russe a eu très peur. D’autant que les provinces occidentales de l’Ukraine, qui n’ont été rattachées qu’à l’époque de Staline, ont une grande proximité avec l’Europe centrale, et surtout la Pologne.
Assiste-t-on en Ukraine à une partie d’échec diplomatique, un épisode de la concurrence entre la Russie d’un côté, l’Occident et l’Union européenne de l’autre ?
Ce n’est pas une bataille diplomatique, mais économique et stratégique. De son côté, l’UE veut que ses voisins se portent mieux. Elle veut des bons partenaires souverains, capables de gérer leur propre sécurité et leur développement économique. Ses motivations sont donc très différentes de celles de Moscou.
Actuellement, la société ukrainienne se trouve prise entre d’un côté les slogans pro-UE et de l’autre la rhétorique et les pressions poutiniennes. Ces pressions sont maximales. Le Kremlin a imposé depuis l’été 2013 un embargo qui a entraîné une chute très importante des exportations ukrainiennes vers la Russie. Il a réduit ses exportations de gaz. C’est donc une politique brutale qui a pour objectif d’étrangler Kiev.
Poutine profite aussi de la faiblesse du président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, au pouvoir depuis quatre ans, et qui est englué dans le clientélisme et la corruption.
C’est le drame de la situation actuelle. Poutine et Ianoukovitch entretiennent des systèmes opaques pour empêcher la population ukrainienne de progresser et de choisir. La responsabilité est donc partagée entre les deux dirigeants. Mais les Ukrainiens sont de plus en plus critiques. Pour eux, la seule solution est de se référer à l’Union européenne comme système démocratique et d’Etat de droit. D’une certaine manière, c’est Poutine qui les oblige à adopter cette attitude, qui les pousse dans la rue. Le succès des manifestations contre Ianoukovitch dimanche 15 décembre (2013, NDLR) montre bien que la politique russe est contre-productive.
C’est en braquant les projecteurs sur l’Ukraine qu’on empêche une répression violente. Il faut donc parler de ce qui s’y passe le plus possible. C’est notre meilleur soutien au combat démocratique aux frontières orientales de l’UE.
La position de Vladimir Poutine est très claire. A ses yeux, les pays pris en sandwichs entre la Russie et l’UE, la Russie et l’OTAN ne doivent pas pouvoir évoluer. L’Ukraine, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie doivent rester dans la position dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui. Ils ne doivent intégrer aucune organisation multilatérale dont Moscou n’est pas déjà membre. En interdisant qu’ils se rapprochent de l’Ouest, Vladimir Poutine les empêche de devenir des Etats de droit.
Depuis la guerre en Géorgie en 2008, c’est une règle non écrite et pesante. Cette guerre a d’ailleurs été faite pour l’affirmer, alors que la Géorgie parlait d’intégrer l’OTAN.
Même s’il n’a pas pu les empêcher de mener des discussions avec l’UE, Poutine mène la même politique avec les six pays du Partenariat oriental, lancé par l’Union européenne : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine. En septembre, l’Arménie a ainsi été contrainte de renoncer à un traité de libre-échange avec Bruxelles.
Faut-il y voir la tradition du glacis soviétique qui maintenait autour de l’URSS une série d’Etats satellites pour se protéger face à l’Occident?
La situation actuelle est différente car la Russie n’a pas les moyens de reconquérir des territoires. Le Kremlin veut empêcher ses anciennes possessions de passer de l’autre côté. Si cela se produisait, la Russie risquerait de se retrouver plus isolée, plus vulnérable, de moins en moins compétitive et attractive. Pour Poutine, c’est l’avenir de son régime qui se joue. Il s’agit donc de fragiliser la souveraineté politique et économique des six pays concernés, et non d’en faire de nouveau des provinces de la Russie.
Pour Moscou, l’Ukraine, qui a une population de 46 millions d’habitants, est le plus gros morceau du Partenariat oriental. Si ce pays devient un Etat de droit, la Russie risque d’être de plus en plus exposée comme Etat non démocratique. Au moment de la Révolution orange en 2004, le président russe a eu très peur. D’autant que les provinces occidentales de l’Ukraine, qui n’ont été rattachées qu’à l’époque de Staline, ont une grande proximité avec l’Europe centrale, et surtout la Pologne.
Assiste-t-on en Ukraine à une partie d’échec diplomatique, un épisode de la concurrence entre la Russie d’un côté, l’Occident et l’Union européenne de l’autre ?
Ce n’est pas une bataille diplomatique, mais économique et stratégique. De son côté, l’UE veut que ses voisins se portent mieux. Elle veut des bons partenaires souverains, capables de gérer leur propre sécurité et leur développement économique. Ses motivations sont donc très différentes de celles de Moscou.
Actuellement, la société ukrainienne se trouve prise entre d’un côté les slogans pro-UE et de l’autre la rhétorique et les pressions poutiniennes. Ces pressions sont maximales. Le Kremlin a imposé depuis l’été 2013 un embargo qui a entraîné une chute très importante des exportations ukrainiennes vers la Russie. Il a réduit ses exportations de gaz. C’est donc une politique brutale qui a pour objectif d’étrangler Kiev.
Poutine profite aussi de la faiblesse du président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, au pouvoir depuis quatre ans, et qui est englué dans le clientélisme et la corruption.
C’est le drame de la situation actuelle. Poutine et Ianoukovitch entretiennent des systèmes opaques pour empêcher la population ukrainienne de progresser et de choisir. La responsabilité est donc partagée entre les deux dirigeants. Mais les Ukrainiens sont de plus en plus critiques. Pour eux, la seule solution est de se référer à l’Union européenne comme système démocratique et d’Etat de droit. D’une certaine manière, c’est Poutine qui les oblige à adopter cette attitude, qui les pousse dans la rue. Le succès des manifestations contre Ianoukovitch dimanche 15 décembre (2013, NDLR) montre bien que la politique russe est contre-productive.
C’est en braquant les projecteurs sur l’Ukraine qu’on empêche une répression violente. Il faut donc parler de ce qui s’y passe le plus possible. C’est notre meilleur soutien au combat démocratique aux frontières orientales de l’UE.
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