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La Crimée était russe avant d'être ukrainienne

Le 16 mars 2014, un referendum approuvait le rattachement de la péninsule de Crimée à la Russie par près de 97% des voix. Mais à propos, pourquoi la Crimée fut-elle réunie en 1954… à l’Ukraine ? Apparemment, c’est la faute au camarade soviétique Krouchtchev…
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Simferopol, en Crimée, le 16 mars 2015. Sergei Aksyonov, dirigeant de la République de Crimée.
 (Reuters - David Mdzinarishvili)
(Papier initialement publié le 16 mars 2014)

«Dans le passé, la Crimée a été unie à l’Ukraine en vertu des lois soviétiques, plus précisément en vertu des lois du Parti communiste, qui ne prenaient pas en compte l’opinion du peuple. Aujourd’hui, le peuple a décidé de corriger cette erreur», a déclaré l’ancien dirigeant à l’agence russe Interfax. Le résultat du référendum «reflète les aspirations des habitants», insiste-t-il.
«Il vaudrait mieux s’en réjouir plutôt que d’annoncer des sanctions», poursuit Mikhaïl Gorbatchev (qui, pour la petite histoire, se trouvait à Foros en Crimée lors du putsch de 1991, lequel devait précipiter la chute de l’URSS). «Le choix fait par le peuple de Crimée et la possible incorporation (de la péninsule) à la Russie pour qu’elle en devienne une région à part entière n’est pas une raison suffisante» pour justifier les sanctions occidentales, estime-t-il. A ses yeux, «pour décréter des sanctions, il faut des raisons très sérieuses. (Et de telles mesures) doivent être soutenues par l’ONU».

Krouchtchev, Eltsine et les autres
Le rattachement de la Crimée à l’Ukraine avait été décidé à l’époque soviétique, en 1954, par le dirigeant Nikita Khrouchtchev. Par ce geste, ce dernier entendait célébrer le 300e anniversaire de l’union entre l’Ukraine et la Russie tsariste, à une époque où personne n’envisageait l’indépendance ukrainienne. Selon l’un de ses biographes, cité par Slate, le premier secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique entendait ainsi remplacer les Tatars déportés par des paysans ukrainiens, raconte Le Point. Il s’agissait de leur offrir de nouvelles terres «tout en repeuplant une Crimée saignée à blanc par la déportation», précise l’hebdomadaire.

Le président russe, Boris Eltsine, et le président soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, à Moscou le 1er septembre 1991. (AFP - Ria Novosti - Abramochkin Yuryi)

En 1991 survient la chute de l’URSS. Boris Eltsine, successeur de Gorbatchev, reconnaît l’indépendance de l’Ukraine, avec la Crimée dans ses frontières. Lors des négociations aboutissant à cette indépendance, la délégation ukrainienne était «certaine que Eltsine insisterait pour que la Crimée redevienne russe et avait été très surprise qu’il n’ait jamais formulé une telle exigence», selon un témoin cité par The Moscow Times (journal en anglais destiné à la communauté étrangère à Moscou). Une attitude qui déplut fortement aux Russes de la région.

«Tout le monde à l'époque s'étonne de cette décision, et la Crimée connaît de très forts mouvements sécessionnistes», explique l’historien Arnaud Dubien cité par Slate. «Mais l'inquiétude était grande de voir, dans le cas contraire, éclater une guerre à l'image de celle que connaissait alors la Yougoslavie.»

Depuis l’indépendance de l’Ukraine, la Crimée jouissait d’un statut spécial. «Son parlement régional (n'avait) pas le pouvoir d'initier des lois, mais la péninsule (était) autonome sur le plan budgétaire. Surtout, elle (disposait) de sa propre Constitution, entrée en vigueur en 1999 après de nombreux allers-retours entre Kiev et Simferopol entre 1992 et 1998», rapporte Le Monde

Les relations ne furent jamais très chaleureuses entre Kiev et sa province peuplée à 60% de Russes. Mécontentes que le Parlement de Crimée ait proclamé l’autonomie et promulgué une constitution, les autorités avaient rogné «ses prérogatives, souvent sous la menace de l’emploi de la force, jusqu‘à abolir son statut particulier en 1995», raconte Atlantico.

En 1997, un accord avait été signé entre l’Ukraine et la Russie, prévoyant que les installations militaires et portuaires de la Crimée seraient louées à Moscou. Accord renouvelé en 2010 pour 25 ans.

La Crimée, une histoire liée à la Russie
Euronews, 15-3-2014

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