Cet article date de plus de sept ans.

Témoignage franceinfo Pédophilie dans le foot anglais : "Il fallait que je parle, pour moi et pour les autres", confie Andy Woodward

Article rédigé par franceinfo - Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'ancien footballeur Andy Woodward, lors d'une conférence de presse à Manchester (Royaume-Uni), le 5 décembre 2016. (AFP)

C'est de lui que tout est parti. L'ex-footballeur Andy Woodward est le premier à avoir raconté les abus sexuels dont il a été victime dans les années 80. Il a accepté de répondre aux questions de franceinfo. 

Au bout du fil, Andy Woodward pèse chacun de ses mots, "pour ne pas en rajouter" et "parce que les faits sont suffisamment graves comme ça." Comme il l'a fait il y a un mois, dans le Guardian (en anglais), l'ancien footballeur passé par Bury et Sheffield United a accepté de se livrer à franceinfo. De raconter ce "cauchemar" qu'il a gardé pour lui pendant des années. Celui d'abus sexuels commis par son entraîneur de l'époque, Barry Bennell, dont le maintien en détention provisoire a été décidé mercredi 14 décembre.

Franceinfo : Pourquoi avoir témoigné, dans les colonnes du Guardian, le 16 novembre dernier ?

Andy Woodward : Parce que je suis tombé en dépression l'an passé. Et parce que je sais depuis des années que je ne suis pas le seul à avoir vécu ça. J'en ai parlé autour de moi, les gens m'ont poussé à y aller. J'ai pris mon courage à deux mains, et j'ai tout raconté. Je sentais au fond qu'il fallait que je parle, pour moi et pour les autres. 

C'était dans les années 1980, vous aviez 11 ans...

Voilà, j'étais un gamin parmi d'autres. Je jouais pour le club de ma ville quand j'ai été approché par Barry Bennell. C'était un coach important. Il a parlé à mes parents pour savoir s'ils accepteraient que je rejoigne son groupe professionnel à Manchester. Ils ont dit OK. Au début, ça se passait bien, je jouais, ça me plaisait. Il a dû remarquer que j'étais quelqu'un de docile et de vulnérable. Ce n'est qu'après que j'ai compris que c'était sa stratégie pour approcher ses victimes. Il a recontacté mes parents pour savoir si je pouvais rester chez lui le week-end. Il leur disait que ce serait bénéfique pour ma carrière. Ils ont accepté parce qu'ils voulaient plus que tout que je devienne footballeur. C'est à partir de là que tout a commencé.

Cela se passait où ?

Dans sa maison. Je revois le billard, la grande télé. C'était comme dans un magasin de jouets pour garçons. Et puis, ça se passait. J'ai été choisi, mais je n'étais pas le seul, il y en avait d'autres, c'est sûr. De mémoire, ça a duré quatre ans. Peut-être un peu plus. C'était systématique. Je me demande encore comment j'ai pu vivre avec ça aussi longtemps. C'est comme si j'avais mis "la chose" dans une boîte, et que je l'avais fermée à clé.

Comment vous sentez-vous depuis vos révélations ?

Soulagé, très soulagé. Mais cela a été dur, je n'ai pas dormi la veille, j'avais peur de ne pas être cru, qu'on me prenne pour un menteur. Aujourd'hui, je ne regrette rien. Enfin si, une chose : le fait de ne pas avoir parlé plus tôt. J'ai reçu beaucoup de messages de soutien depuis. De footballeurs, mais aussi d'anonymes qui m'ont félicité pour mon courage. Parce que j'ai ouvert la voie. D'autres victimes m'ont aussitôt contacté. J'ai arrêté de compter, tellement il y en a. Les enquêteurs disent avoir reçu près de 700 plaintes, ils auraient identifié 83 suspects.

Qu'attendez-vous de la justice ?

Juste de comprendre. Comprendre comment on a pu me faire ça, à moi et à tous les autres. On était des gamins qui jouaient au football. Je sais que ce sera long, que l'enquête va prendre du temps, mais je suis prêt à affronter tout ça. 

Au fait, suivez-vous encore le foot ?

Disons que le fait d'être sorti de mon silence m'a réconcilié avec ce sport, mais je n'y joue plus. C'est trop dur, et puis je n'ai plus le temps. Le "Andy Woodward" footballeur est dépassé, j'ai 43 ans. Aujourd'hui, j'ai surtout envie de m'investir dans la protection des enfants. On en a vraiment besoin. Il ne faudrait plus que ça recommence.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.