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L'article à lire pour comprendre le scandale de pédophilie qui éclabousse le foot anglais

Depuis un mois, en Grande-Bretagne, pas un jour sans un nouveau témoignage de joueur de football accusant un ancien entraîneur d’agressions sexuelles. Près de 700 plaintes ont déjà été déposées.

Article rédigé par franceinfo - Raphaël Godet
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
A droite, l'ancien footballeur Andy Woodward console son collègue et autre victime Steve Walters, le 5 décembre 2016, à Manchester (Angleterre). (PHIL NOBLE / REUTERS)

Barry Bennell restera en détention, en attendant son procès en janvier pour agressions sexuelles sur mineur. C'est ce qu'a décidé, mercredi 14 décembre, le tribunal de Crewe, dans le centre-ouest de l'Angleterre. L'ancien entraîneur est accusé d'agressions sexuelles sur mineur, dans les années 80. L'homme de 62 ans est l'un des suspects-clés dans le gigantesque scandale de pédophilie qui secoue le football britannique depuis un mois. Si vous n'avez pas tout compris à cette affaire tentaculaire, cet article est fait pour vous.

Elle part d'où, cette affaire ?

Tout commence avec un témoignage, celui d'Andy Woodward, un ancien joueur professionnel passé notamment par les clubs de Bury et de Sheffield United. C’est cet homme de 43 ans qui a été le premier à parler. C’était le 16 novembre dernier, dans les colonnes du Guardian (en anglais). Ligne après ligne, il raconte les abus sexuels dont il aurait été victime de la part de son coach de l’époque, Barry Bennell. Il a 11 ans et porte le maillot des juniors de Crewe Alexandra FC, un club longtemps considéré comme une pépinière de talents, qui évolue aujourd'hui en quatrième division anglaise. Son calvaire a duré quatre ans. "Ma vie a été ruinée jusqu'à ce que j'atteigne 43 ans. Combien d'autres sont dans ce cas ?" Le témoignage d'Andy Woodward va en fait réveiller les consciences. Chaque jour, depuis le 16 novembre, de nouveaux noms viennent grossir la liste de ces enfances brisées. 

Les victimes ont-elles toutes un lien avec le football ?

Oui, toutes. La plupart sont des anonymes, des gamins promis à une grande carrière de footballeur. Mais il y a aussi des noms connus, comme Paul Stewart, 52 ans, ancien attaquant de Tottenham, Liverpool et Manchester City, qui accuse l’un de ses entraîneurs d'avoir abusé de lui sexuellement plusieurs fois, lorsqu’il était adolescent. "Les cicatrices mentales que cela a laissé m'ont mené à l'alcool et à la drogue, a confié l’ancien joueur au Daily Mirror (en anglais). Je veux que les gens se rendent compte à quel point c'est difficile de raconter tout ça." Dans la longue liste, il y a aussi Chris Unsworth, qui a porté les maillots de Crewe et de Manchester City. Lui a choisi la BBC (en anglais) pour faire éclater la vérité. Jusqu’à il y a quelques jours, personne ne savait qu’il avait "été violé entre 50 et 100 fois".

A ce jour, combien de plaintes ont été déposées ?

C'est un dossier qui prend chaque jour un peu plus d’épaisseur. Lors de sa dernière conférence de presse, vendredi 9 décembre, Scotland Yard a annoncé que 639 plaintes avaient déjà été recueillies, et qu'au moins 350 footballeurs avaient été identifiés comme victimes. Ils avaient tous entre 7 et 20 ans au moment des faits, qui se sont déroulés dans les années 70 et 80. "Ces chiffres révèlent l'étendue profondément troublante des agressions commises dans le milieu du football", a commenté un porte-parole de la Société nationale pour la prévention de la cruauté contre les enfants (NSPCC).

Les suspects sont-ils tous des entraîneurs ?

Oui, si l'on en croit les dernières déclarations des enquêteurs. Il s'agit d'anciens entraîneurs ou éducateurs qui travaillaient dans des centres de formations de clubs, qui étaient donc en contact direct avec les enfants et adolescents. 

Grâce aux plaintes déposées, Scotland Yard a déjà pu identifier 83 suspects potentiels. Jason Dunford, ancien joueur des équipes de jeunes de Manchester City, a déclaré à la BBC (en anglais) qu’il avait le sentiment qu’il existait un "cercle pédophile" au sein des formations de football du nord-ouest de l’Angleterre dans les années 1980. 

Qui est ce "Barry Bennel" dont tout le monde parle ?

C'est le nom qui ressort le plus souvent depuis que l'affaire a éclaté mi-novembre. C'est lui qui a été directement mis en cause par Andy Woodward dans les colonnes du Guardian. Dans la foulée, trois autres anciens joueurs de Crewe Alexandra ont révélé avoir été agressés sexuellement par cet ancien éducateur, qui a aussi travaillé pour Manchester City et Stoke City. Barry Bennell, 62 ans, est bien connu de la justice puisqu'il a été condamné à de la prison trois fois par le passé, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, pour des agressions sexuelles sur mineur.

Il avait de nouveau rendez-vous au tribunal, mercredi 14 décembre. Il comparaissait devant la cour de Crewe, pour agression sexuelle contre un mineur de 14 ans, là aussi au début des années 1980. Ces accusations, qui lui valaient une mise en examen, avaient été transmises fin septembre au parquet, c'est-à-dire avant l'éclatement du scandale. A l'issue de l'audience, les magistrats ont décidé de maintenir Barry Bennell en détention provisoire, en attendant son procès en janvier.

Cela ne concerne que des clubs amateurs ? 

Pas du tout. Lors de sa conférence de presse, vendredi 9 décembre, la police anglaise a affirmé que l'affaire concernait 98 clubs, de la Premier League au monde amateur. La liste est loin d'être complète, mais en plus de Crewe Alexandra, des abus sexuels auraient eu lieu à Leeds United, Blackpool, Manchester City, Queens Park Rangers, Stoke City ou encore Newcastle United. 

Des clubs ont décidé de prendre les devants en menant des enquêtes internes. Il y en a deux pour le moment : les Queens Park Rangers et Chelsea.

L'enquête va prendre combien de temps ? 

D'abord, ce n'est pas une, mais plusieurs enquêtes qui sont en cours dans les régions de Londres, Manchester, Cambridge, Birmingham, Liverpool, Norwich, Newcastle, mais aussi en Ecosse et au Pays de Galles. Les autorités préfèrent prévenir que le processus s'annonce long et compliqué. D'abord parce que certains suspects potentiels ne sont peut-être plus en vie. Ensuite, parce que des victimes ne se sont peut-être pas encore manifestées.

En tout cas, face à l’ampleur des révélations, une plateforme d'écoute a été lancée le 5 décembre. "Offside Trust", c'est son nom, a pour objectif de "donner une voix aux victimes". Elle est gérée par l'association de protection de l'enfance "NSPCC". Sur son site internet, elle indique avoir reçu "50 appels dans les deux premières heures" et "860 la première semaine". Son ambassadeur, qui n'est autre que l'attaquant de Manchester United Wayne Rooney, a encouragé, sur Twitter, les victimes à parler : "Mes collègues ont été courageux. Si vous avez été victime d'abus sexuels dans le football, appelez NSPCC au 0800 023 2642."

Et la Fédération anglaise de football, que dit-elle ?

Elle est embarrassée, parce que certains lui reprochent d'avoir caché les faits. Elle a néanmoins rapidement ordonné une enquête interne. Son président, Greg Clarke, a évoqué sur Sky News la "pire crise qu’il ait jamais traversée dans ce sport". La FA a aussi diffusé très rapidement une vidéo de sensibilisation sur internet. On y voit les capitaines des équipes nationales de football incitant les victimes d'abus à se faire connaître "maintenant". 

Quelques heures après les révélations, la FIFA s'est elle aussi saisie de ce dossier hors norme. "Tolérance zéro" à l'égard des abus sexuels, a déclaré son président Gianni Infantino. "Il y a peu de choses dans la vie, pas seulement dans le football, qui sont pires que les abus sur enfants", a-t-il déclaré lors d'un déplacement à Singapour début décembre.

J'ai eu la flemme de tout lire... Vous pouvez me faire un résumé ?

C'est un scandale de pédophilie hors norme qui a éclaté le 16 novembre en Grande-Bretagne. Tout est parti des révélations d'un ancien joueur de football, Andy Woodward, qui a expliqué dans le journal The Guardian avoir été victime d'abus sexuels par l'un de ses entraîneurs lorsqu'il était enfant. A ce jour, près de 700 plaintes ont été déposées. Les victimes ont toutes un lien avec le football. Il s'agit d'anonymes pour la plupart, mais on trouve aussi sur la liste plusieurs noms connus, comme Andy Woodward (Sheffield United), Chris Unsworth et Jason Dunford (Manchester City) ou encore Paul Stewart (Tottenham, Liverpool et Manchester City). 

Scotland Yard a déjà identifié 83 suspects potentiels, des entraîneurs ou des éducateurs qui travaillaient au contact des enfants. Pas moins de 98 clubs sont impliqués dans cette affaire, du monde amateur au monde professionnel. L'enquête ne fait que commencer.  

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