"Ils ne sont pas en condition de faire leur deuil" : six mois après l'incendie de la tour Grenfell à Londres, peu de sinistrés relogés
Six mois après l'incendie d'un immeuble londonien qui avait fait 71 morts, près de 150 familles n'ont toujours pas été relogées, malgré les promesses du gouvernement. Pour les sinistrés, les conditions de vie sont difficiles.
Le 14 juin 2017, un incendie faisait 71 morts à Londres, dans un immeuble d'habitation, la tour Grenfell. Six mois après le drame, seuls les occupants d'une cinquantaine d'appartements ont été relogés. Près de 150 familles de cette tour de logements sociaux vivent toujours dans des habitations temporaires ou des hôtels, sans savoir quand elles pourront retrouver un rythme de vie normal.
Le gouvernement britannique avait pourtant promis que toutes les familles seraient relogées de manière permanente avant Noël. Cette échéance a désormais été repoussée au printemps 2018.
Perte de confiance dans les autorités
La catastrophe de Grenfell a mis en lumière l’ampleur de la crise du logement au Royaume-Uni : privatisation de la gestion des logements sociaux, coupes budgétaires effroyables... Certains estiment que l'incendie est même la conséquence directe de la politique d'austérité menée par Margaret Thatcher dans les années 1980. C'est notamment le cas de Robert Atkinson, membre du conseil municipal de l'arrondissement de Kensington et Chelsea.
Il estime également que les survivants n'ont plus aucune confiance envers les autorités locales : "Ils ont peur. Ils ne font plus confiance au conseil municipal et au gouvernement. Ils pensent que s’ils acceptent un logement temporaire, ils seront obligés d’y rester et qu'on les abandonnera là-bas." Il estime que ce manque de confiance n'est pas nouveau. "C’est la preuve que le gouvernement leur a fait défaut sur toute la ligne, qu’il n’y a plus du tout de confiance entre les victimes et le gouvernement."
Pertes d'emploi et tentatives de suicide
Au-delà des conséquences matérielles, le manque de relogement des familles sinistrées a des conséquences plus insidieuses. En effet, selon Moyra Samuels, l’une des codirigeantes du groupe de soutien aux victimes Justice4Grenfell, les survivants qui n’ont toujours pas été relogés sont aujourd’hui dans une grande détresse psychologique.
Lorsque l’on parle aux survivants, on se rend compte que le traumatisme continue
Moyra Samuels, codirigeante du groupe Justice4Grenfellà franceinfo
Elle estime que leurs conditions de vie ont un impact sur leur parcours. "Ils sont entassés dans des chambres d’hôtel, ils doivent partager des lits parce que, pour une famille de cinq personnes, le gouvernement ne procure que deux chambres. C’est loin d’être assez pour se loger convenablement. Ils ne sont pas en condition de faire leur deuil et de reconstruire leur vie. Il y a eu des tentatives de suicide. Beaucoup d’entre eux ont perdu leur emploi."
Les riverains inquiets pour leur propre sécurité
Les familles sinistrées ne sont pas les seules à souffrir de stress après le drame : la peur envahit également les riverains. "Si j’avais assez d’argent, je n’habiterais plus ici. Je penserais à la sécurité de mes enfants avant tout et je partirais", témoigne Husnara Begum, qui habite une tour similaire à celle de la Grenfell, dans un quartier voisin.
Elle s’inquiète pour sa sécurité et celle de sa famille et demande à être relogée. "Je n’ai plus aucune confiance envers le conseil municipal. D’abord, ils nous ont dit de ne pas nous inquiéter. Après, on a appris qu’il y avait un revêtement possiblement inflammable, mais pas dangereux sur notre immeuble et quelques semaines plus tard, ils retiraient le revêtement en urgence." Cette mère de famille estime qu'il est "impossible de savoir la vérité". Elle n'accorde plus de crédit aux promesses du conseil municipal : "On ne se sentira jamais en sécurité ici."
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