Gibraltar, station-service pour bateaux et danger écologique
Deux navires côte à côte, amarrés au beau milieu d’une baie. De gros tuyaux relient les bateaux. L’un avitaille (ravitaille en terme de marine) l’autre en carburant de propulsion. C’est ce qu’on appelle le bunkering.
En 2011, dans la rade de Gibraltar, plus de 4 millions de tonnes de carburant ont ainsi rempli les soutes de navires en transit. C’est cinq fois plus qu’il y a 20 ans.
Gibraltar, grâce à sa position stratégique à l’entrée de la Méditerranée et sur les routes du sud, voit sa position se renforcer sur le bunkering, devenu la principale activité du port.
Mais la géographie n’est pas tout. Le régime fiscal très avantageux de Gibraltar permet en plus de vendre la carburant à bas coût. En gros, le Rocher est une immense station-service low cost pour navires.
En 2011, sur 10.000 bateaux passés par le détroit de Gibraltar, 6000 ont été avitaillés, ce qui fait de l’enclave britannique le quatrième site mondial pour le bunkering.
Celui-ci s’effectue grâce à des barges qui abordent les bateaux, à l’ancre au milieu de la baie de Gibraltar. Aussi, cette baie ressemble souvent à un parking à bateaux, tant les navires sont nombreux.
Le bunkering, cible de la colère espagnole
Cette activité est désormais dans le collimateur de l'Espagne. Miguel Arias Canete, le ministre espagnol de l’Agriculture et de l’Environnement, a annoncé en août 2013 que son pays prendrait des mesures contre les compagnies offrant des services d’avitaillement en mer.
Plus tôt cette année, l’Espagne avait adopté une loi interdisant le bunkering «à l’ancre» comme il est pratiqué à Gibraltar.
Une technique réputée polluante qui ne peut pas être pratiquée partout, selon Miguel Arias Canete. «Le bunkering est une activité légale dans certains cas et interdite dans d’autres»dit-il. Le ministre voulait sûrement justifier le maintien de l’activité du côté espagnol, dans le port d’Algésiras.
Il s'agit d'une attaque de front contre ce qui constitue une ressource importante du Rocher. Un élément de plus dans la guerre que livre le pouvoir espagnol à l'enclave britannique.
La réponse de Gibraltar
La réponse du gouvernement de Gibraltar ne s’est pas faite attendre, rappelant que l’activité de bunkering se déroulait dans les eaux britanniques où la loi espagnole n’avait pas sa place.
«Par conséquent le gouvernement espagnol sait qu’il n’a aucun pouvoir pour réglementer le bunkering à l’intérieur des limites des eaux britanniques de Gibraltar» déclarait un communiqué du 6 Convent Place, la résidence du gouvernement de l'enclave britannique.
Et la pollution ?
Selon les Espagnols, la pollution dans la baie n’est que le fruit de l’activité du Rocher, oubliant au passage l'important complexe d'Algésiras. De fait, la pollution diffuse est inévitable, quand des bateaux au mouillage transbordent du carburant par des tuyaux.
D'autant que tout se ferait sans grande vérifications des autorités de Gibraltar, selon le procureur général d’Algésiras cité par le journal espagnol El Pais.«Gibraltar n'impose pas de sanctions aux bateaux qui ne respectent pas les normes européennes pour la même raison qu'il n'impose pas de sanction au blanchiment d'argent : parce que c'est son fonds de commerce.».
Pourtant, le site internet du port de Gibraltar met en avant un code de bonnes pratiques que les navires doivent respecter.
L'enrochement en cours de réalisation, qui provoque la colère des pêcheurs espagnols, est présenté par Gibraltar comme une future réserve pour les poissons. En fait, il servira aussi de nouvelle digue abri pour les navires.
Les écologistes s'inquiettent de cette dérive vers toujours plus d'activité de bunkering. Les menaces de pollution sont grandes, et Gibraltar n'est pas à l'abri d'une catastrophe majeure comme un naufrage. Le mot de la fin revient à une association écologiste espagnole Green Guide Spain qui parle du «business risqué du Rocher».
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.