Avec le Brexit, l'Irlande du Nord a peur d'être enfermée dans ses frontières
Depuis avril 1998, l’Irlande du Nord connaît un calme relatif. Il y a dix-huit ans, les accords du Vendredi Saint mettaient un terme à une guerre civile débutée en 1969, au cours de laquelle plus de 3500 personnes ont trouvé la mort. Grâce à ces accords, les Irlandais du Nord, sujets du Royaume-Uni, peuvent se rendre aisément en République d’Irlande, et inversement. La démarcation est invisible, les contrôles inexistants. Preuve de ses échanges faciles, les commerces frontaliers du nord acceptent l’euro, devise du sud de l’île depuis 2002. C’est la seule frontière terrestre que partage le Royaume-Uni avec un autre pays.
Des contrôles aux frontières
Cette frontière est l’un des problèmes épineux causés par la victoire du Brexit. Ce n'est que le 15 juin 2016, huit jours avant le référendum que le sort de cette démarcation est apparu dans la campagne. En l'occurence, par une question au gouvernement posée par le député nord-irlandais Alasdair McDonnell.
Premier ministre à l’époque, David Cameron a souhaité clarifier la situation : «En cas de sortie de l’Union européenne, (…) soit nous devrons imposer un contrôle aux frontières entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, soit – et je le regretterais énormément – nous devrons contrôler les habitants de Belfast et des autres villes du Nord à chaque fois qu’ils voudront rejoindre le reste du Royaume-uni»
Aujourd’hui, le Brexit est acté. Consultée le 23 juin 2016 comme les autres «nations constitutives» du Royaume-Uni (Écosse, Pays-de-Galles), l’Irlande du Nord a voté à près de 56% pour rester dans l’Union européenne. Comme en Écosse (60% pour le maintien), beaucoup d’électeurs ont l’impression que la décision a été prise à leur place.
Un retour en arrière, avec douanes et vérifications de passeport, accentuerait l’isolement de la province, séparée du reste du royaume par la mer d’Irlande. «C’est un risque pour l’emploi de nos enfants, pour l’unité du Royaume-Uni», avait pourtant averti Cameron.
Unité britannique contre unité irlandaise
L'unité du royaume importe aussi à sa successeure, Theresa May. Elle a terminé sa tournée des «nations constitutives» en se rendant à Belfast le 25 juillet 2016, toujours en vue de rassurer les sujets non-anglais du royaume. Elle y a rencontré son homologue nord-irlandaise, Arlene Foster, qu'elle entend associer aux préparatifs du Brexit.
«Personne ne souhaite revenir aux frontières du passé, a certifié Theresa May. Nous avions déjà une libre circulation entre le Royaume-Uni et l'Irlande, et ce, de nombreuses années avant que les deux pays n'intègrent l'Union européenne». Pendant la campagne du référendum, certains partisans du «remain» avaient fait part de leur inquiétude pour la stabilité de la région, soutenue par quatre plans d'aide successifs de l'Union européenne depuis 1995. Malgré les accords du Vendredi Saint, l'établissement de frontières pourraient radicaliser l'action de groupes républicains (catholiques), favorables à une réunion des deux États irlandais. Ils ont organisé plusieurs attentats ponctuels depuis 1998.
Au sud de la frontière, l'union est encouragée par le Sinn Féin. Opposé au Brexit, ce parti républicain irlandais a appelé à un référendum pour l'unification de l'île, avant de finalement envisager d'autres coopérations avec le Nord. Le parti organise néanmoins plusieurs meetings sur cette cause, comme celui de Letterkenny ce 25 juillet, près de la frontière. À l'inverse du Brexit, seulement une minorité de Nord-irlandais, la plupart catholiques, seraient favorables à une sortie du Royaume-Uni. Tout juste nommé secrétaire d'État pour l'Irlande du Nord par Theresa May, James Brokenshire fait de la zone de libre circulation en Irlande sa priorité.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.