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Récit "Ils ont poignardé une fille au moins dix fois" : en quelques minutes, trois hommes sèment la mort dans le centre de Londres

Les assaillants ont d'abord foncé sur la foule dans une camionnette, avant de poignarder au hasard des passants et des clients de restaurants, entre le London Bridge et Borough Market, samedi soir. Sept personnes sont mortes et 48 autres ont été blessées.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des policiers escortent un passant, alors qu'ils sécurisent la scène de l'attaque terroriste qui a frappé Londres (Royaume-Uni), le 3 juin 2017. (DANIEL SORABJI / AFP)

Ce samedi 3 juin, alors que la nuit tombe, Mark prend des photos sur le London Bridge, le célèbre pont qui enjambe la Tamise et relie le cœur financier de la City, au nord, au quartier animé de Borough Market, au sud. Soudain, une camionnette déboule et "percute un groupe de piétons à 20 ou 25 mètres de moi, raconte-t-il au Guardian. A ce moment-là, je me demande juste dans quelle direction il faut que je coure."

Le véhicule, lancé à 80 km/h, "roule en zigzag en tentant de faucher un maximum de personnes", raconte Alessandro à la BBC. Il est 22h07 quand le service d'ambulances de Londres reçoit un premier appel pour un "incident" sur le London Bridge. Des témoins se précipitent pour aider les victimes, dont une femme "projetée en l'air par la force de l'impact", relate l'AFP. La panique s'empare du quartier et la police est prévenue à 22h08.

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Will Heaven, journaliste pour le Spectator, emprunte le même pont, assis à côté de son épouse à l'arrière d'un Uber, quelques minutes plus tard. Sous leurs yeux, une scène de désolation : "Sur le trottoir de gauche, une personne est prostrée et entourée de plusieurs autres, visiblement inquiètes." A quelques mètres, "une autre personne est couchée, sur la route, pas sur le trottoir, et semble grièvement blessée", puis encore une autre, signalée par le chauffeur qui les conduit vers le sud de la capitale.

"Une pluie de débris tombe sur les parasols"

La finale de la Ligue des champions, qui oppose le Real Madrid à la Juventus Turin, vient de s'achever par la victoire des Madrilènes. La température est douce et le ciel clément. Beaucoup de spectateurs, rassemblés dans les bars pour suivre le match, sont encore attablés ou se promènent dans les rues de Londres.

Après plusieurs embardées, la camionnette s'encastre dans la clôture entourant la cathédrale de Southwark, au début de Borough High Street, à la sortie du pont. En contrebas de ce grand axe de circulation, "une pluie de débris tombe sur les parasols" de la terrasse du Boro Bistro, où Bethany Atkin, une employée du Guardian, passe la soirée. Elle ne voit pas la scène qui se déroule au-dessus d'elle, en face du Barrowboy & Banker Pub, mais aperçoit un homme "qui saigne", sans savoir "comment il a été blessé".

Robbie, dont le taxi passait devant l'établissement, a vu les occupants de la camionnette bondir hors du véhicule. Il raconte à la BBC Radio 5 : "Au début, j'ai cru que c'était un accident de la route et qu'ils étaient sortis pour voir s'il y avait des blessés, mais j'ai vite vu qu'ils avaient l'air très agressif." Les trois hommes se précipitent vers les terrasses et poignardent au hasard fêtards, passants et commerçants. Ils portent des vestes avec ce qui ressemble à des ceintures d'explosifs, qui se révéleront factices.

Gerard Vowls, un témoin cité par The Independent, voit les agresseurs "courir et crier : 'C'est pour Allah' !" Selon lui, "ils ont poignardé une fille, peut-être dix, quinze fois". Il raconte encore avoir essayé de poursuivre les assaillants, en leur "lançant des bouteilles" pour tenter de les arrêter, alors qu'ils entraient dans des bars et des restaurants.  

J'ai même essayé de leur jeter un vélo, mais je n'ai rien pu faire.

Gerard Vowls, un témoin

The Independent

Chris, chauffeur de taxi, raconte à la radio LBC comment il a tenté d'intervenir en voyant le carnage perpétré par l'un des assaillants avec son couteau. "J'ai dit à mon client : 'je vais essayer de le renverser'. J'ai fait demi-tour, j'allais le percuter, mais il a réussi à faire un pas de côté pour m'éviter", raconte celui que les médias britanniques surnomment "Hero taxi". Alors que des policiers "pourchassent les assaillants avec leurs matraques", le taxi "crie aux passants de s'éloigner".

"Je me suis caché dans une grande poubelle"

La peur envahit les établissements du quartier. Au Katzenjammers, un bar à bières allemand, un client filme la panique au moment où la police ordonne à tout le monde de se mettre à l'abri.

"Nous étions en train de dîner quand il y a eu une grande agitation dehors, raconte Brendan à la BBC. J'ai attrapé ma petite amie et nous nous sommes cachés derrière le bar du resto." Ils parviennent ensuite à se retrancher dans le sous-sol du restaurant, "dont la porte ferme à clé". Personne ne sait ce qui se passe dehors. Quand Brendan remonte pour essayer de comprendre, "un homme court vers [lui], avec un énorme couteau". "Il m'a fixé du regard en réalisant qu'il ne pourrait pas entrer" dans l'établissement.

Un serveur s'est lui aussi caché "au sous-sol avec des clients" de son restaurant, avant de sortir par l'arrière de l'établissement. "J'ai sauté par dessus un mur et je me suis caché dans une grande poubelle, pendant environ 50 minutes", raconte-t-il.

Attaque à Londres : "Je me suis caché dans une grosse poubelle"
Attaque à Londres : "Je me suis caché dans une grosse poubelle" Attaque à Londres : "Je me suis caché dans une grosse poubelle"

Liam et Claudia habitent au dessus de la Southwark Tavern, au coin de Stoney Street et Southwark Street, à Borough Market. Ils regardent un film, fenêtres grandes ouvertes, quand ils entendent "des bris de verre, des tables et des chaises renversées, des cris, beaucoup de cris", raconte Liam à la BBC. Claudia entend "un homme qui dit au téléphone : 'il y a eu des attaques au couteau, il y a eu des attaques au couteau'". Ils comprennent que "ce n'est pas juste une bagarre" en voyant "l'immense panique" des gens qui tentent de s'engouffrer dans la bouche de métro Borough. 

Quand une ambulance arrive, deux hommes tambourinent à leurs fenêtres. L'un supplie : "Il faut aider mon ami, il a été poignardé !" L'autre est "couvert de sang", selon Liam, et crie : "J'ai été poignardé aussi !" Dans la rue, un homme voit une voiture de police approcher et "lui indique la direction prise par les assaillants", raconte Liam. Ils ont bifurqué dans Stoney Street, une petite rue animée de Borough Market.

Attaque à Londres : "Un policier a tenté de s'interposer entre les assaillants et la foule"
Attaque à Londres : "Un policier a tenté de s'interposer entre les assaillants et la foule" Attaque à Londres : "Un policier a tenté de s'interposer entre les assaillants et la foule"

"Cela semblait irréel, alors je n'ai pas été trop effrayé, je ne sais pas pourquoi", se souvient Gabriele Sciotto, un jeune photographe. "Un policier a essayé de s'interposer entre les assaillants et la foule, poursuit-il. Ces assaillants ne savaient pas vraiment ce qu'ils faisaient, ils couraient dans tous les sens en pourchassant les gens."

D'autres policiers armés arrivent. Il est 22h16 quand ils abattent les trois meurtriers, devant le Wheatsheaf Pub, sur Stoney Street. Il s'est passé moins de dix minutes entre le premier appel reçu par les secours et la mort des assaillants. Mais ils ont eu le temps de tuer sept personnes et d'en blesser 48 autres.

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