Syrie : combien coûterait une intervention militaire ?
Défendue par François Hollande et Barack Obama, une éventuelle opération militaire aérienne ne serait pas sans impact sur les finances publiques de la France et des Etats-Unis.
Y aura-t-il une intervention militaire en Syrie ? Samedi, les Européens se sont accordés sur la nécessité d'une réponse internationale "forte" à l'attaque chimique du 21 août dernier. Alors que le président français a annoncé que la France attendrait le rapport des inspecteurs de l'ONU sur cette attaque avant de lancer toute action militaire, les regards sont désormais tournés vers le Congrès américain, qui ouvre lundi 9 septembre des débats sur une action armée.
Si François Hollande et Barack Obama apparaissent un peu moins isolés sur la scène internationale, ils ont encore du mal à convaincre leurs propres opinions publiques.
Selon un sondage Ifop publié vendredi par Le Figaro, 64% des Français se déclarent opposés "à une intervention militaire internationale en Syrie". Si l'absence d'objectif clairement défini ou encore le risque d'enlisement inquiètent, la question du coût de la guerre n'est pas négligeable pour les Français. Combien pourrait coûter une intervention militaire en Syrie à l'heure où l'Etat réduit ses dépenses et où l'on demande des efforts aux ménages ? Eléments de réponses.
Un coût "pas extraordinaire" pour la marine américaine
Selon le chef de la marine américaine, le coût de possibles frappes militaires en Syrie ne devrait "pas être extraordinaire" pour les Etats-Unis. Le secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, a évoqué mercredi 4 septembre une addition de "plusieurs dizaines de millions de dollars". La plupart des navires lance-missiles dans la zone "étaient là-bas de toute façon" dans le cadre de leur déploiement habituel, explique le chef de la marine américaine, mettant à part le cas du porte-avions Nimitz et des trois destroyers et du croiseur qui constituent son escorte. Ce groupe aéronaval qui devait rentrer aux Etats-Unis à l'issue d'un déploiement dans la région du Golfe a été redirigé vers la mer Rouge.
Le coût hebdomadaire d'un destroyer en déploiement est de 7 millions de dollars (environ 5,3 millions d'euros), celui d'un groupe aérien (les quelque 80 appareils que compte un porte-avions) est de 25 millions de dollars (environ 19 millions d'euros) pour des "opérations de routine", et de 40 millions de dollars (environ 30 millions d'euros) en cas d'opérations soutenues.
Hormis l'éventuel recours à des frappes effectuées à l'aide de bombardiers furtifs B-2, le coût de frappes devrait donc essentiellement dépendre du nombre de missiles Tomahawk tirés par l'US Navy. Ces missiles ont déjà été payés, il faudrait en revanche que la marine les remplace à l'avenir s'ils étaient lancés. Pour le seul premier jour de l'intervention en Libye, 110 Tomahawks avaient été tirés. La participation américaine à l'opération avait coûté au total un milliard de dollars (environ 760 millions d'euros).
Sept mois en Libye ont coûté 300 millions d'euros à la France
Quid de la France ? A titre d'exemple, l'engagement français dans le conflit en Libye en 2011 a coûté environ 300 millions d'euros pour une durée de sept mois, selon le ministère de la Défense de l'époque. Premier poste de dépense : les munitions. Viennent ensuite les carburants, ainsi que "la maintenance pour la quinzaine d'avions, la vingtaine d'hélicoptères et la dizaine de navires employés", indiquait à l'époque Le Figaro.
"Ce qui coûte très cher, ce sont les bombes, tout ce qu'on largue. [Le surcoût] est essentiellement dans les munitions, parce qu'après il faut les remplacer", expliquait Eric Denécé du Centre français de recherche sur le renseignement à Challenges.fr. Le prix d'une bombe oscille entre 250 000 et 350 000 euros, selon le type de missiles utilisés, rapporte L'Expansion. La France ne possède pas de Tomahawks.
Une heure de vol en Rafale représente entre 10 000 et 13 000 euros, selon des experts cités par Libération, et entre 10 000 et 11 000 euros pour le Mirage. Des chiffres qui ne tiennent pas compte du coût du carburant. "Mais qu'ils volent dans le ciel français au cours d'entraînement ou lors de missions, ces vols ont de toute façon un coût", relativise un expert interrogé par le quotidien. Là aussi, qu'il soit engagé dans une opération ou non, le porte-avions Charles de Gaulle génère un coup : une heure d'intervention est chiffrée à 50 000 euros, comme le note L'Expansion.
Le prix du pétrole peut changer la donne
Dernière donnée qui pourrait alourdir la facture : le prix du pétrole. La menace d'une intervention militaire en Syrie a fait grimper les cours du baril. "Le pétrole syrien ne représente que 0,2% du total mondial", précise au Monde Aymeric de Villaret, spécialiste des marchés des hydrocarbures. Mais les investisseurs redoutent surtout "les effets déstabilisateurs d'une intervention sur la production de toute la région". Tout dépend "de la durée de l’offensive et de combien de temps nos forces seront mobilisées", écrivait Slate.fr à l'époque du conflit en libyen en 2011.
Comment financer le surcoût d'une éventuelle opération militaire ? Chaque année, la France réserve dans sa loi de finances initiale une somme dédiée aux opérations militaires extérieures (Opex) en cours ou prévues. Fin 2010, le Parlement a par exemple provisionné 630 millions d'euros pour les Opex de 2011, indépendamment du budget de la Défense. Mais en cours d'année, les différentes interventions (en particulier celle en Libye) ont engendré un surcoût total pour les finances publiques de 541 millions d'euros (voir le graphique ci-dessous). Une somme relativement marginale si on la compare avec le budget de la Défense - 37,4 milliards d'euros cette année-là.
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