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A Raqqa, détruite, la victoire a un goût amer : "De toutes les guerres contre Daesh, c’était la plus dure"

Dans la ville de Raqqa, les combattants des Forces démocratiques syriennes célèbrent la défaite du groupe Etat islamique. De la cité ne subsiste qu’un champ de ruines piégé par les mines antipersonnel.

Article rédigé par Omar Ouahmane, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une combattante des FDS place al-Naïm, à Raqqa, le 17 octobre 2017. (RODI SAID / REUTERS)

Démarrée en juin dernier, la bataille de Raqqa a pris fin mardi 17 octobre après l'annonce de la victoire par les forces de la coalition. Cette bataille meurtrière et dévastatrice a mis fin au règne de Daesh dans ce qui fut sa capitale autoproclamée en Syrie. Les combattants ont fêté cette victoire au milieu des ruines. Pendant plusieurs heures mardi, un très long convoi des Forces démocratiques syriennes, une alliance arabo-kurde, a circulé, bardé de drapeaux, alors que des tirs, au loin, rappelaient que les combats n’avaient pas tous cessé. Dans la ville, les tirs sont de joie : "Nous dansons parce que nous avons chassé Daesh de Raqqa", s’enthousiasme un homme dans la rue.

"On les a tous éliminés"

Tous disent avoir combattu un ennemi commun : "On les a tous éliminés, explique Saifeddine, un combattant; natif de Kobané. Il n’y en a pas un qui soit sorti vivant d’ici. Si on les avait laissés partir, ils seraient retournés chez eux, dans le monde arabe ou en Europe, où ils auraient commis des attentats terroristes. Ce sont des criminels qui ne savent que détruire et tuer." 

Chute de Daesh à Raqqa : "Il n’y en a pas un qui soit sorti vivant d’ici" - Reportage Omar Ouahmane

Certains lieux, comme le stade et la place Al-Naïm, symbolisent à Raqqa la barbarie de Daesh. Surnommé le "square de l’enfer", les jihadistes y faisaient déraper leurs tanks et leurs chars pour les montrer dans des vidéos de propagande. "Ils n'avaient aucune pitié, commente Naveen, 18 ans à peine. C'est ici qu'ils décapitaient les gens et accrochaient leurs têtes, sur ces grilles."

La ville n’est plus qu’un champ de ruines

Cette victoire a pourtant un goût amer pour les combattants originaire de Raqqa : leur ville n’est plus qu’un champ de ruines. Les destructions sont sans commune mesure avec celles qui ont frappées Mossoul ou Kobané. Rien n'a été épargné, les jihadistes ont défendu chaque mètre carré. Il n'y a plus de réseau électrique, les rues sont défoncées, percées de cratères, et il est très compliqué de circuler. "Je venais sur cette place quand j’étais jeune, se souvient Clara, une des commandantes des Forces démocratiques syriennes. Il y avait un manège là… J’ai vécu de très bons moments. C’est toute mon enfance. Pendant cette guerre, j’ai perdu de nombreux amis dans ce quartier. Aujourd’hui, j’éprouve un sentiment de joie et une profonde tristesse."

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Les combattants vont enfin pouvoir se reposer. Les traits tirés, Younes, un Arabe d’Al-Chaddadeh savoure ces instants. "J’ai été de toutes les guerres contre Daesh. A Mambij, à Tabqa, à Sarrine. Mais à Raqqa, c’était de loin la plus dure. C’était leur capitale et ils l’ont défendue jusqu’au bout."

Les mines antipersonnel sont partout

Le danger n’a pour autant pas disparu avec la victoire. Raqqa est aujourd’hui une ville piégée. Selon les forces de la coalition, entre 60% et 70% du territoire de la cité est miné. Dans une rue défoncée, un combattant appelle à l’aide : l’un de ses camarades est gravement blessé. "Nous sommes entrés dans cette rue pour l’inspecter, et il a sauté sur une mine", raconte-t-il. Il sera évacué et survivra à ses blessures.

Ici, on parle d'un émissaire saoudien venu discuter avec le conseil civil de Raqqa, chargé d'administrer la ville depuis la chute de Daesh. Les habitants ont hâte de revenir, mais pour l'instant aucun retour n'est possible. En quatre mois, cette bataille a fait au moins 3 250 morts, dont 1 130 civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

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