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Avec le cessez-le-feu en Ghouta orientale, "Moscou temporise et gère la pression diplomatique"

Le chercheur au CNRS Thomas Pierret a estimé lundi sur franceinfo que la Russie n'a pas "d'intention sincère" en proposant un cessez-le-feu quotidien dans la région de la Ghouta orientale en Syrie.

Article rédigé par franceinfo
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Les immeubles sont détruits à Hamouria, dans la région de la Ghouta orientale en Syrie, le 22 février 2018. (AFP)

Les bombardements continuent dans la Ghouta orientale, près de Damas, en Syrie malgré les appels au cessez-le feu de l'ONU. La Russie ordonne une trêve quotidienne de quelques heures dans ce fief rebelle assiégé par les forces du régime syrien. Avec cette décision, "Moscou temporise (...) et gère la pression diplomatique", a analysé lundi 12 février sur franceinfo Thomas Pierret, chargé de recherche au CNRS, membre de l’Iremam (Institut de recherches et d'études sur les mondes arabes et musulmans) à Aix-en-Provence et spécialiste de la Syrie. Selon lui, "il n'y a pas d'intention sincère". En une semaine, 500 civils ont été tués, et certains soupçonnent l'utilisation d'armes chimiques par les troupes de Bachar al-Assad dans cette région.

franceinfo : Pourquoi le cessez-le-feu décidé à l'ONU ce week-end n'est pas respecté pour l'instant ?

Thomas Pierret : Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de sérieux dans l'attitude de la Russie vis-à-vis de ce cessez-le-feu. Le cessez-le-feu ordonné par Vladimir Poutine ne vaut que pour quelques heures dans la journée. Cela signifie que le reste du temps on peut bombarder la Ghouta. Et la Russie a introduit des exemptions, en disant que le régime pouvait continuer de bombarder les groupes terroristes et ceux qui collaborent avec eux. Selon les interprétations, cela peut être utilisé pour justifier une poursuite des opérations. La Russie cherche à gérer la pression diplomatique, suscitée par le très grand nombre de victimes civiles, il n'y a pas d'intention sincère.

Même cette version minimaliste du cessez-le-feu n'est pas respectée pour le moment ?

Il s'agit d'un jeu. La Russie lance cette idée d'un cessez-le-feu et, dans les jours à venir, on va se perdre en discussions sur sa mise en œuvre au rabais. Moscou temporise. Son objectif final n'a pas changé : aider le régime syrien à reprendre la Ghouta par la force.

Quand Vladimir Poutine "ordonne" un cessez-le-feu quotidien, est-ce lui qui a la main sur la situation ?

C'est clairement lui qui donne les ordres aux forces du régime syrien. L'Iran joue un rôle au moins aussi important, mais c'est la Russie qui est l'interface du régime syrien avec la communauté internationale. Et dans la région de Damas, militairement c'est une affaire qui concerne les troupes du régime au sol et l'aviation russe, davantage que l'Iran.

Les témoignages se multiplient pour évoquer le recours aux armes chimiques dans la Ghouta ces derniers jours. Est-ce que cela vous paraît crédible ?

Oui, d'autant plus que la Ghouta a déjà été le théâtre de la plus grave attaque chimique depuis 30 ans, pendant le massacre de 2013 par le régime syrien. Les indices que l'on a semblent concordants. Le régime a eu une tendance à utiliser des armes chimiques quand ses combattants rencontraient des difficultés sur le terrain. La Ghouta est un obstacle militaire aux troupes au sol du régime.

Fut un temps, l'utilisation d'armes chimiques était une ligne rouge pour les Etats-Unis ou la France. N'est-ce plus le cas ?

Le régime syrien sait que les Occidentaux jouent avec les mots. C'est l'administration Obama qui la première en 2012 avait érigé l'utilisation d'armes chimiques en ligne rouge. Toutefois, la pratique des Américains a toujours été de considérer que seules certaines armes chimiques étaient considérées comme lignes rouges. Il s'agit des armes chimiques qui entraînent de très nombreuses victimes comme les neurotoxiques de type gaz sarin. Là, il s'agit vraisemblablement de chlore, moins mortel que le sarin. Ce sont des attaques qui ne tuent pas forcément plus de monde que les attaques conventionnelles. Personne ne l'affirme. Mais dans la pratique, les pays occidentaux ne réagissent pas aux attaques au chlore comme ils l'auraient fait avec des attaques chimiques de plus grande ampleur.

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