Pour le 4e jour consécutif, des milliers de personnes ont défilé lundi à Deraa, où l'armée était déployée en force
Les manifestants ont défilé du cimetière vers la Mosquée Al-Omari après l'enterrement d'un jeune, Raëd Akrad, tué dimanche par les forces de l'ordre.
La Syrie, où la loi d'urgence est en vigueur depuis 1963, est depuis le 15 mars le théâtre de protestations après l'appel d'une page Facebook réclamant plus de libertés.
Intitulée "la révolution syrienne contre (le président syrien) Bachar al-Assad 2011", la page Facebook qui comptait samedi 56.000 membres, appelle à manifester pour "une Syrie sans tyrannie, sans loi d'urgence ni tribunaux d'exception, sans corruption ni monopole des richesses".
Les manifestants réclament plus de liberté et de démocratie dans ce pays où les inégalités se sont accentuées, la pauvreté touchant 14% des 22 millions de Syriens.
"Toutes les raisons pour un changement existent" en Syrie , gouverné d'une main de fer, soulignent certains analystes.
Manifestation et funérailles à Deraa lundi
A Deraa, les manifestants ont marché lundi du cimetière vers la Mosquée Omari après l'enterrement du jeune homme tué dimanche par les forces de l'ordre.
Des centaines d'entre eux ont observé ensuite un sit-in à l'intérieur et près de la Mosquée en scandant "liberté, liberté", "révolution, révolution, du Hauran à la Jézira", région du nord-est de la Syrie. "Nous allons poursuivre le sit-in jusqu'à ce que toutes nos demandes pour la liberté soient satisfaites", a indiqué un militant à l'AFP.
"Les forces de sécurité ont tenté d'empêcher une participation massive aux obsèques mais des milliers de personnes se sont rassemblées malgré tout", a indiqué un témoin.
La protestation s'étend à d'autres villes
Les protestations se sont étendues lundi aux villes voisines de Deraa, foyer le plus actif de la contestation depuis vendredi: à Enkhel où des manifestants ont pris d'assaut une station de police, ainsi qu'à Jassem, où 2.000 personnes ont manifesté lundi.
Des dizaines de manifestants ont défilé également en soirée à Nawa, à 35 km de Deraa, en scandant des slogans contre la corruption.
Un enfant de onze ans qui avait été intoxiqué par des gaz lacrymogènes dimanche lors de la dispersion d'une manifestation à Deraa par les services de sécurité, a succombé lundi, a annoncé un militant des droits de l'Homme. Le garçon a été enterré rapidement "sur ordre des services de sécurité".
"Plus de 800 personnes sont portées disparues à Deraa" depuis le déclenchement des manifestations vendredi, selon la même source.
Les manifestations du week-end
Des centaines de manifestants avaient mis le feu dimanche au palais de justice et à d'autres bâtiments à Deraa, à 120 km au sud de Damas, comme le siège du Parti Baas, et les tribunaux de la ville, ont rapporté des habitants.
Un peu plus tôt, les forces de l'ordre syriennes avaient tiré dans la foule qui manifestait. Au troisième jour de la contestation dimanche dans cette ville de 75.000 habitants proche de la frontière jordanienne, les manifestants ont également incendié les filiales locales de deux entreprises de téléphonie, dont l'une, Syriatel, appartient à Rami Makhlouf, un cousin du président Bachar el Assad.
Il y aurait un mort et plus de 100 blessés parmi les quelque 10.000 manifestants à Deraa visés par des tirs à balles réelles dimanche, selon un témoin. Samedi, des dizaines de manifestants avaient été arrêtés et plusieurs autres blessés par les forces de sécurité à Deraa. Ces événements avaient lieu au lendemain d'une manifestation dans cette ville de Syrie qui a fait au moins quatre morts.
Samedi, les manifestants participaient aux funérailles de deux jeunes hommes, Houssam Ayyache et Akram Jawabra, tués vendredi par des tirs à balles réelles à Deraa, a indiqué à l'AFP un militant des droits de l'Homme. Les autorités syriennes ont annoncé samedi la création d'une commission d'enquête sur les violences "regrettables" de vendredi. "Des mesures adéquates vont être prises pour en sanctionner les responsables", selon l'agence officielle Sana.
Réactions internationales
La France a une nouvelle fois dénoncé lundi les violences contre les manifestants survenues en Syrie et exhorté les autorités de ce pays à libérer toutes les personnes détenues pour avoir participé aux manifestations et à engager des réformes. "Elle engage son gouvernement à répondre par des réformes aux aspirations exprimées par le peuple syrien", a aussi souligné le porte-parole.
"Les Etats-Unis condamnent fermement les violences qui ont été commises aujourd'hui en Syrie et appellent le gouvernement syrien à autoriser les manifestations pacifiques", a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison blanche, Tommy Vietor. "Les responsables des violences d'aujourd'hui devront rendre des comptes", a-t-il ajouté.
Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a pour sa part appelé Damas à la retenue et a jugé inacceptables l'utilisation d'armes létales et l'arrestation arbitraire de manifestants agissant de manière pacifique.
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