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Irak : intervenir ou pas, les hésitations de Barack Obama

Deux ans et demi après leur retrait militaire d'Irak, les Etats-Unis sont appelés à l'aide par Bagdad.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Barack Obama, le 3 juin 2014 à Varsovie (Pologne).  (SAUL LOEB / AFP)

"Nous laissons derrière nous un Etat souverain, stable, autosuffisant, avec un gouvernement représentatif qui a été élu par son peuple." Celui qui se définissait en 2011 comme le président du retrait réussi d’Irak va-t-il être contraint d'y replonger son pays ? 

Deux ans et demi après avoir annoncé le départ des troupes américaines, Barack Obama n'a exclu "aucune option", jeudi 12 juin, pour répondre à l'avancée des jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) vers Bagdad, avant d'exclure le lendemain tout nouveau déploiement sur le terrain.

Avec 4 400 soldats tués depuis 2003 et plus de 32 000 blessés, pour un coût de 3 000 milliards de dollars, Barack Obama a rappelé, vendredi 13 juin, les "sacrifices extraordinaires" des troupes américaines dans ce pays, tout en demandant à son équipe "de préparer un éventail d'options pour soutenir les forces de sécurité irakiennes". 

Difficile soutien au Premier ministre irakien

Car s'engager militairement en Irak revient, aux yeux de Barack Obama, à soutenir Nouri Al-Maliki, le Premier ministre irakien, en qui le président américain n'a aucune confiance. Pour le Washington Postc'est lui qui a conduit l'Irak dans cette nouvelle guerre civile "à travers ses politiques sectaires et autoritaires". Le journal rappelle "son refus répété pendant de longues années de trouver un accord politique urgent avec la minorité sunnite, la mise en place d'institutions étatiques corrompues, inefficaces et sectaires, ainsi qu'une violente répression militaire". 

Avant de prendre une décision, Barack Obama a donc besoin de garanties. C'est pour cette raison que Brett McGurk, chargé du dossier au département d'Etat, est à Bagdad pour aider le gouvernement chiite à trouver des alliés au sein de la communauté sunnite. 

Obama sommé de sortir de sa "sieste"

Barack Obama est aujourd'hui face à un dilemme, craignant de remettre le doigt dans l'engrenage d'une intervention militaire. La situation est "perdant-perdant" pour Washington, selon La Croix (article payant). "Si rien ne se passe, c'est l'autorité de l'Amérique qui est remise en cause", explique dans cet article Thomas Snégaroff, directeur de recherche à l'Iris et spécialiste des Etats-Unis.

D'autant que les républicains ne manquent pas l'occasion de charger le président démocrate. Barack Obama fait "sa sieste" en Irak, a attaqué jeudi John Boehner, et président républicain de la Chambre des représentants. Difficile également d'imaginer le président des Etats-Unis en simple spectateur assistant à la création de ce "Djihadistan"

Frappes de drones et fourniture de matériel

L'une des options les plus sérieuses consisterait à frapper avec des drones les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Encore faut-il être capable d'identifier les cibles. "Si les Turcs le permettent, on pourrait sans doute couvrir le nord de l'Irak depuis la base d'Incirlik, explique Richard Klass, un colonel de l’US Air Force à la retraite cité par Libération. Mais les leaders de l'EIIL peuvent maintenant s'intégrer dans des villes comme Mossoul, où il sera difficile de les frapper."

"Vous ne pouvez pas reconquérir des villes avec des avions", confirme au site kurde Rudow (en anglais) Chris Bellamy, professeur à la Greenwich University de Londres. Les Etats-Unis pourraient donc accroître leur soutien à l’armée irakienne, en plus des 15 milliards de dollars (11 milliards d'euros) d'aide en équipement ces cinq dernières années, pour reconquérir le nord du pays. "Trois des dix-huit divisions irakiennes ont besoin d’être complètement rééquipées, elles ont besoin d’un programme d’assistance massif", révèle Michael Knights, spécialiste de l'Irak au Washington Institute for Near East Policy, cité par Libération

Capture d'écran d'une vidéo de propagande postée sur internet le 11 juin 2014 et montrant une colonne de véhicules de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). (EEIL / AFP PHOTO)

"Mais tout l’équipement américain n’y suffira pas tant que l’armée irakienne n’est pas décidée à se battre", estime Richard Klass. Washington pourrait donc davantage compter sur les peshmergas kurdes, mieux organisés et qui cherchent à défendre leur région autonome du Kurdistan irakien, ainsi que sur les milices chiites, qui vont surtout combattre pour défendre la région de Bagdad, leur fief.

Vers une alliance avec l'Iran ?

L'avancée des jihadistes sunnites en Irak préoccupe également l'Iran chiite voisin, qui pourrait coopérer avec les Etats-Unis contre cette menace, selon un responsable iranien de haut rang, cité par l'agence Reuters. L'hypothèse serait discutée au sein même de la direction de la République islamique. Téhéran pourrait envoyer sur le terrain des formateurs, estime Arthur Quesnay, doctorant en sciences politiques à la Sorbonne, interrogé par RFI"Les ennemis de mes ennemis sont mes amis" : cet adage pourrait donc se vérifier dans les prochaines semaines.

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