L'Irak et la Syrie grignotés par le "Djihadistan"
Les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant contrôlent désormais une grande région à cheval sur l'Irak et la Syrie, riche en pétrole, dont ils veulent faire leur Etat.
Ils terrorisent l'Irak et parasitent l'opposition syrienne. Les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont pris le contrôle de Mossoul, deuxième ville irakienne, et continuent leur progression vers Kirkouk et Samarra, mercredi 11 juin. Il n'aura fallu que quatre jours à ces combattants islamistes pour mettre en déroute l'armée irakienne et faire fuir des milliers d'habitants de Mossoul.
Ils promettent de ne pas s'en prendre aux civils, mais laissent "des centaines" de cadavres derrière eux, selon des témoignages rapportés par un religieux irakien dans La Croix. Surtout, l'EIIL (The Islamic State of Iraq and al-Shams en anglais) est devenue "l'organisation terroriste la plus riche du monde", affirme l'International Business Times, en pillant les coffres de la banque centrale de Mossoul, qui abritait près de 430 millions de dollars, selon le gouverneur de la région.
Quel objectif poursuivent les jihadistes de l'EIIL ?
L'organisation mène le jihad international au Proche-Orient. Née en Irak, sous la houlette d'Al-Qaïda, après l'intervention américaine, elle s'en est affranchie et a grandi dans la guerre civile en Syrie, pour devenir "bien plus mortelle qu'Al-Qaïda", selon le Washington Post (en anglais). Son leader, l'Irakien Abou Bakr Al-Baghdadi, souhaite abolir la frontière entre l'Irak et la Syrie pour créer un Etat islamique dans la région et y instaurer la charia la plus sévère.
L'EIIL profite de la crise syrienne et de l'affaiblissement du pouvoir irakien pour agrandir sa zone d'influence, nommée "Djihadistan" par le spécialiste du Proche-Orient Jean-Pierre Filiu. En quelques heures, mercredi, ces violents mercenaires ont encore pris plusieurs villes entourées de champs pétroliers et mis la main sur les oléoducs qui alimentent toute la région en pétrole.
Afficher Zone d'influence de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) sur une carte plus grande
Pour cela, Abou Bakr Al-Baghdadi dispose d'environ 10 000 hommes en Irak et plus de 7 000 en Syrie, précise Le Monde, dans un long portrait du chef terroriste, considéré comme le nouveau Ben Laden. Une armée de volontaires qui a déjà pris le contrôle d'une partie de la province d'Anbar autour de Fallouja, à l'ouest de Bagdad, ainsi que les régions riches en pétrole de Deir ez-Zor et Raqqa, en Syrie.
Sa dernière prise : Mossoul, deuxième ville irakienne, et l'ensemble de la province de Ninive. Au moins 500 000 habitants ont fui vers le Kurdistan irakien et de nombreux soldats ont abandonné leurs uniformes, leurs blindés et leurs armes. L'EIIL contrôle désormais les bases militaires, l'artillerie et quelques hélicoptères. Kirkouz, à environ 200 kilomètres au nord de Bagdad, est la prochaine cible. Mercredi 11 juin, les jihadistes y ont exécuté 15 membres des forces de sécurité.
L'Irak peut-il résister ?
Les progrès spectaculaires des insurgés témoignent du chaos sécuritaire dont souffre l'Irak, alimenté par les luttes politiques, les tensions confessionnelles entre chiites et sunnites et le conflit en Syrie. Les forces de sécurité formées par l'armée américaine, retirée en 2011, sont incapables de repousser des insurgés déterminés et armés jusqu'aux dents. Le gouvernement de Nouri Al-Maliki a donc décidé d'armer les citoyens volontaires. Mais une partie de la population sunnite, opposée au Premier ministre chiite, soutient l'action de l'EIIL.
Nouri Al-Maliki promet de "restructurer et réorganiser" les forces de sécurité. Il a demandé au Parlement de décréter l'état d'urgence et assure pouvoir reprendre rapidement Mossoul. Pourtant, l'armée n'a jamais réussi à reprendre Fallouja, plus petite que Mossoul, tombée il y a six mois. D'ici là, "il a redéployé l'armée, concentrant l'essentiel des forces dans et autour de la capitale, Bagdad", raconte Le Monde.
Quel rôle joue Damas ?
Officiellement, Bachar Al-Assad ne fait pas la différence entre ces jidahistes et ses autres opposants, tous qualifiés de "terroristes". Mais Damas est soupçonné de laisser faire l'EIIL et de concentrer ses efforts contre l'Armée syrienne libre, raconte Time (en anglais). L'organisation dispose d'une base solide dans le nord-est de la Syrie, où il a déjà instauré un Etat dans l'Etat, "qui prend racine, levant l'impôt, rançonnant, pillant et vendant le pétrole en contrebande", précise le quotidien.
Pourtant, mercredi, Damas assure que "le terrorisme soutenu par l'étranger auquel fait face l'Irak frère est le même qui sévit en Syrie", selon un communiqué du ministère syrien des Affaires étrangères. Le régime de Bachar Al-Assad se dit "prêt à coopérer avec l'Irak pour faire face au terrorisme, cet ennemi commun". Mais il n'est pas certain que le pouvoir syrien, qui dispose toujours d'une armée nettement plus puissante que son voisin, tienne parole et change de stratégie sur son propre territoire.
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