Jihadistes français en Syrie : beaucoup de femmes "ont réalisé le piège dans lequel elles étaient tombées"
L'avocat Martin Pradel, qui défend plusieurs familles revenues de Syrie, rappelle que lors du retour en France, les femmes parties "sont presque toujours emprisonnées. Elles ne sont pas du tout lâchées dans la nature."
Alors que Raqqa, le fief de Daesh en Syrie, est officiellement tombé aux mains des forces soutenues par les Etats-Unis, après quatre mois de combats acharnés, la question du retour des femmes et des enfants de jihadistes français se pose. Interrogée mardi sur France Inter, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a prévenu que ces personnes seraient "judiciarisées" si elles rentraient en France.
Pour maître Pradel, qui défend plusieurs familles revenues de Syrie, ces femmes "savent qu'elles prennent le risque d'être emprisonnées, et d'ailleurs elles sont presque toujours emprisonnées". "Ce sont des femmes qui ont commis, manifestement, une très grave erreur dans leur vie. Elles se trouvent maintenant dans une zone qui est totalement perdue, et elles sont piégées", a expliqué ce mercredi sur franceinfo Martin Pradel.
franceinfo : Etes-vous en contact avec des familles françaises qui sont actuellement en Syrie ?
Martin Pradel : Oui, je suis en contact avec des familles qui sont sur place. Mais ces familles, pour beaucoup d'entre elles, veulent rentrer depuis longtemps. Elles sont dans une situation particulièrement difficile. Ces femmes qui se sont rendues là-bas ont été tout à fait volontaires pour y aller. Mais à partir du moment où elles sont arrivées, beaucoup d'entre elles ont réalisé le piège dans lequel elles étaient tombées.
Quel est le profil de ces femmes ?
J'aurais du mal à vous dire qui sont ces femmes en une phrase. Il y a des femmes qui étaient en plein succès et qui ont explosé en vol. Il y a des femmes qui enchaînaient les échecs. Il y a des femmes dont la tradition familiale est musulmane, et d'autres qui sont converties… En fait, ce sont des femmes qui ont commis, manifestement, une très grave erreur dans leur vie. Elles se trouvent maintenant dans une zone qui est totalement perdue, et elles sont piégées.
Comment être certain qu'elles ont ce sentiment ?
Sonder les cœurs, c'est un vrai problème pour nous tous… Mais il me semble que notre système, qui est forcément perfectible, est quand même prévu pour savoir quel est le degré de sincérité des gens. Ces femmes, quand elles me contactent, elles viennent en sachant exactement qu'elles vont devoir rendre des comptes, que des questions vont leur être posées. Elles savent qu'à leur arrivée, elles prennent le risque d'être emprisonnées, et d'ailleurs elles sont presque toujours emprisonnées. Elles ne sont pas du tout lâchées dans la nature.
La société a-t-elle vraiment envie de voir revenir ces familles ?
La société est parfois soumise à ses plus bas instincts : la vengeance est un instinct. On a parfois envie de se venger. Mais avons-nous envie de se venger de ces petits enfants, qui sont français ? Il faut que la société les prenne en charge, ils sont innocents, ils n'ont rien fait. Beaucoup sont nés là-bas, de parents français. On ne peut pas accepter l'idée que ces enfants paient le prix des erreurs de leurs parents.
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