: Vidéo "Ces substances provoqueront une gigantesque explosion qui détruira le port de Beyrouth" : le rapport ignoré d'un lanceur d'alerte
C'est une bombe à retardement qu'on a laissé se constituer au port de Beyrouth. "Envoyé spécial" a eu accès à des rapports confidentiels, jamais diffusés, mais transmis à la hiérarchie militaire et politique... et jusqu'au Premier ministre libanais. L'alerte avait été lancée en termes explicites quelques semaines avant l'explosion du 4 août 2020.
Le 4 août 2020, il est 18h08 quand, dans le hangar numéro 12 du port de Beyrouth, explose l'équivalent d'un dixième de la charge de l'arme atomique larguée sur Hiroshima. Que s'est-il passé exactement ?
Peu avant 18 heures, un incendie se déclare, et des pompiers et des militaires sont envoyés sur place. Ils ne le savent pas, mais derrière la porte du hangar se trouvent 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium. Cette substance explosive peut résister aux chocs et aux frottements, mais pas à un incendie violent.
Le hangar n°12 contenait de quoi provoquer une réaction en chaîne
Le nitrate d'ammonium est entreposé ici sans aucune précaution, dans des centaines de sacs, comme le montrent les photos que les journalistes d'"Envoyé spécial" ont pu se procurer. Mais ce n'est pas tout. Le hangar renferme en outre des barils d'essence, de kérosène, d'acide chlorhydrique... et 15 tonnes de feux d'artifice. De quoi provoquer une réaction en chaîne.
Elle a lieu une trentaine de secondes après la première déflagration (l'incendie démarre avant 18 heures, une première petite déflagration se produit à 18h07, l'incendie se propage alors et 35 secondes plus tard, à 18h08, retentit la grosse explosion). Favorisées par les feux d'artifice, les flammes gagnent l'ensemble du hangar... jusqu'au nitrate d'ammonium.
Un rapport transmis à tous les hauts responsables libanais
Lorsque les journalistes d'"Envoyé spécial" sont arrivés à Beyrouth pour ce reportage, l'enquête avançait lentement – comme la reconstruction de la ville. Une trentaine de personnes avaient été arrêtées, sans être formellement inculpées.
Parmi elles se trouve un homme qui avait pourtant tenté d'alerter du danger, d'empêcher la catastrophe. "Envoyé spécial" a retrouvé les rapports confidentiels, jamais diffusés, du commandant Joseph Naddaf, en poste à la Sûreté générale du port de Beyrouth.
En décembre 2019, en patrouillant sur le port, le militaire avait remarqué que la porte du hangar n°12 ne fermait pas et qu'un des murs était troué. A l'intérieur du hangar, il avait découvert des centaines de sacs en mauvais état, contenant du nitrate d'ammonium. Il avait pris des photos.
"Aucun n'a fait quoi que ce soit, et l'explosion a eu lieu"
Quelques semaines avant l'explosion, Joseph Naddaf l'avait écrit noir sur blanc : "Ces substances provoqueront une gigantesque explosion qui détruira le port de Beyrouth." "Les ministres de l'Intérieur, de la Défense, des Finances, les chefs de l'armée, de la Sûreté générale, et tous les plus hauts officiers du pays ont reçu ce rapport, précise aujourd'hui son oncle. Aucun n'a fait quoi que ce soit, et l'explosion a eu lieu. Ils ont été interrogés, et tous relâchés, alors que Joseph, lui, a été arrêté." "Inacceptable" pour sa famille...
Extrait de "Beyrouth : une bombe au cœur de la ville", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 12 novembre 2020.
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