Témoignages "Cette tragédie que vient de vivre Israël, c’est notre quotidien", selon un habitant de la bande de Gaza

Après l'attaque d'une ampleur inédite du Hamas contre Israël, les forces israéliennes ont répliqué massivement contre des cibles à Gaza. Les habitants confient leur fatalisme face à cette "nouvelle guerre".
Article rédigé par Alice Froussard - Sami Boukhelifa
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des habitants de la bande de Gaza fuient les bombardements de l'armée israélienne, après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023. (MOHAMMED ABED / AFP)

Au téléphone, des bruits sourds d'explosion continus résonnent : "Je pense que vous pouvez entendre les bombardements dans mon quartier. C'est un bâtiment résidentiel qui est visé", explique Maha Hussein, une habitante de Gaza. Après l'attaque la plus meurtrière sur son territoire depuis sa création, Israël a officiellement déclaré la guerre dimanche 8 octobre au Hamas, après l'offensive inédite lancée la veille par le mouvement islamiste palestinien depuis Gaza. D'après le dernier décompte de l'armée, lundi, plus de 700 Israéliens ont été tués en un peu plus de 48 heures, et 2 150 blessés ont été dénombrés. Jusqu'à 250 personnes ont été massacrées dans une rave party près de Gaza, selon une ONG. Et Israël a reconnu que plus de 100 civils et militaires israéliens avaient été enlevés. Côté palestinien, 560 personnes ont été tuées et 2 900 ont été blessées, selon les autorités locales.

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Lundi, les forces israéliennes ont ainsi continué de traquer les membres du Hamas encore présents dans le sud d'Israël et poursuivi leurs frappes aériennes contre des cibles à Gaza, où de nouveaux bâtiments ont été détruits. 

Au micro de franceinfo, Maha Hussein l'assure : voulant échappant aux bombes, les habitants de Gaza doivent évacuer les tours d'habitation en quelques minutes, laissant quasiment tout derrière eux. Mais dans cette zone si densément peuplée, toutes ces personnes n’ont "nulle part où aller", précise-t-elle. "C’est ironique et blessant d’entendre Benyamin Nétanyahou dire aux Gazaouis de fuir leurs maisons. Nous n’avons pas d’autre endroit où aller, et il n’y a aucun endroit sécurisé à Gaza. Contrairement à Israël, nous n’avons pas d’abris anti-aériens", dénonce-t-elle. 

A Gaza, "notre vie peut s’arrêter en une fraction de seconde"

Alors, les habitants mettent en place un système D, espèrent que leur maison ne sera pas la prochaine : les familles mettent du scotch aux fenêtres, mais vivent dans la peur, l’horreur de voir le nombre de morts et de blessés sans cesse d’alourdir, explique pour sa part Hikmat. "Mes enfants, jusqu’à ce moment, n’ont pas dormi à cause des raids israéliens continus. Mon fils a dix ans, et psychologiquement, c’est très dur. Comment voulez-vous qu’il grandisse normalement ?" Avant de préciser : à Gaza, "notre vie peut s’arrêter en une fraction de seconde".

Désespoir, résignation, lassitude : Ahmed, 32 ans, est né à Gaza et n’a jamais quitté son enclave sous blocus israélien. Les guerres, il en a vécu cinq en 15 ans : "Une de plus, une de moins, quelle différence ? La mort, personne n’y échappera. Aujourd’hui, demain, elle frappera quand mon heure sonnera" dit-il, fataliste. Ahmed poursuit : "Israël a colonisé notre terre. Les Israéliens ont contraint une partie de notre peuple palestinien à l'exil, une autre partie vit marginalisée, et une autre partie encore est ici à Gaza, sous blocus... On vit comme des bêtes. Certains d’entre nous sont devenus des monstres. Et lorsque ces monstres s’attaquent à leur créateur, on se demande pourquoi ? Ensuite, ils nous qualifient de terroristes, de tueurs d’enfants et de civils", dénonce Ahmed. 

"On veut seulement les mêmes droits pour tous"

Selon lui, l’Etat hébreu est responsable de toutes les victimes innocentes, palestiniennes ou israéliennes. "C’est l’occupation et l’injustice qui génèrent toutes ces violences, explique le jeune homme. Ils disent que la terre ici n’appartient pas aux Palestiniens. Soit. C’est la terre sacrée des enfants d’Israël. Dieu lui-même leur a ordonné d’y vivre. Et nous alors ? On est bons à jeter ? On ne pourrait pas tous vivre ici ensemble, en paix ? Même s’ils veulent être au pouvoir, on l’accepte. On veut seulement les mêmes droits pour tous". Et de conclure : "Cette tragédie que vient de vivre Israël, c’est notre quotidien à Gaza", dit-il. Comme un vœu pieux, Ahmed espère que le monde prendra enfin conscience de la réalité endurée à Gaza.

La guerre entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et Israël a fait plus de 123 000 déplacés dans la bande de Gaza, a annoncé lundi le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU. "Les hostilités ont causé des déplacements internes" de population, dont "plus de 17 500 familles représentant 123 538 personnes (...), principalement à cause de la peur, d'inquiétudes pour leur protection et de la destruction de leur logement".

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