Que va-t-il se passer après la demande de mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale à l'encontre de Benyamin Nétanyahou ?

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une pancarte à l'effigie du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, après une manifestation de soutien aux Palestiniens à Banda Aceh (Indonésie), le 18 mai 2024. (HOTLI SIMANJUNTAK / EPA-EFE / MAXPPP)
Le procureur Karim Khan a demandé des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense Yoav Gallant ainsi que des dirigeants du Hamas. Reste à savoir si les juges de la CPI accéderont à sa requête.

Le procureur de la Cour pénale internationale a réclamé, lundi 20 mai, des mandats d'arrêt contre Benyamin Nétanyahou et des dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza et en Israël. Le procureur Karim Khan, dont l'enquête porte sur des faits depuis 2021, incluant les événements de ces derniers mois, a précisé qu'il demandait des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense Yoav Gallant pour des crimes tels que "le fait d'affamer délibérément des civils", "l'homicide intentionnel" et "l'extermination". Les accusations portées contre les dirigeants du Hamas incluent "l'extermination", "le viol et d'autres formes de violence sexuelle" et "la prise d'otages en tant que crime de guerre".

L'information a fait vivement réagir la communauté internationale. Quand les mandats pourraient-ils être émis ? Les personnes visées seront-elles arrêtées ? Franceinfo résume les suites possibles à ces demandes du procureur. 

La demande du procureur est étudiée

C'est le bureau du procureur, organe indépendant au sein de la Cour pénale internationale, qui a enquêté pendant plusieurs années sur la situation avant de demander ces mandats d'arrêt. Désormais, "seules les chambres préliminaires peuvent délivrer à tout moment un mandat d'arrêt ou une citation à comparaître, s'il existe des motifs raisonnables de croire que la personne visée a commis un crime relevant de la compétence de la Cour", détaille la CPI dans un document explicatif (PDF). Cette autre instance de la Cour, composée de trois juges, analyse donc en ce moment la requête du procureur. Cette dernière contient notamment une description des actes présumés et un résumé des éléments de preuve à charge. 

Si ces preuves ne sont pas suffisantes aux yeux des juges, ces derniers "peuvent ordonner au procureur de fournir davantage d'éléments de preuve ou de modifier les charges, ou bien, ils peuvent mettre fin à la procédure en rejetant toutes les charges", complète le site de la CPI. Et "l'accusation peut solliciter une nouvelle fois la confirmation des charges en présentant de nouveaux éléments". "En pratique, au vu du contenu de ces rapports qui sont quand même assez détaillés et au vu du sérieux qui a entouré l'élaboration de ces rapports, on peut quand même penser que les juges vont prendre une décision favorable à la délivrance de mandats d'arrêt", avance Olivier Corten, professeur de droit international à l'université libre de Bruxelles, auprès de la RTBF.

Des juges rendent ensuite leur décision

Les juges de la chambre préliminaire doivent donc désormais prendre leur décision. Mais les procédures sont longues. Pour en arriver là, déjà, l'enquête sur Israël et le Hamas pour de possibles crimes de guerre dans les territoires palestiniens a été ouverte en 2021. Elle a ensuite été étendue "à l'escalade des hostilités et de la violence depuis les attaques du 7 octobre 2023" perpétrées par le Hamas sur le sol israélien. Depuis, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, affirme que son équipe a rassemblé un "volume important" de preuves sur des "incidents pertinents". Pour la suite, "les délais peuvent varier, des semaines, voire des mois s'écoulant parfois entre le moment où le procureur de la CPI demande un mandat d'arrêt et celui où les juges se prononcent", rapporte la BBC

Certains pays pourraient l'appliquer

Si les juges de la CPI décident d'émettre le mandat d'arrêt contre Benyamin Nétanyahou, cela signifie qu'en théorie, n'importe lequel des 124 Etats membres de ce tribunal serait obligé de l'arrêter s'il se rendait sur leur territoire. "Aucun individu ne saurait être à l'abri de poursuites en raison des fonctions qu'il exerce", fait en effet valoir la Cour pénale internationale. En cas d'arrestation, le chef du gouvernement israélien serait entendu en comparution initiale puis lors d'une audience aux côtés de l'accusation et des représentants légaux des victimes, avant que "les juges décident (généralement dans les 60 jours) s'il existe suffisamment d'éléments de preuve pour renvoyer l'affaire en jugement", détaille la CPI. 

Même si un mandat d'arrêt pourrait compliquer certains déplacements de Benyamin Nétanyahou, la CPI ne dispose d'aucune force de police et s'appuie donc sur la volonté de ses Etats membres de jouer le jeu. Israël, les Etats-Unis, la Chine ou encore la Russie ne font d'ailleurs pas partie des Etats membres, comme on peut le constater sur la liste des pays qui appliquent les décisions de la CPI, ce qui permet théoriquement aux personnes visées par ces mandats de s'y rendre. "Israël a déjà affirmé que la CPI n'avait aucune légitimité, voire qu'elle était antisémite. (...) Donc on se doute bien qu'ils ne vont pas collaborer avec la cour, ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas fait jusqu'ici", complète le juriste Olivier Corten à la RTBF.

"On ne doit pas s'attendre en effet à ce que les éventuels mandats d'arrêt soient exécutés rapidement."

Olivier Corten, juriste

à la RTBF

Malgré cela, la portée est avant tout symbolique, d'après les experts. "Ce qu'a fait le bureau du procureur, c'est de montrer qu'il n'y a pas d'Etat au-dessus des lois, de dirigeant au-dessus des lois et qu'une vie palestinienne vaut autant qu'une vie israélienne", commente l'avocat Emmanuel Daoud, spécialiste en droit pénal international, auprès de franceinfo.

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