Morts lors d'une distribution d'aide à Gaza : le convoi a été organisé par l’armée israélienne sans concertation avec l’ONU ou les autorités locales

Au moins 110 personnes sont mortes jeudi à Gaza, selon le Hamas, lors d'une distribution d'aide humanitaire. L'organisation de cette distribution faisait partie d'une expérimentation approuvée lundi par le cabinet de guerre israélien.
Article rédigé par franceinfo
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Des Palestiniens se dirigent vers de l'aide humanitaire envoyée à Gaza, le 1er mars 2024. (AFP)

D’un côté, on parle d’un "incident", d’une "dramatique bousculade" : c’est la version israélienne. De l’autre d’un massacre, qui a désormais un nom à Gaza : "le massacre de la farine et des affamés". De nombreuses questions se posent au lendemain de la mort d'au moins 110 personnes à Gaza, selon le Hamas, lors d'une distribution d'aide humanitaire, jeudi 29 février.

Israël a reconnu des "tirs limités" de soldats israéliens qui se sentaient "menacés" et évoque aussi "une bousculade durant laquelle des dizaines d'habitants ont été tués et blessés, certains renversés par les camions d'aide". Or, un nouvel élément suscite une nouvelle polémique : ce convoi humanitaire a été organisé par l’armée israélienne sans concertation avec l’ONU, ni les autorités locales. Il s'agit d'une expérimentation, un projet pilote, approuvé par le cabinet de guerre israélien lundi dernier.

Une expérimentation sans concertation

Le principe de cette expérimentation est simple : une fois à Gaza, les camions changent de conducteurs et des entreprises locales sont alors en charge de l’acheminement de l’aide vers le Nord. Ils sont escortés de nuit par l’armée israélienne, sur des trajets bien définis, des corridors humanitaires. L’objectif est d'empêcher le détournement de l’aide au profit du Hamas et surtout d'éviter les pillages.

Jeudi, au petit matin, le convoi était composé de 38 camions, conduits par des Palestiniens et sécurisés par l’armée israélienne. Le porte-parole de l'armée israélienne a indiqué que ce convoi, entré à Gaza depuis le terminal de Rafah, à la frontière égyptienne, était affrété par des "entreprises privées", sans autre précision. Il est passé par la route littorale. C’était le cinquième depuis la mise en place de ce nouveau dispositif. L’armée précise que les quatre premiers convois ont traversé la zone sans encombre. 

Des erreurs relevées par l'ONU

Le chef de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, a souligné sur X (ex-Twitter) que "ni l'Unrwa ni aucune autre agence de l'ONU n’ont été impliquées dans cette distribution".

Cela faisait des semaines que la coordination humanitaire de l'ONU à Jérusalem essayait de négocier avec l'armée israélienne des passages de nuit en direction du nord pour éviter d'être stoppés sur la route par des habitants affamés ou des groupes organisés. "Les passages de nuit étaient une des suggestions qu'on avait mises sur la table parce que c'était la seule manière de limiter le nombre de personnes", explique Andrea De Domenico, le responsable de l'Ocha (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs), le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU. Mais "c'était compliqué, on n'a pas eu les garanties de l'ouverture de nuit du barrage" puis, "tout d'un coup, ils ont essayé avec le privé. Sauf qu'ils n'ont pas tout pris en compte", poursuit-il. 

D'après les images et les témoignages recueillis par les services de l'ONU, il y a eu jeudi un cumul d'erreurs sans doute liées à l'inexpérience du terrain. Les chauffeurs n'ont pas eu les bons réflexes et le convoi était trop long, estime Andrea De Domenico : "Le convoi a essayé de foncer à travers la foule et après, une fois que les camions ont été stoppés, la dernière partie du convoi était très proche du barrage et c'est là qu'il y a eu des tirs sur la foule parce qu'ils se sont trop approchés du barrage."

Depuis des mois, l'ONU se plaint des restrictions imposées par l'armée à ces convois. La solution de remplacement des Israéliens débouche sur cette catastrophe. L'ONU espère pouvoir reprendre la route du nord, même si cette affaire complique encore les choses sur le terrain. De son côté, l'armée israélienne dit réfléchir à d’autres modalités de distribution de l’aide humanitaire, par les airs, comme la Jordanie, ou en ouvrant un nouveau point d’entrée à Gaza.

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