"Le symbole de la défaite, de la perte" : les otages, traumatismes de la société israélienne depuis les JO de Munich
En Israël, le visage de Ron Arad a refait son apparition récemment dans les manifestations de familles d’otages. Un symbole alors qu’un accord paraît imminent pour libérer une partie des dizaines de personnes détenues par le Hamas dans la bande de Gaza, contre des prisonniers palestiniens. Car la disparition de Ron Arad, un copilote d’avion de chasse, avait été vécue comme un drame national. Son avion, abattu au Liban en 1986, avait été retrouvé mais pas lui. Il avait été capturé par une milice libanaise, avant de ne plus donner signe de vie. Son nom est, depuis lors au sein de la société israélienne, attaché à l'otage qui n'est jamais revenu.
"C’est le symbole de la défaite, de la perte, explique Daniel Bensimon, ancien journaliste à Haaretz. Il n’y a jamais eu de déclaration officielle de la mort de Ron Arad et je crois même que dans 50 ans, quand il aura 200 ans, Ron Arad sera toujours là. C’est la psychologie de ce pays". La question des otages est un véritable traumatisme en Israël depuis la prise d'otages des JO 1972. Onze athlètes israéliens avaient été capturés puis assassinés par le mouvement terroriste palestinien Septembre noir, provoquant une onde de choc mondiale.
Sauver les vies israéliennes à tout prix
Dans les années 2000, le visage de Gilat Shalit accompagne pendant cinq ans les Israéliens. Le jeune soldat avait été enlevé le 25 juin 2006, à la lisière de la bande de Gaza, par des combattants islamistes. Il est resté captif cinq années avant que des négociations ne finissent par aboutir. Selon la doctrine qui vise à sauver toutes les vies israéliennes, sa liberté a été arrachée en échange de la libération d’un millier de prisonniers palestiniens. "Un contre 1 000, un contre 2 000, un contre 5 000", décompte Daniel Bensimon.
"Ça risque d’être compris comme raciste, mais aux yeux d’un Israélien, la vie d’un Juif vaut beaucoup plus que des milliers d’autres vies."
Daniel Bensimon, ancien journaliste à Haaretzà franceinfo
"Ça joue un rôle dans le traumatisme juif, confirme-t-il. On ne vous laissera jamais tomber". La crise actuelle des otages a réveillé ce traumatisme de la société israélienne, car il y a des enfants, des femmes et des soldats parmi les captifs. Mais il y a aussi de jeunes fêtards laïcs, israéliens avant d’être juifs, ce qui est une différence majeure pour le gouvernement Nétanyahou, estime Daniel Bensimon.
"Il faut libérer ces gens. Mais je vous dis entre nous : Nétanyahou n’aime pas ces otages. Ils représentent l’autre monde, laïc, les non-croyants qui ont fait la fête pendant un jour religieux. Ça joue aujourd’hui". Le Premier ministre israélien a attendu 45 jours avant de recevoir les familles. "Ils ne font pas partie de la famille idéologique, la famille politique", tranche le journaliste.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.