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Israël en guerre (de moins en moins) froide contre l'Iran

Deux engins explosifs en Inde et en Géorgie visant des diplomates israéliens lundi, une future bombe nucléaire iranienne, Tsahal qui menace de fondre sur l'Iran par les airs. Dans l'ombre, Téhéran et Tel-Aviv semblent se livrer à une guerre qui ne dit pas son nom.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des enquêteurs autour de la carcasse du véhicule touché par un attentat à New Delhi (Inde), le 14 février 2012. (PARIVARTAN SHARMA / REUTERS)

Lundi 13 février, l'homme est arrivé à moto. Il a arrimé une bombe à l'arrière d'une voiture stationnée devant l'ambassade israélienne à New Delhi et s'est évanoui dans la circulation de la capitale indienne. Pour le ministre de l'Intérieur indien, pas de doute, il était "très bien entraîné". Du véhicule, il ne reste qu'un squelette calciné. L'explosion a blessé légèrement trois Indiens et plus gravement une diplomate de 42 ans. "Il y a tout lieu de croire" qu'elle était la cible, dit le ministre. Sur la table d'opération, les médecins ont retiré des éclats métalliques dans le foie, les poumons et la colonne vertébrale de la victime, également épouse de l'attaché de Défense de l'ambassade.




A plus de 3 000 kilomètres de là, à Tbilissi (Géorgie), presque au même moment, le chauffeur géorgien de l'ambassade d'Israël, Chota Outiachvili, a plus de chance. Après avoir garé son véhicule à environ 200 mètres de l'ambassade, il remarque un "engin de fabrication artisanale qui avait été attaché au châssis de la voiture", selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur géorgien. La police locale désamorce la bombe.

En Israël, le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, ne tarde pas à réagir. Il tend son index droit vers "l'Iran qui est derrière ces attentats, [et qui] est le plus grand propagateur de terrorisme dans le monde". Indignation aussi du Canada, des Etats-Unis, de l'Union européenne, de l'ONU. On réclame des enquêtes. L'Iran dément être lié aux attentats, mais ceux-ci ne sont pas sans rappeler d'autres attaques à Buenos Aires (Argentine) en 1992 et 1994, notamment.



La série pourrait ne pas s'arrêter là. Mardi 14 février, un homme, probablement iranien, a été très gravement blessé à Bangkok (Thaïlande) par l'engin explosif qu'il portait, alors qu'il tentait de fuir la police.

Anniversaire de la mort d'un chef du Hezbollah

C'est que l'Iran et Israël semblent se livrer, dans l'ombre, à une guerre froide sans pitié avec pour enjeu la bombe atomique iranienne. Ces attentats, qui n'ont pas été revendiqués, et dont le ministre indien de l'Intérieur se garde bien d'attribuer la responsabilité à "aucun groupe ou organisation", surviennent pile pour l'anniversaire de l'assassinat d'un chef militaire du Hezbollah, organisation chiite libanaise financée par l'Iran.

Considéré comme le cerveau de prises d'otages et de terribles attaques au Liban (attentats du Drakkar et contre des marines américains à Beyrouth en 1983) et recherché par plusieurs services de renseignements, Imad Moughnieh a été liquidé le 12 février 2008 à Tyr (Liban). Même procédé : une bombe avait été placée sous la voiture du djihadiste. L'attentat a été attribué à Israël. Depuis, l'anniversaire de sa mort donne régulièrement lieu à des avertissements aux voyageurs israéliens.

Des physiciens iraniens pris pour cibles

Ce n'est pas le seul attentat imputé aux services secrets israéliens. Téhéran soutient que le Mossad a été, plus récemment, responsable de l'assassinat de scientifiques et d'un général.

Le mode opératoire est sophistiqué. Le 11 janvier 2012, le scientifique Mostafa Ahmadi Roshan, 32 ans, a été exécuté par un motard qui a posé, en pleine course, une bombe électromagnétique sur son véhicule, alors qu'il circulait dans l'est de Téhéran. C'est au moins le quatrième savant, dont trois liés au programme nucléaire, à être assassiné.

Le général de division Hassan Moghaddam, à l'origine d'un programme de missile balistique, a, lui, été tué dans une explosion qui a fait 17 morts sur une base des Gardiens de la révolution en novembre 2011.

Attaque virale contre les installations nucléaires iraniennes

A chaque fois, Téhéran accuse les "sionistes" et les Américains. "Cet assassinat lâche, dont les auteurs n'oseront jamais (...) accepter la responsabilité, a été commis comme les autres crimes, avec la planification ou le soutien des services de renseignements de la CIA et du Mossad", gronde l'ayatollah Khamenei à l'enterrement de Mostafa Ahmadi Roshan. Israël ne bronche pas.

Le pays aurait même lancé, en collaboration avec les Etats-Unis, le virus informatique Stuxnet pour saboter le programme nucléaire de Téhéran, selon le New York Times (article en anglais). Un cinquième des centrifugeuses iraniennes destinées à enrichir l'uranium auraient été arrêtées. Le site d'information Owni a disséqué le virus et signalait en juin une vidéo (en anglais) publiée par la chaîne australienne ABC1 expliquant son fonctionnement :

Volonté de ralentir le programme nucléaire iranien ? De mettre en garde la communauté scientifique ? Ce qui est certain, c'est que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a de "sérieuses inquiétudes concernant une possible dimension militaire du programme nucléaire iranien". Dans un rapport rendu quelques jours avant la mort du général Moghaddam (et publié par Le Monde), l'agence onusienne affirme que l'Iran a bénéficié d'un "réseau nucléaire clandestin". Une allusion au renfort apporté par un savant russe et des experts pakistanais. Téhéran a démenti : son programme nucléaire a une visée civile et les conclusions de l'AIEA ne sont que des "allégations".

Préoccupé, l'Etat hébreu est tenté par l'escalade face à son hostile voisin. Depuis des mois, il menace d'un raid aérien sur les sites nucléaires iraniens. L'enjeu : intervenir avant que le pays ne se dote de l'arme nucléaire (d'ici à un an, selon Le Figaro). Israël est en effet déjà à portée des missiles balistiques iraniens Shabab 3. Tel-Aviv craint aussi que les Iraniens ne se dotent de nouvelles batteries anti-aériennes russes. Troisième raison de se hâter : une réélection de Barack Obama permettrait au président américain d'avoir la légitimité de s'opposer frontalement à des frappes israéliennes, explique le JDD.

Dans son éditorial mardi 14 février, Le Figaro souligne que "depuis dix ans que la tension monte à propos du nucléaire iranien, jamais une attaque préventive israélienne n'avait paru aussi probable dans un avenir proche".

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