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"L'Arabie saoudite n'a pas tiré les conséquences du crime horrible" de Jamal Khashoggi, selon Reporters sans frontières

"C'était une enquête bâclée sans coopération policière", a réagi lundi sur franceinfo Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières, après la condamnation à mort de cinq Saoudiens pour l'assassinat du journaliste.

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Un homme tenant une photo de Jamal Khashoggi, avec la légende "où est la justice ?", le 25 octobre 2018 au Sri Lanka. (LAKRUWAN WANNIARACHCHI / AFP)

"L'Arabie saoudite n'a pas tiré les conséquences du crime horrible" de Jamal Khashoggi, a déclaré lundi 23 décembre sur franceinfo Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). Il réagissait à la condamnation à mort de cinq Saoudiens pour le meurtre de ce journaliste, alors que deux proches du prince héritier Mohammed ben Salmane ont été acquittés.

franceinfo : Vous dénoncez une justice bafouée, pourquoi ?

Christophe Deloire : C'était une enquête bâclée sans coopération policière, et une justice à huis clos, qui ne respecte pas les standards internationaux, qui veulent que la justice soit publique. C'est la publicité de la justice qui permet de se faire une idée sur les charges, les éléments de preuves, sur la défense des personnes et les arguments de cette défense. Là on se retrouve avec un verdict, avec des condamnations à mort, des condamnations à des peines très longues et des acquittements, on ne peut que se dire que tout ça est assez discrétionnaire. Ceux qui ont le niveau le plus élevé, les plus proches du sommet du pouvoir ont été acquittés pendant que d'autres ont été condamnés à mort. Les condamnations à mort, on ne les souhaitait pas, ça ne favorise pas la justice. Si jamais ces peines devaient être exécutées, ce serait un moyen de faire taire à jamais des témoins, des acteurs possibles de cette tragédie.

Diriez-vous que le procès a été aussi opaque que l'enquête ?

Oui, certains diront que quelques diplomates ont pu assister au procès, mais ils l'avaient fait à la condition qu'ils ne racontent pas publiquement ce qui s'est passé. Ça revient à un procès totalement à huis clos, on ne peut pas se faire une idée sur la réalité des reproches et des motifs de la condamnation. Malheureusement l'Arabie saoudite n'a pas tiré les conséquences de ce qui s'est passé, de ce crime horrible. C'est aujourd'hui un pays classé 172e sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse, un pays dans lequel plus de 30 journalistes sont aujourd'hui détenus de manière arbitraire. Ce qu'on demande à l'Arabie saoudite, c'est une justice pleine et entière, des audiences auxquelles on peut assister, des premières mesures pour la liberté de la presse, à commencer par la libération de ces journalistes, et plus largement l'ouverture du débat public en Arabie saoudite.

Déplorez-vous qu'aucun des proches du prince héritier ne soient condamnés dans cette affaire, malgré les soupçons sur la responsabilité de Mohamed Ben Salmane ?

La preuve n'a pas été apportée, mais il y a une enquête indépendante du rapporteur spécial de l'ONU Agnès Callamard, il y a des indices troublants. Le prince Mohamed Ben Salmane a récemment fait, à la télévision américaine, des déclarations en parlant de sa responsabilité, en parlant d'une responsabilité au sens moral, c'est une manière d'éconduire la question de sa culpabilité. Une chose est sûre : ce crime est un crime absolument sans précédent commis dans une enceinte diplomatique par des hommes de main en nombre du régime saoudien.

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