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Pays-Bas: l'extrême droite à l'assaut du pays

Le procès du leader néerlandais d’extrême droite Geert Wilders s’ouvre le 31 octobre 2016. Motif: en mars 2014, le dirigeant du Parti pour la liberté (PVV) avait déclaré vouloir «moins de Marocains» aux Pays-Bas. Des propos révélateurs d’une mouvance politique qui surfe sur la crise migratoire en Europe. Explications.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le leader d'extrême droite néerlandais, Geert Wilders, à Vienne le 27 mars 2015. (REUTERS/Heinz-Peter Bader)

Au cours d’une soirée après les élections municipales de mars 2014 à La Haye, le député à la chevelure décolorée et «coiffée vers l’arrière façon Dandy» (Le Monde), avait demandé à ses militants: «Voulez-vous plus ou moins de Marocains dans votre ville et aux Pays-Bas?» Face à une foule criant «Moins! Moins!», Geert Wilders, qui compare le Coran à Mein Kampf et décrit l’islam comme une «idéologie totalitaire», avait alors répondu en souriant: «Nous allons nous en charger.» Des propos qui avaient scandalisé l’opinion. Le PVV avait alors connu une hémorragie de militants. Et plus de 6400 plaintes avaient été déposées par des citoyens et des associations.

Si Geert Wilders est jugé coupable par la justice, il pourrait être condamné à une peine maximale de deux ans de prison ou à une amende de plus de 20.000 euros. Lors d’une audience en septembre dans un tribunal hautement sécurisé près de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, il avait expliqué: «Ce que j’ai dit n’a rien à voir avec le racisme ou l’incitation à la haine, mais reflétait seulement ce que des millions de citoyens néerlandais pensent.»

Provocation
Geert Wilders et son parti n’en sont pas à leur coup d’essai en matière de provocation. Début 2012, le PVV avait ainsi mis en ligne un site sur lequel les Néerlandais étaient invités à dénoncer les migrants est-européens. Quatre ans plus tard, sur le site du PVV, on peut toujours trouver un lien pour une «hotline sur les nuisances liées aux demandeurs d’asile» («meldpunt overlast asielzoekers»).


Vent debout contre l’arrivée de citoyens européens aux Pays-Bas, le parti d’extrême droite surfe aussi sur les craintes liées à la crise migratoire du Vieux continent. En août 2016, il expliquait dans son programme «PVV 2017-2021» publié sur Twitter qu’il fallait «désislamiser» le pays en fermant «toutes les mosquées» et en interdisant le Coran. Avec un slogan: «Les Pays-Bas à nouveau à nous» (qui rappelle irrémédiablement le très hexagonal «La France aux Français»).

«Perte d’innocence»
Au niveau international, le PVV, très opposé à l’UE, a créé en novembre 2013, avant les Européennes de 2014, une alliance avec le FN, qualifiée par L’Obs d’«union d’eurosceptiques». Sous la direction de Marine Le Pen, «le FN est, à mes yeux, devenu un parti sympathique et je me réjouis de collaborer avec lui», déclarait alors Geert Wilders. Histoire de dire qu’il n’avait pas une sympathie particulière pour l’ancien président du Front national, Jean-Marie Le Pen, père de Marine, et ses dérapages antisémites.

En s’intéressant à l’immigration, à l’islam, à l’UE, le leader du PVV a repris l’héritage de Pim Fortuyn, assassiné par balles en mai 2002 à Hilversum (centre-ouest). Cet universitaire charismatique, qui qualifiait la religion musulmane de religion «rétrograde», entendait révolutionner les Pays-Bas. Il avait percé politiquement à Amsterdam en 2001 en s’emparant, avec sa liste, de plus d’un tiers des sièges lors des municipales dans la ville. Il pensait faire fructifier ce succès pour les élections législatives l’année suivante et devenir chef du gouvernement. Les sondages prédisant un beau score à la «Liste Pim Fortuyn» (LPF).


Son assassin, Volkert van der Graaf, un écologiste militant de la cause animale, avait déclaré vouloir, par son geste, défendre les «groupes sociaux les plus vulnérables», en particulier les immigrés musulmans et les demandeurs d’asile. La mort de Pim Fortuyn, neuf jours avant les législatives de 2002, avait déclenché un séisme dans le pays, jusque-là connu pour sa tranquillité et sa tolérance. «Les Pays-Bas ont perdu leur innocence», avait alors déclaré le leader du Parti travailliste (gauche), Ad Melkert. Le chef du gouvernement, Wim Wok, y avait vu «une attaque contre la démocratie».

Soumission
Lors du scrutin de 2002, en l’absence de son chef de file, la LPF avait obtenu 26 sièges (sur 150 à la Chambre des députés), faisant d’elle un partenaire politique incontournable. Mais ses membres avaient rapidement sombré «dans la confusion et les querelles internes». Conséquence: Geert Wilders a su «récupérer une grande partie de son électorat en radicalisant la critique du système et de ses élites» (Le Monde).

La mort de Pim Fortuyn avait été suivie en 2004 par l’assassinat, à Amsterdam, du réalisateur Theo Van Gogh, arrière-petit neveu du célèbre peintre. Egalement polémiste et caricaturiste, connu pour ses propos hostiles à la religion musulmane, ce «provocateur-né»  avait été poignardé dans la rue par un islamiste radical, Mohammed Bouyeri. Néerlandais d’origine marocaine, ce dernier avait laissé sur place un message appelant au djihad. Message visant en fait la députée Ayan Hirsi Ali, d’origine somalienne. Laquelle avait participé à un court-métrage du cinéaste, «Submission» (Soumission), qui dénonçait les violences commises contre les femmes dans les pays musulmans.

Ce meurtre a été un choc pour la Hollande dont il «a brisé le rêve libéral», commentait le Guardian après le drame. D’autant que, selon Le Monde, Geert Wilders, «était une autre cible désignée du groupe Hofstad, dirigé par Mohammed Bouyeri».

La statue de Pim Fortuyn exposée à Diemen (Pays-Bas) le 7 avril 2011. (AFP - KOEN VAN WEEL )

Un choc à tel point que quelque temps après sa mort, Pim Fortuyn a été désigné devant les peintres Rembrandt et Van Gogh, les philosophes Spinoza et Erasme, les reines Juliana et Beatrix, comme l’un des personnages les plus importants de l’histoire néerlandaise. Une statue lui a même été dressée à Rotterdam. «Aujourd’hui, même ses adversaires les plus résolus reconnaissent l’influence considérable qu’il a exercée» dans son pays, analyse Le Monde. Une influence tombée dans l’escarcelle de Geert Wilders et du PVV. 

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