Guerre Israël-Hamas : "Les opérations de déminage prendront des années" dans la bande de Gaza, prévient Handicap International
Alors que l'armée israélienne bombarde Rafah, la ville du sud de la bande de Gaza où se sont réfugiés 1,4 million de personnes d'après l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, et que Benyamin Nétanyahou a ordonné à l’armée d’évacuer les civils de cette zone en vue d’une offensive terrestre, Handicap International alerte sur la situation humanitaire catastrophique sur place. Danila Zizi, directrice pour la Palestine de l’ONG, évoque le sort des habitants en situation de handicap, qui ont plus de difficultés à fuir les bombardements.
franceinfo : Que vous disent les employés d’Handicap International présents à Gaza ? Quelles scènes vous décrivent-ils ?
Danila Zizi : C’est difficilement imaginable. D’après nos calculs, on compte déjà plus de 27 000 blessés qui n’ont pas pu être soignés correctement. Ils ne peuvent pas rester dans les hôpitaux et disposer du temps nécessaire pour récupérer leurs fonctions motrices. Ils risquent davantage de développer des formes de handicap. Nous avons distribué quelques centaines de fauteuils roulants, de béquilles sur place, mais c’est largement insuffisant.
Certaines personnes déjà en situation de handicap avant le début de la guerre ont perdu leurs appareils, en fuyant les bombardements. Après les premiers tirs sur Gaza, en octobre, nous avons reçu des appels de Palestiniens désespérés. Ils essayaient de se mettre à l’abri. Mais pour eux, notamment s’ils sont en fauteuil roulant, c’est quasi-impossible de faire plusieurs kilomètres, sur des routes détruites par les tirs et les combats. D’autres personnes en situation de handicap mental peuvent ne pas comprendre ce qu’il se passe.
À Handicap International, vous vous inquiétez particulièrement du nombre d’armes, de bombes, de grenades, de missiles tombés au sol mais qui n’ont pas explosé.
Ils représentent un grand danger pour les Gazaouis. Ils ne sont en sécurité nulle part à cause de cela. En se déplaçant dans les rues, ils peuvent marcher sur une mine posée par le Hamas, ou fouler un missile qui n’a pas explosé. C’est aussi dangereux de s’installer dans un abri de fortune, en pleine rue, parce qu’ils ne peuvent pas savoir ce qu’il y a juste en-dessous, enfoui dans le sol. Certains fouillent dans les décombres pour trouver de l’eau, de la nourriture... et risquent de déclencher une explosion.
"D’après des experts de l’ONU, environ 10% des armes explosives (grenade, bombe, roquette, mine) tombent au sol sans se déclencher. Elles représentent un danger tant qu’elles ne sont pas désactivées par des démineurs."
Danila Zizi, Handicap Internationalà franceinfo
Nous ne savons pas combien il existe d’armes dans ce cas à Gaza, mais au vu de l’ampleur des bombardements sur l’enclave, nous estimons qu’il y en a quelques milliers. Pour savoir où elles se trouvent précisément, les désactiver et les sortir, il faut absolument un cessez-le-feu permanent. Ces opérations de déminage vont prendre des années, et coûter très cher. Mais elles sont indispensables pour assurer la sécurité des Palestiniens quand ils pourront rentrer chez eux. Si les autorités les y autorisent. Et pour reconstruire la bande de Gaza.
Avec beaucoup d’ONG, avec le secrétaire général des Nations Unies, vous appelez de concert à un cessez-le-feu. Mais les négociations achoppent entre Israël et le Hamas. Benyamin Nétanyahou a ordonné à l’armée israélienne d’évacuer la ville de Rafah en vue d’une offensive terrestre. Les bombardements se poursuivent. Vous sentez-vous impuissants ?
Notre inquiétude ne cesse de grandir. Rafah est la dernière ville avant l’Egypte, celle où sont regroupés l’essentiel des réfugiés palestiniens aujourd’hui [ils sont 1,4 million d’après l’ONU, sur les près de deux millions d’habitants que comptait Gaza avant la guerre]. Une quelconque incursion militaire à Rafah aurait des conséquences catastrophiques sur les civils. L’accès à l’aide humanitaire est déjà très limité, ils manquent d’eau, de nourriture. Il n’y a pas d’électricité, pas de réseaux de communication, quasiment plus d’hôpitaux en fonctionnement. Nous, ONG, ne pourrions plus apporter d’aide, si l’armée vient à intervenir à Rafah.
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