Guerre entre Israël et le Hamas : pourquoi la résolution pour un cessez-le-feu votée à l'ONU a peu de chances d'être mise en œuvre

Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est prononcé pour la première fois en faveur d'un arrêt des combats et des frappes dans la bande de Gaza. Mais l'institution dispose de peu de moyens pour faire respecter ses décisions.
Article rédigé par Elise Lambert, franceinfo avec AFP
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Le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit à New York pour voter une résolution pour un "cessez-le-feu immédiat" dans la bande de Gaza, le 25 mars 2024. (ANGELA WEISS / AFP)

Un espoir de paix très fragile. Pour la première fois depuis le début de l'intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté une résolution appelant à un "cessez-le-feu immédiat", lundi 25 mars. La décision a été adoptée grâce à 14 voix favorables et une abstention, celle des Etats-Unis. Allié historique d'Israël, Washington avait jusque-là opposé son veto à trois précédents textes appelant à un arrêt des combats, avant d'infléchir sa position. Les Etats-Unis avaient présenté leur propre résolution, mentionnant "la nécessité d'un cessez-le-feu immédiat et durable", vendredi – la Russie et la Chine y avaient opposé leur veto.

Le texte finalement adopté lundi "exige un cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan" (qui s'achève début avril) devant "mener à un cessez-le-feu durable". Il ordonne également "la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages". Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a déclaré que ne pas appliquer cette résolution serait "impardonnable".

Malgré ce vote, les raids aériens de l'armée israélienne et les affrontements avec le Hamas se sont poursuivis dans la bande de Gaza. Le ministère de la Santé du Hamas affirme avoir recensé 70 morts dans la nuit de lundi à mardi, dont 13 dans des frappes aériennes près de Rafah. Franceinfo résume les raisons pour lesquels l'arrêt des combats demandé par les Nations unies reste très incertain.

Les résolutions sont contraignantes, mais souvent ignorées

Selon la Charte des Nations unies, les Etats membres de l'ONU "conviennent d'accepter et d'appliquer" les résolutions votées par le Conseil de sécurité. Celui-ci est la seule instance des Nations unies apte à voter des décisions contraignantes. Mais même si elles relèvent du droit international, le Conseil n'a pas les moyens de les faire respecter, rappelle le New York Times. Il peut prendre des sanctions contre un pays qui ne respecte pas ses décisions, mais celles-ci doivent également être soumises au vote, et sont donc également suspendues au droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité.

Dans les faits, les résolutions du Conseil de sécurité sont souvent ignorées par les pays concernés. Sur X, Richard Gowan, spécialiste de l'ONU au sein de l'ONG Crisis Group, explique qu'"en 1973, les États-Unis ont soutenu une résolution de l'ONU pendant la guerre du Kippour, puis [le chef de la diplomatie américaine, Henry] Kissinger a discrètement indiqué à [la Première ministre israélienne] Golda Meir qu'Israël devrait la transgresser". Tel-Aviv viole actuellement une résolution de l'ONU de 2016 qui exige la fin de la poursuite de la colonisation en Cisjordanie occupée. En 1981, une résolution appelait à la fin de l'annexion du plateau du Golan par Israël, mais ce territoire est toujours occupé par Israël. L'ONU est devenue une "naine sur la scène politique internationale", déplorait Romuald Sciora, chercheur associé à l'Iris et spécialiste des Nations unies, auprès de franceinfo en décembre. Elle "n'a plus cette influence ni les moyens d'imposer un quelconque cessez-le-feu", affirmait-il déjà.

Israël reste déterminé à poursuivre les combats

Les Etats-Unis ont minimisé l'impact de la résolution en la qualifiant de "non contraignante", mais leur refus d'utiliser leur veto a tout de même provoqué l'ire d'Israël. Tel Aviv a immédiatement annulé la visite d'une délégation qui était attendue à Washington pour aborder l'offensive terrestre que l'armée israélienne prévoit à Rafah. Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré que l'abstention américaine lors du vote de lundi "nuisait" à son effort de guerre et à ses efforts pour libérer les otages retenus à Gaza. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, en visite aux Etats-Unis, a assuré que cette décision ne mettrait pas fin aux opérations de l'armée israélienne : "Nous n'avons pas le droit moral d'arrêter la guerre tant qu'il y a des otages à Gaza", a-t-il justifié.

La pression des Etats-Unis ne semble pas assez forte pour qu'Israël infléchisse son action. "L'administration Biden n'est évidemment pas satisfaite de la posture militaire actuelle d'Israël, et permettre que cette résolution soit adoptée était une manière relativement douce de manifester son inquiétude", estime l'expert des Nations unies Richard Gowan, cité par le New York Times. "L'abstention est une suggestion à peine voilée à Nétanyahou pour qu'il freine les opérations, surtout à Rafah." Lors d'une rencontre lundi avec Yoav Gallant, le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a une nouvelle fois mis en garde Israël contre les risques d'une offensive à Rafah, ville du sud de la bande de Gaza où sont retranchés la majorité des civils ayant fui les combats dans le reste de l'enclave.

Le Hamas refuse toujours de libérer les otages

En parallèle de la résolution de l'ONU, des pourparlers pour une trêve se poursuivent au Qatar. Mais le Hamas les a d'ores et déjà qualifiés "d'échec". Le mouvement islamiste a rejeté, lundi, les dernières propositions faites en échange d'une libération des otages, souligne le quotidien israélien Haaretz. La résolution du Conseil de sécurité exige pourtant également "la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages".

Selon le quotidien israélien, le Hamas a posé plusieurs conditions pour changer de position : le retrait total des forces israéliennes de la bande de Gaza, le retour des Gazaouis déplacés dans le sud du territoire palestinien vers le nord et la libération d'un nombre "significatif" de prisonniers palestiniens détenus en Israël. D'après Tel-Aviv, sur les 250 personnes environ qui ont été enlevées en Israël lors des attaques du 7 octobre, 130 n'ont pas été libérées, dont 33 seraient mortes.

Le texte est critiqué pour son "insuffisance"

Plusieurs pays et organisations ont salué la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, mais ont aussi critiqué les limites du texte. L'Iran, soutien du Hamas, a salué une "étape positive, mais insuffisante". L'Égypte a pointé "le déséquilibre" de la résolution en raison de sa "durée limitée et les obligations qu'elle comporte". L'Afrique du Sud, qui a déposé plusieurs recours contre Israël ces derniers mois auprès de la Cour internationale de justice, a prévenu : "La balle est maintenant dans le camp du Conseil de sécurité, qui sera testé sur sa capacité à garantir le respect de sa résolution."

La limitation du "cessez-le-feu immédiat" demandé par le texte au "mois de ramadan" est un des points critiqués, celui-ci ayant débuté deux semaines avant le vote. "Cette résolution prévoyant une pause de deux semaines n'est pas suffisante pour répondre aux immenses besoins humanitaires", a prévenu Médecins sans frontières. Le blocus renforcé de la bande de Gaza par Israël empêche toujours l'entrée de "provisions vitales" au sein de l'enclave, et la livraison d'aide humanitaire demeure "presque impossible en raison du mépris total de la protection et de la sécurité du personnel médical et humanitaire", dénonce l'ONG.

Plus de cinq mois après le début de la guerre, plus de 32 000 personnes sont mortes dans la bande de Gaza, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas. Plus d'un million de Palestiniens sont notamment réfugiés à Rafah dans des conditions humanitaires critiques.

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