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Les étrangers, travailleurs enchaînés au Qatar

Le 22 avril 2014, Amnesty dénonçait la situation des travailleurs étrangers au Qatar. Le 23, Stéphane Morello, ex-entraîneur français d'un club de foot qatari, portait plainte à Paris contre le cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani pour violations de son contrat et des conditions de travail contraires à la dignité. Le droit des travailleurs est une notion peu respectée dans le petit émirat du Golfe.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Candidats népalais au départ, en attente de documents pour quitter le Népal, devant le ministère du Travail à Katmandou, le 27 janvier 2014. (AFP PHOTO / PRAKASH MATHEMA)

En février, d’autres Français, comme le footballeur Zahir Belounis et l'homme d'affaires Nasser al-Awartany, retenus au Qatar contre leur gré pendant des mois faute de visa de sortie, avaient également porté l’affaire devant la justice… Quant aux ressortissants d’autres pays, qui viennent grossir par milliers les rangs des travailleurs immigrés (94% de la main d'oeuvre vient d'Inde, du Pakistan, Bangladesh, Népal, Indonésie ou des Philippines), ils sont souvent moins de chance. Et se retrouvent seuls face au système qui régit leur vie loin de chez eux, comme le montre le New York Times.
 
Selon une enquête menée en janvier par le Guardian, il y a une pratique «généralisée» de confiscation des passeports et de parrainage (appelé kalafa, qui empêche un salarié de quitter son poste sans l'accord de son employeur) des travailleurs à faible revenu au Qatar. Ce qui les empêche de quitter le territoire et les condamne à travailler, parfois jusqu’à l’épuisement. Le gouvernement qatari est au courant de cette pratique et l’accepte, déplore Amnesty International. Ainsi, si un travailleur s'enfuit, il n'est pas rare de voir son employeur amener lui-même ses documents d’identité au ministère de l'Intérieur.
 
«Près de mille Indiens et de Népalais sont morts en deux ans dans des chantiers de la Coupe du monde de football» prévue en 2022, raconte Laura Mousset pour TV5 Monde. Et l’annonce par l’émirat le 11 février de mesures pour protéger les travailleurs étrangers employés dans la construction des infrastructures ont été en réalité peu suivies d’effets.
 

 
Au sujet du travail domestique, Amnesty International, qui a mené une longue enquête, a dévoilé le 22 avril un rapport sur la question. On compte quelque 84.000 domestiques étrangères au Qatar, pour la plupart des femmes originaires de pays asiatiques. L’organisation des droits de l’Homme dénonce «les autorités du Qatar (qui) ne parviennent pas à protéger les travailleurs domestiques migrants de graves exploitations, incluant du travail forcé et des violences physiques et sexuelles».
 
Des employées de maison ont ainsi déclaré aux enquêteurs travailler jusqu'à 100 heures par semaine et ne pas bénéficier de repos hebdomadaire. Selon Amnesty, en cas d'abus, ces femmes ne disposent d'aucun recours et peuvent être arrêtées et expulsées pour avoir fui le domicile de leur employeur.

Un centre d'expulsion surchargé 
En mars 2013, elles représentaient 95% des 1600 détenus du centre d'expulsion de Doha, a relevé l’organisation. Au moment de l’enquête, des employées enceintes et des mères avec 13 bébés s’y entassaient. Ces femmes, si elles portent plainte, encourent des poursuites et jusqu’à un an de prison pour «relations sexuelles illicites». Amnesty appelle le Qatar à retirer cette accusation de sa législation.
 
Dans ce centre d’expulsion, témoignait en mars 2014 la Confédération syndicale internationale (CSI), «il y a tellement peu de place que les femmes dorment dans le couloir sur des matelas ou les matelas sont mis sous les lits pour accueillir plusieurs personnes. L'immense majorité de ces hommes et ces femmes ne sont pas des criminels. Ils sont victimes d'un système qui est non seulement abusif, mais s’apparente à de l'esclavage moderne.»

Plus de 2500 Indonésiennes par an fuient le Qatar, selon la CSI. Elles sont victimes d’employeurs abusifs qui les battaient, les séquestraient ou les violaient.

Logement où s'entassent des travailleurs migrants au Qatar, pays hôte de la coupe du Monde de football en 2022. (Shaival Dalal / Amnesty International )

Les pressions se multiplient 
Le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits humains des migrants, François Crépeau (vidéo), doit présenter ses conclusions aux Nations Unies en juin 2014 sur ce centre de Doha. Les détenus, qui n’ont généralement pas accès à une quelconque défense, peuvent y rester un mois comme un an.
 
Amnesty et la CSI font pression pour le Qatar mette fin au système de confiscation de passeports. Et qu’il donne aux travailleurs domestiques protection juridique et droits fondamentaux.

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